Maman, j’ai raté l’avion ! – Chris Colombus
Home Alone. 1990Origine : États-Unis
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Chris Colombus est un élève sage. Auteur en 1985 du scénario de Gremlins, il ne prit pas ombrage des larges modifications apportées par le producteur Steven Spielberg et par le réalisateur Joe Dante. Du petit film d’horreur de série B, Gremlins devint un blockbuster hollywoodien mythique, reposant tout entier sur la subversion de son réalisateur et sur la parfaite connaissance du public de son producteur. La pillule passa d’autant mieux pour Colombus qu’il allait dans la foulée signer le scénario d’un autre film passé à la postérité, Les Goonies, et commencer une carrière de réalisateur qui le mena donc à Maman j’ai raté l’avion, son troisième film en tant que metteur en scène. Tout comme Gremlins, il s’agit d’un film situé à l’époque de Noël, et encore plus ouvertement que le film de Dante, il s’agit d’une comédie familiale, scénarisée directement cette fois par un producteur, John Hughes, qui allait plus tard récidiver dans le genre avec les scénarios de films tels que Beethoven ou encore Dennis la malice.
Alors, le duo Colombus / Hughes vaut-il le duo Dante / Spielberg ? A en juger par le succès commercial, oui. A en juger par les souvenirs d’enfance que beaucoup de monde de ma génération semble partager sur ce film, oui. A en juger par un visionnage a posteriori, franchement non ! Les fameux souvenirs de ce film se concentrent en réalité sur la dernière partie du film, lorsque Kevin (Macaulay Culkin), le gamin oublié tout seul à sa maison de Chicago alors que sa famille est partie à Paris, tente de se débarrasser des cambrioleurs en utilisant de nombreux pièges ingénieux. Une partie de farces et attrapes à la sauce Mac Gyver qui aurait effectivement pu être agréable si ce qui précède n’avait pas été si longuet et autant remplis d’immondices consensuels à peine digne des spectacles de fin d’années concoctés par des écoliers de CE2. Culkin est proprement insupportable : il incarne ce genre de moutard que l’on a l’habitude de voir au cinéma, mais dont la place se cantonne habituellement au côté d’un héros qui est au centre du film. Ici ce n’est pas le cas. Il a la maison à lui tout seul, et il a le film à lui tout seul. Colombus et Hughes jouent la carte habituelle : ils montreront que leur héros en herbe est à la fois très naïf (il cherche en vain à se comporter comme un adulte) et très mâture (-à part pour quelques grimaces horripilantes il est plutôt sage et apprend même à vaincre ses peurs primaires), deux choses apparemment plutôt paradoxales et qui appellent à la fois au rire et à la tendresse. Quel brave Kevin, qui ne se laisse pas abattre, lui qui d’entrée de jeu attire la compassion en se présentant en pauvre gamin martyr de la famille : un incompris, plus assez jeune pour traîner avec les tous petits, mais pas assez vieux pour traîner avec les ados, qui comme les adultes le considèrent encore comme un gamin irresponsable. Tous les membres de sa famille (sauf ses parents, on verra pourquoi dans quelques lignes) nous apparaissent ainsi comme de vilaines têtes à claques (physiquement aussi, puisque Colombus les gratifie de toutes les tares habituelles : le bigleux, la petite pouf prétentieuse, le gros rebelle, le cousin qui pisse dans le lit…). La suite, lorsqu’il se retrouve seul, prouvera qu’ils ont tort, et indirectement, Kevin prendra donc sa revanche. Et pourtant, ce gamin est tellement bon qu’il en viendra à regretter de s’être disputé avec sa mère jusqu’à souhaiter que toute sa famille disparaisse. Car la famille doit rester unie, et avec elle toutes les valeurs qu’elle représentent, en dépit des désaccords. D’où la nécessité de ne pas avoir fait des parents des vilains à l’image des frères et sœurs ou cousins cousines.
Mais le pire dans ce salmigondis de conceptions moralisatrices est encore lorsque Kevin, du haut de ses 8 ans et avec son innocence crasse se permet de donner de forts judicieux conseils à un vieil homme brouillé depuis des lustres avec son fils. Conseils qui bien entendu porteront leurs fruits.
Après tout ceci, il ne reste plus guère de place pour la partie “farces et attrapes”, qui, malgré ses indéniables idées tordues (à vrai dire, on est pas très loin de la fin des… Griffes de la Nuit !) repose malgré tout sur la personnalité insupportable du mioche incarné par Culkin et sur deux cambrioleurs (dont Joe Pesci) à la débilité confondante, ce qui a en plus pour effet d’amoindrir de façon conséquente l’intelligence de Kevin (être plus malin que ces deux abrutis là est tout de même plutôt aisé).
Colombus et Hughes ont donc vraisemblablement confondu comédie familiale avec comédie infantile. Les adultes de la famille seront exclus de ce triste spectacle (à moins d’être fans de représentation scolaires des classes de CE2, donc) et les enfants pourront s’y laisser piéger. Ce qui fut malheureusement mon cas. A la différence de films tels que Gremlins ou SOS Fantômes, Maman j’ai raté l’avion supporte très mal le revisionnage par un public sorti de l’enfance. Aucune imagination dans ce truc très lisse, annonçant par ailleurs à la perfection la carrière de réalisateur qui allait suivre pour Chris Colombus (Maman, j’ai encore raté l’avion, les deux premiers Harry Potter etc).