Critters – Stephen Herek
Critters. 1986.Origine : États-Unis
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De nos jours, les prisons ne sont plus sûres. Pas même aux confins de la galaxie. Huit individus s’échappent de l’une d’elles, et font route en direction de notre bonne vieille planète Terre. Les fuyards répondent au doux nom de Krites, petites boules de poils à la dentition fournie et au vorace appétit. A leurs trousses, deux chasseurs de primes à la réputation dévastatrice. Tout ce beau monde va se retrouver dans un bled paumé des États-Unis, à l’écart duquel vivent les Brown, aimable famille qui ignore ce qui l’attend.
Que ces années 80 furent riches en franchises lucratives ! Hurlements, Scanners, Les Griffes de la nuit, Hellraiser, Vendredi 13, House, tous ces films originaux ont engendré une multitude de séquelles aux fortunes diverses, mais qui ont toujours réussi à remplir d’aise leurs producteurs. Stephen Herek l’ignorait encore –quoique la fin ouverte qu’il ménage à son film fait figure de voeu pieu- mais son Critters allait à son tour donner lieu à trois suites en l’espace de cinq ans.
L’espace n’est pas peuplé que de gentils botanistes extraterrestres. Il grouille également de milliers d’autres créatures aux intentions nettement moins louables. Les Krites, par exemple, sont davantage préoccupés par leur estomac et le moyen de le remplir, que par les spécificités des planètes visitées. L’univers n’est pour eux qu’un vaste garde-manger, capable de combler – momentanément- leur insatiable appétit. Indisciplinés, teigneux et peu compatissants envers leurs semblables, les Krites font immanquablement songer aux Gremlins, en plus velus. Ce sont de lointains cousins, paradoxalement beaucoup plus sages, malgré un régime alimentaire a faire pâlir le plus féroce des carnivores. Critters est une pure série B qui ne s’assume pas comme telle. A quoi bon nous décrire ces créatures, aux allures de diables de Tasmanie miniatures, comme des morfales insatiables et à la dangerosité élevée, si c’est pour les cantonner aux proches alentours de la ferme des Brown ? A aucun moment, ils n’iront semer le trouble en ville, se contentant de rester bien sagement à la ferme, à dévorer des poules et des vaches et, parfois, un être humain (deux sur l’ensemble du film !). Leur potentiel destructeur se retrouve totalement annihilé au profit de deux chasseurs de primes interstellaires. Et encore, ce pouvoir de nuisance se limite à des petites touches d’humour, parsemées tout au long d’un récit déjà bien peu horrifique. Un humour qui joue du côté pataud de ces deux personnages. Ils se révèlent peu dégourdis et facilement impressionnables. Et si leur métabolisme leur permet de prendre l’aspect de l’habitant de la planète explorée, les deux individus conservent leur accoutrement peu discret. Ce talent de transformiste permet à Stephen Herek de jouer la carte du quiproquo à tout va, l’un des deux chasseurs prenant tout à tour l’identité d’un flic mort, du prêtre et de l’illuminé du coin. Stephen Herek tente un mélange peu convaincant entre les invasions d’extraterrestres belliqueux chères aux années 50, et les retombées du succès de Gremlins, avec ses petits êtres hargneux et ingérables. Tout comme eux, les Krites connaissent une phase de transformation liée à la nourriture. Sauf qu’ici, il n’est pas question d’une heure proscrite. A force de se goinfrer, les Krites subissent une mutation qui les rend encore plus monstrueux, car beaucoup plus grands et plus gros. Cette taille imposante, associée à leur appétit sans limite, accroît le péril que les Krites représentent. Enfin, en théorie. Le réalisateur ne cherche jamais à exploiter le potentiel de bestioles qui sont pourtant le fruit de son imagination. Ladite transformation ne sert aucun dessein particulier et se limite à un léger rebondissement. Il se contente de réaliser un film bon enfant, avec son lot de clins d’oeil (un E.T. en peluche se fait décapiter par le Krite géant) et sa gentille famille américaine bien propre sur elle.
Madame Brown, justement, nous apparaît comme une douce mère au foyer qui déteste infliger des punitions à ses enfants. D’abord sous le choc face à cette perfide intrusion (l’extraterrestre qu’elle a connu par le passé était nettement plus adorable), elle se reprend bien vite en main pour défendre le giron familial. Il faut tout de même signaler qu’elle bénéficie de l’interprétation de Dee Wallace Stone, actrice rompue au combat suite à ses démêlées avec des lycanthropes et un Saint Bernard enragé. De son côté, Monsieur Brown incarne la rigueur. Il s’impose en père sévère – enfin, tout est relatif – mais juste. Il chérit sa femme et ses enfants comme il se doit, et tient beaucoup à la vie, comme en atteste son incroyable résistance aux morsures des Krites. Et puis nous avons les deux enfants, qui passent leur temps à se chamailler mais qui, au fond, s’adorent. Ils luttent tous deux vaillamment contre les assaillants avec, toutefois, un peu plus de conviction de la part du fiston, véritable héros du film. Il n’hésite pas à risquer sa vie pour sauver toute sa famille. Un vrai coeur d’or. Et une manière de montrer à tous que sa passion pour les pétards peut s’avérer utile en temps de crise.
Critters possédait tous les atouts pour devenir un titre incontournable du cinéma horrifico-fantastique : des créatures carnassières auxquelles les frères Chiodo donnent brillamment vie, et des chasseurs de primes à leurs basques, ce qui laissaient augurer d’un vivifiant jeu de massacre avec une petite bourgade comme théâtre des opérations. Au lieu de ça, nous avons là un film tout public, qui vante encore les mérites de la sacro sainte famille qui, lorsqu’elle sait se montrer soudée, triomphe à coup sûr de l’adversité. Youpi !