CinémaHorreur

Vendredi 13 – Sean Cunningham

Friday the 13th. 1980.

Origine : États-Unis
Genre : Jour maudit
Réalisation : Sean S. Cunningham
Avec : Adrienne King, Harry Crosby, Laurie Bertram, Betsy Palmer, Kevin Bacon.

1958. Le camp de Crystal Lake est le théâtre du meurtre de deux moniteurs, surpris en train de se bécoter. Ce drame entraîne la fermeture du camp durant plus de vingt ans. En 1980, Crystal Lake s’apprête à rouvrir ses portes. Steve et ses moniteurs s’échinent à redonner au camp tout son lustre d’antan. Malheureusement pour eux, la mort rôde toujours aux abords du lac…

Découvrir ou redécouvrir Vendredi 13 aujourd’hui revêt un léger aspect solennel, dans la mesure où nous assistons aux débuts de la plus longue saga horrifique de l’histoire du cinéma. Une telle longévité n’a de cesse de nous laisser songeurs tant les Vendredi 13 brillent par une banalité de bon aloi. Il faudrait sans doute pouvoir se projeter à l’époque de leur sortie pour saisir les raisons d’un tel engouement. Sur un canevas des plus simples est pourtant née l’une des figures les plus emblématiques du cinéma horrifique de ces 30 dernières années. Comme quoi, la simplicité paie.

Lorsqu’on se penche sur son cas, Vendredi 13 premier du nom apparaît vraiment à part. Bien qu’il introduise toute la saga, il n’entretient finalement que bien peu de similitudes avec les autres films qui la composent. Là où les autres chapitres n’hésitent pas à montrer le tueur sous toutes les coutures (à une exception près), et pour cause puisqu’il s’agit de la vedette de l’histoire, Sean Cunningham cultive le mystère jusqu’au bout, s’abreuvant du côté du giallo. Du tueur, nous ne verrons longtemps qu’une silhouette un peu floue et ses mains. L’utilisation de la vue subjective en fait une entité malfaisante à la présence permanente. Dès que la caméra s’éloigne des personnages, nous nous retrouvons dans la peau du tueur, à les épier sans relâche et à attendre le moment propice pour frapper. Tout cela répond au besoin d’installer une mythologie. A l’instar de certains châteaux ou autres maisons au passé effrayant et qui font le bonheur des amateurs d’histoires horrifiques au coin d’un bon feu de camp, Crystal Lake abrite une malédiction. Pour les habitants du patelin du coin, cet endroit est à éviter à tout prix. Il ne s’y passe que des choses étranges depuis qu’un enfant a péri noyé dans les eaux du lac en 1957. Dans son premier tiers, Vendredi 13 s’apparente à un film d’horreur classique avec ses villageois effrayés à la seule mention du nom du lieu maudit et son illuminé qui tente en vain d’alerter les nouveaux arrivants sur le sort funeste qui les attend s’ils s’entêtent à rester à Crystal Lake. Et comme un fait exprès, l’action se déroule un vendredi 13, journée propice au meilleur (enfin, seulement du point de vue de la Française des jeux) mais surtout au pire.

Une telle mise en place parait favorable aux frissons sauf que Sean Cunningham ne vise jamais à effrayer son public. Il renonce même aux effets faciles du genre (animal jaillissant d’un coin de l’écran, stridence de la musique), c’est dire ! Lorsque le tueur passe véritablement à l’action, nous étions en droit d’attendre quelques moments de trouille bien sentis. Las, Sean Cunningham expédie la phase de massacre, la quasi totalité des personnages mourrant en un laps de temps très court, sans même avoir le temps de comprendre ce qui leur arrive. La peur n’a jamais le loisir de s’installer. Cela ne serait pas trop dommageable si le massacre en question faisait preuve de créativité. L’influence du giallo ne se fait alors plus du tout ressentir. Tandis que le genre transalpin vire au baroque et s’autorise tous les excès, ce qui confère une certaine folie à l’ensemble, ici, Sean Cunningham se contente d’égrener les meurtres de façon mécanique. A l’instar de son tueur durant la majeure partie du film, Vendredi 13 manque d’identité. Il oscille constamment entre film d’horreur classique, giallo et le slasher. C’est finalement à ce dernier genre qu’il se rattache in-extremis avec sa poignée de jeunes gens à la personnalité inexistante. Quelques traits de caractère parviennent à se dessiner (le rigolo, le bon gars,…), mais rien de très approfondi. Cela explique que la mort de certains d’entre eux nous soit carrément invisible (la censure a peut-être aussi eu son mot à dire).

Reste le seul point sortant un peu de l’ordinaire, l’identité du tueur. Le genre nous a habitué aux héroïnes, moins à la féminisation du danger. De voir cette brave dame se muer en machine à tuer nous change du train-train quotidien. Toutefois, en ne nous la présentant qu’à la toute fin, Sean Cunningham nous prive d’une surprise plus grande encore. Toute la construction du film découle de cette “révélation” finale, révélation qui aurait gagné à posséder un point d’ancrage plus concret. Ici, nous découvrons ce personnage en même temps que l’unique rescapée, de façon abrupte et un chouia ridicule. Souffrant de schyzophrénie, madame Voorhees est une curieuse femme. Infaillible et d’une force surhumaine (jeter un cadavre par la fenêtre ou en accrocher un à une porte ne lui pose aucun problème) lorsqu’elle n’est qu’une vague présence, elle devient pataude et maladroite lorsqu’elle agit à visage découvert. Pas de doute, Jason est bien son fils. Mais quid de Jacky, dont elle nous parle tout le temps ? Serait-ce le frère caché de Jason ? Que nenni ! Il s’agit juste d’une fantaisie du doublage français, qui a dû se retrouver bien bête avec l’intronisation du fils Voorhees au statut de vedette de la saga.

Dans ce premier film, Jason se contente de faire entendre sa voix via sa maman. Il se sert d’elle pour assouvir sa vengeance et préserver le lieu de sa mort. Né un vendredi 13, il aurait apprécié que tous les moniteurs meurent pour leur impudence. Il n’aurait pu souhaiter plus beau cadeau d’anniversaire. A défaut de le satisfaire pleinement, ce vendredi 13 de l’année 1980 lui permet de renaître de ses cendres et de devenir le gardien de Crystal Lake pour l’éternité et la postérité. Tremblez, manants! L’histoire de Jason Voorhees ne fait que commencer, et les eaux du lac ne sont pas prêtes de retrouver toute leur quiétude.

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