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Rien que pour vos yeux – John Glen

 

rien-que-pour-vos-yeux-affiche

For Your Eyes Only. 1981

Origine : Royaume-Uni / États-Unis
Genre : Action
Réalisation : John Glen
Avec : Roger Moore, Carole Bouquet, Topol, Lynn-Holly Johnson…

James Bond, épisode 12. Après qu’un bateau espion britannique ait malencontreusement coulé en mer Ionienne, James Bond doit à tout prix le localiser pour récupérer l’ATAC, le système de lancement de missiles très perfectionné qu’il détenait. Le temps lui est compté car les Russes sont aussi sur l’affaire. Heureusement, dans cette course contre la montre il pourra compter sur le concours de Mélina Havelock, pour qui la vengeance est un plat qui se mange sur le champ, et le contrebandier Milos Colombo, qui voit d’un mauvais œil qu’on l’incrimine pour des actes qu’il n’a pas commis.

En ce début des années 80, la saga James Bond tente de se remettre en question, consciente qu’un seuil dans le n’importe quoi avait été franchi avec Moonraker. Fini l’humour cartoonesque impulsé par le personnage de Jaws, terminé les méchants mégalomanes qui veulent conquérir le monde, et oubliés les décors grandioses de leurs bases improbables. Pour bien souligner ce changement d’orientation, James Bond se débarrasse définitivement du mégalomane récurrent de la saga, à savoir Ernst Stavro Blofeld, dès le prégénérique. Son meilleur ennemi paie là des années passées à ne jamais vouloir éliminer sobrement l’agent de sa majesté. Une fois encore, à trop jouer avec le feu, il finit par se brûler et, ce coup-ci, même les plus grands médecins ne pourront rien pour lui. Et le fugace recueillement de l’agent 007 sur la tombe de sa défunte épouse prend la valeur d’un symbole, il fait désormais le deuil de ses errances dans la course aux gadgets et au spectaculaire.

L’intrigue revient à plus de réalisme, bien aidée en cela par le contexte géopolitique. Depuis la fin des années 70 et l’accession en 1980 de Ronald Reagan à la présidence, la Guerre froide s’est ravivée, les tensions entre les deux blocs redevenant plus tendues. Les Soviétiques apparaissent de nouveau comme une menace, et James Bond comme le meilleur et dernier rempart pour préserver le monde libre. S’il demeure cet inamovible agent au service de sa gracieuse majesté, James Bond semble de plus en plus œuvrer pour la défense des intérêts américains, co-production oblige. Mais qu’on ne s’y trompe pas, Rien que pour vos yeux n’a rien du film de propagande. Seulement, comme ses prédécesseurs, cet épisode s’ancre pleinement dans l’époque de son tournage. C’est ce qui peut les rendre intéressants sur le moment et qui, quelques années plus tard, leur confère cet aspect un peu daté. Et puis plutôt que d’en faire des tonnes avec l’Union soviétique, les scénaristes préfèrent axer leur histoire sur l’agent double Kristatos, véritable méchant du film. Dans ce contexte, la course au système ATAC qui oppose James Bond à l’Union soviétique revêt un caractère bon enfant, le Général Gogol accueillant son échec avec le sourire. Un caractère bon enfant qu’on retrouve également lors de l’épilogue qui nous dépeint une dame de fer en bonne ménagère, préparant de bons petits plats à son gentil mari. Un gag lourdingue, réminiscence d’un temps pas si lointain, qui vient confirmer qu’avec Roger Moore, tout finit toujours dans la rigolade. Lors du final, James Bond finit, dans un geste désespéré, par détruire l’appareil tant convoité, renvoyant dos à dos les deux blocs. La partie s’est terminée sur un score nul et vierge, et on peut même s’interroger sur l’intérêt d’une telle mission. A partir du moment où la destruction du système ne gênait en rien les intérêts de son pays, James Bond aurait pu clore le film dès la découverte dudit engin. Or, nous mettons le doigt sur le principal défaut de cette saga, son incapacité à faire simple et direct. Au cours de ses douze missions, James Bond aurait dû mourir mille fois. Sauf qu’à chaque fois, ses ennemis cherchent la sophistication plutôt que l’efficacité. Comme si le statut de héros de 007 lui interdisait de mourir de la façon la plus quelconque qui soit, d’une balle en plein cœur (ou en pleine tête, pour contenter les intellectuels). Dès lors, toute situation de mise en danger tombe à plat, l’intérêt ne résidant pas sur un quelconque suspense -totalement absent- mais dans la capacité de 007 à se sortir des situations les plus inextricables. Et puis, il  n’y a pas mieux pour tomber les filles.

Dans ces conditions, il est difficile pour un réalisateur de tirer son épingle du jeu. Par moment, Rien que pour vos yeux donne la désagréable impression de dupliquer des pans entiers de Au service secret de sa majesté. De la poursuite à ski sur les hauteurs de Cortina d’Ampezzo au personnage de Milos Colombo, sorte de démarquage de Marc-Ange Draco, en passant par la bagarre sur la plage, tout concourt à nous rappeler le film de Peter Hunt. Les similitudes ne s’arrêtent pas là. Auparavant monteur et réalisateur de la seconde équipe sur de précédents James Bond, à l’instar de Peter Hunt, John Glen monte en grade en accédant au poste de réalisateur. Par la suite, il deviendra le réalisateur attitré de la saga jusqu’à Permis de tuer, établissant un record dans le domaine avec cinq James Bond à son actif. Pour Rien que pour vos yeux, il enchaîne les morceaux de bravoure, dont une poursuite orchestrée par Rémy Julienne qui met James Bond au volant d’une 2CV après que sa luxueuse Lotus ait explosé. Une petite touche d’incongruité qui entérine cette volonté de s’éloigner des fastes du passé. Ce James Bond là se complaît moins dans le luxe et se permet même de refuser les avances d’une patineuse peu farouche. Il est à deux doigts de se faire moine. D’ailleurs, sa mission s’achève dans un monastère. Tout un symbole. Et sans effets pyrotechniques.

Maintenant, toutes ces louables intentions ne suffisent pas à faire de cette douzième mission un grand crû. La faute à un méchant inexistant, à des scènes d’action qui ne se départissent jamais d’une désagréable impression de déjà vu, et à un James Bond peu convainquant. Au demeurant très sympathique, Roger Moore ne colle décidément pas avec le personnage. Et ce n’était pas un service à lui rendre que de multiplier les cascades, lui qui ne peut plus les assumer depuis longtemps.

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