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He Got Game – Spike Lee

hegotgame

He got game. 1998.

Origine : États-Unis
Genre : Drame
Réalisation : Spike Lee
Avec : Denzel Washington, Milla Jovovich, Ray Allen, Rosario Dawson…

Ce film de Spike Lee, l’un de ses meilleurs, peut-être pas son plus abouti, mais certainement son plus mûr, raconte l’histoire d’un père et d’un fils qui vont se retrouver autour d’un sport, de leur passion commune pour le basket. Denzel Washington joue Jack, père emprisonné pour avoir tué sa femme lors d’une dispute, homicide involontaire, mais il purge tout de même une peine d’emprisonnement dans la prison d’État. Jésus, joué par Ray Allen, véritable joueur de basket, est le fils de Jack. Jésus est une star dans son lycée. Il a tout gagné avec son équipe, et il ne lui reste plus qu’à choisir l’université où il va aller qui lui servira de tremplin pour rejoindre la NBA, le championnat de basket-ball par excellence.
L’action se déroule dans Coney Island, un quartier pauvre de New York. L’histoire est simple, le gouverneur de l’État veut que Jésus aille dans l’université d’État, et pour cela il va se servir de son père pour convaincre Jésus de rester. Jésus est réclamé par toutes les plus grandes universités des USA. On lui offre les meilleurs bourses, les plus grands privilèges pour qu’il choisisse telle ou telle université. L’idée du gouverneur est de réduire la peine encourue par Jack s’il arrive à convaincre son fils de signer un contrat le liant avec l’université d’État. Seul problème, Jésus ne veut plus entendre parler de son père, suite à ce qu’il a fait à sa mère.

On découvre leur histoire tout au long du film grâce à l’utilisation de flash-back. On découvre que Jack entraînait durement son fils lorsqu’il était plus jeune. Il l’entraînait même la nuit et le poussait à se surpasser, à ne pas se laisser marcher dessus, à ne pas se laisser faire, à se faire respecter, à ne pas se laisser dépasser. Sur un terrain, il lui apprend à ne pas s’énerver, à rester concentré tout en le poussant, en lui faisant des fautes… Jack paraît comme un père sévère, dur, exigeant. Il se vante de faire ça pour le bien-être de son fils. Jésus sera témoin de la mort de sa mère après une partie de basket avec son père. Jésus rentre énervé chez lui, après avoir jeté et perdu le ballon. Une dispute s’ensuit, la mère veut intervenir, et Jack la pousse. Elle se cogne et meurt. Jack ira en prison. Jésus est recueilli avec sa petite sœur chez son oncle. Très vite, il devient la star montante du basket à travers tous les États-Unis. Un énorme battage médiatique se crée autour de lui alors qu’il n’a pas encore 18 ans. On entre ainsi au cœur du système sportif américain, et de la corruption qui en découle. L’histoire commence lorsque Jack reçoit la proposition du gouverneur. Évidemment, il ne peut pas dire non, c’est la possibilité pour lui de renouer avec la liberté, et de retrouver ses enfants. Mais tout n’est pas si simple. Le père n’a désormais plus aucune influence sur son fils qui lui voue une haine sans fin. Il ne peut lui pardonner d’avoir tué sa mère, même involontairement. Il a grandi sans son père, et c’est à l’aube de la plus grande décision qu’il a à prendre, choisir l’université qui fera de lui une star du basket-ball, que son père apparaît pour lui dire ce qu’il doit faire. Jésus ne vit désormais plus chez son oncle. Il a reçu de l’argent, son lycée lui paie un appartement, il est chéri par son entraîneur et s’occupe de sa sœur. Juridiquement, c’est interdit. Aux États-Unis, les sportifs ne peuvent pas recevoir de l’argent avant d’être pro. Pourtant, il l’accepte, et il est même contacté par des agents qui flairent en lui la poule aux œufs d’or. L’histoire est au final assez complexe. Autour de ce jeune joueur va se dérouler plusieurs histoires. Une histoire d’amour, une histoire de famille, de retrouvailles, de destruction, de reconstruction, la recherche de ses racines, de ce pourquoi on est là, et pourquoi on est comme ça. Outre cela, d’autres histoires se greffent à la principale. Une pute qui cherche à sortir de sa merde, le climat d’un quartier pauvre et noir… Des thèmes comme la liberté, comme la recherche de l’amour, du regard admiratif d’un fils vers son père… Tout ne tourne donc pas autour de Jésus. Jack va évidemment tout faire pour réussir à réduire sa peine de prison, sans songer égoïstement au choix de son fils, son choix personnel qui déterminera toute sa vie.

Denzel Washington incarne ici un homme qui n’a pas réussi et qui a mis tous ses espoirs de réussites dans son fils ayant toutes les qualités pour devenir pro. Il va l’élever dans l’idée qu’il puisse sortir de ce monde que son père n’a pas su quitter, et qu’il y arrivera par son amour pour le sport. Il aime son fils, il l’aime plus qu’il ne s’aime. On peut même dire que Jack ne s’aime pas. Il se sent raté, il a engrangé beaucoup de colère, et il veut se servir de ça pour en donner suffisamment à son fils pour qu’il puisse s’en sortir. Jack est un gars du quartier, de la cité, il sort du même lycée que son fils, il y jouait au basket, il avait du talent, mais pas de volonté. Volonté qu’il a donné à son fils. Il vit à travers ce dernier. Il cherche à le pousser parce que lui a échoué et qu’il ne veut pas que son fils devienne comme lui. Ray Allen, star de la NBA joue ici Jésus, le fils de Jack, le nouveau prodige du basket-ball. Il a beaucoup de pression, tout le monde le connaît à Coney Island, c’est une star, tout le monde veut l’approcher, tout le monde veut s’accrocher à lui, parce qu’il est le seul qui puisse s’en sortir. Alors tout le monde autour de lui essaie de se l’approprier, d’avoir un bout de lui, sa petite amie, qui va essayer de le manipuler pour avoir sa part du gâteau, son oncle qui estime avoir aussi sa part pour l’avoir recueilli, son coach, son école, son État… Tout ça lui monte à la tête, le prestige, le succès, il n’arrive pas à faire son choix, il a du mal à imaginer son avenir, il ne sait pas où aller, ce qui serait le mieux pour lui. Il hait son père. Il a disparu de sa vie, et ne veut plus jamais le revoir. Il est révolté de le revoir apparaître, il ne peut lui pardonner de les avoir abandonnés et d’avoir tué sa mère. Tout ça est très dur pour Jésus. Il sait qu’il vaut plusieurs millions de dollars, et à une semaine de la signature de son contrat, il ne sait pas où aller, et surtout à qui se fier. Ses amis, sa petite-amie, sa famille, tous veulent profiter de lui, ils sentent l’odeur de l’argent.

La relation père/fils est la dynamique du film. Jésus croit que son père revient pour l’argent, pour avoir sa part du gâteau. Le problème c’est que Jésus hait son père. Le film va donc évoluer sur le rapport père/fils, le besoin de se faire pardonner pour le père, et le besoin de pardonner pour le fils, moins évident pourtant. Jésus estime que Jack a été injuste avec lui, qu’il a élevé trop durement, qu’il l’a blessé en allant en prison. C’est un 1 contre 1 qui a déclenché la dispute qui provoqua la mort de la mère. Un 1 contre 1 où Jack maltraitait son fils en le poussant à bout. Il y a aussi cette scène extraordinaire, où Jack entraîne son jeune fils, on voit Jésus courir d’une ligne à l’autre du terrain, et Jack lui pose une série de questions. Cette scène est précédée de la lecture d’une lettre écrite par la mère à Jésus alors qu’il était parti en camp de basket pendant les vacances. Elle est heureuse qu’il aime le basket-ball, mais se demande si ce n’est pas plutôt son père qui veut poursuivre dans cette voie, et qu’il n’a donc pas arrêté de rêver. Cette scène d’entraînement est ponctuée d’un monologues de Jack :

« On vit dans des HLM, mais bientôt, où on habitera mon fils ? A Central Park ! »
« A cette heure-ci tout le monde est couché, y’a que toi et moi qui ne dormons pas, toi, moi, et Michael Jordan ! Il fait quoi Michael Jordan en ce moment ? Il s’entraîne ! Et toi aussi tu t’entraînes ! »

Son père l’aime, il est fier de lui, il rapporte ses exploits à sa mère à table, il ne jure que par lui, il ne rêve que par lui.

C’est donc un 1 contre 1 qui va sceller l’histoire. Un 1 contre 1 déchira une famille, un 1 contre 1 la reconstruira. L’idée est simple. Si Jack gagne le 1 contre 1, Jésus signe le contrat et Jack a sa peine de prison réduite. Si Jésus gagne, Jack s’en va et ne revient plus jamais. Cette scène est formidable ! C’est la lutte entre un père et un fils, Jack rappelle à Jésus qu’il lui a tout appris, que chaque geste qu’il connaît, c’est lui qui lui a enseigné. Sans donner le résultat, ce match est le symbole du renouveau, de la reconstruction d’une famille, d’un dialogue retrouvé. Car le basket-ball n’est pas qu’un jeu, c’est une forme de communication entre deux êtres déchirés par leur passé, dans leur passé. C’est un retour en arrière en regardant vers l’avant. Le basket, c’est aussi un moyen, et surtout dans ce cas précis, un moyen de s’en sortir. Quel avenir pour un jeune noir dans un ghetto ? Spike Lee pose la question.
Ce que j’ai retenu du film, c’est la relation très forte entre un père et un fils. Un amour immense opposé à une haine tout aussi démesurée. Au final, He Got Game, n’est pas un film uniquement sur le monde du basket, même si on y découvre tous les rouages d’un système difficile, mais est surtout l’histoire d’un père et d’un fils qui se retrouvent grâce à leur passion commune pour un même sport. Les scènes de pur basket sont excellentes, tous les amateurs jubileront en regardant évoluer Ray Allen énorme star du circuit pro américain. Tous les amateurs de basket savent aussi que Spike Lee est un fervent supporter des New York Knicks, et qu’il adore ce sport. Il lui rend ici hommage en y apportant une histoire forte. Il ne tombe pas dans le stéréotype du film de basket où le noir des ghettos fait tout pour s’en sortir, non là, il crée une histoire saluant son talent pour la narration, pour la réalisation et pour la gestion des acteurs. Grand film, trop peu connu, trop peu reconnu.

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