CinémaHorreur

Halloween Kills – David Gordon Green

Halloween Kills. 2021.

Origine : États-Unis
Genre : Trait d’union
Réalisation : David Gordon Green
Avec : Jamie Lee Curtis, Judy Greer, Andi Matichak, Will Patton, Anthony Michael Hall, James Jude Courtney.

Haddonfield n’en a toujours pas terminé avec sa nuit de Halloween. Alors que Laurie Strode, sa fille et sa petite-fille pensaient avoir eu définitivement raison de Michael Myers, celui-ci les fait mentir en se sortant presque indemne du piège infernal dans lequel elles l’avaient attiré. Les habitants n’ont pas le temps de pleurer leurs morts que le tueur poursuit sa vile besogne, massacrant à tour de bras quiconque croise sa route. Sauf que certains habitants en ont marre de vivre dans la terreur. Sous l’impulsion de Tommy, le petit garçon que Laurie gardait lors de la première attaque de Michael Myers 40 ans plus tôt, une partie de la population de Haddonfield se constitue en milice, bien décidée à mettre une bonne fois pour toute le tueur masqué hors d’état de nuire. Loin de s’en émouvoir, Michael Myers poursuit son petit bonhomme de chemin, mû par de sombres desseins que Laurie elle-même serait bien incapable de percer à jour. Le sang va encore couler à flots à Haddonfield…

Un petit retour en arrière s’impose. Lorsque David Gordon Green se lance dans l’écriture du scénario de son Halloween, 40 ans après, en compagnie de Danny McBride et Jeff Fradley, c’est dans l’idée de réaliser deux films consécutivement. Pragmatiques, les producteurs calment ses ardeurs en ne s’engageant que pour un seul film. Comme bien souvent, une éventuelle séquelle dépend avant tout de la bonne réception du film par des spectateurs qui auraient toutes les raisons du monde de se détourner d’une énième resucée d’un mythe quadragénaire. Sauf que le miracle a lieu, cet Halloween obtenant d’excellents résultats. David Gordon Green se retrouve alors suffisamment en position de force pour se permettre non plus une mais deux suites afin de clore une improbable trilogie autour des deux antagonistes Laurie Strode – Michael Myers. Un projet plutôt osé qui répond, selon David Gordon Green et son compère Danny McBride, à une profusion d’idées. Il ne faut pas longtemps – soit le temps d’un prologue – pour se rendre compte que cette “profusion d’idées” tire sa substance des films sortis entre Halloween, la nuit des masques et leur version, ceux-là mêmes dont ils ne voulaient plus entendre parler. On peut difficilement faire plus cynique. Suivant l’adage “diviser pour mieux régner”, ils font en sorte que Laurie et Michael ne se croisent pas du film, repoussant leur ultime affrontement au dernier acte, le bien nommé Halloween Ends. Halloween Kills prend donc d’inévitables airs d’épisode de transition, quoiqu’en dise Jason Blum, l’un des principaux producteurs de la trilogie. Un film qui sert d’exutoire à un Michael Myers plus brutal que jamais qui doit composer avec des habitants désormais informés de son retour et donc plus enclins à lui faire face. Rien de bien neuf là-dedans puisque de telles scènes étaient déjà visibles dans Halloween 5, mais qui agissent ici en reflet à peine déformant de l’Amérique actuelle, de plus en plus divisée depuis la présidence Trump. Et au passage, cela offre la possibilité aux auteurs de s’intéresser à d’anciens rescapés du film original, comme autant de clins d’œil adressés aux inconditionnels du film matriciel de John Carpenter.

Halloween Kills fonctionne à la manière d’une revue d’effectif. Les auteurs ressortent du chapeau tous les personnages qui ont survécu à la première sortie de Michael Myers et qui, pour certains d’entre eux, exorcisent leurs peurs chaque halloween depuis 40 ans en se réunissant autour de boissons alcoolisées. Lors de ces réunions de survivants anonymes, nous retrouvons Tommy et Lindsay, les deux gamins que Laurie a protégés, mais aussi Marion Chambers, une infirmière, et Lonnie. Ce dernier n’était qu’une silhouette, l’un de ces garnements qui aimaient à tourmenter Tommy au quotidien, et qui avait quitté la scène sur une bonne frousse lorsque pour épater ses amis, il s’apprêtait à en entrer dans la maison abandonnée des Myers avant que le docteur Loomis ne les fasse fuir en prenant une voix d’outre-tombe. En nous replongeant en 1978, le prologue réécrit l’histoire. Il invente un passif à l’officier Hawkins (Will Patton), celui-là même qui était laissé pour mort dans le film précédent, incarnant celui qui a empêché un Loomis halluciné d’exécuter Michael Myers (au passage, le bref retour de Loomis confirme qu’à l’heure actuelle, les interprètes importent moins que leurs personnages). Et il crée également de toute pièce une rencontre entre le jeune Lonnie et Michael Myers, faisant du gamin turbulent un témoin des événements de cette nuit-là. A travers ces personnages, le film discourt sur les traumatismes que les actes de Michael Myers ont entraîné au sein de la communauté de Haddonfield. Une communauté dépeinte comme une poudrière qui n’a besoin que d’une étincelle pour exploser. Le retour sanglant de Michael Myers est cette étincelle et agit comme un souffle libérateur parmi des habitants qui ne demandaient qu’à pouvoir laisser libre cours à leurs penchants violents. L’idée maîtresse du film tient à cette diffusion du Mal vue comme un virus à gestation lente dont le point d’orgue serait cette tentative de lynchage irraisonnée d’un co-détenu de Michael Myers pris pour lui par une foule aveuglée par la colère. Le propos a du sens mais pâtit d’une exécution sommaire et à géométrie variable. Cette rage populaire, attisée par les imprécations de Bobby, ne s’illustre réellement qu’à ce seul moment. Le reste des actions populaires se résument à des actions individuelles – et purement suicidaires dans le cas de Lonnie – et à des rondes de surveillance. Ils agissent au mépris du danger, comme s’ils avaient affaire à un tueur lambda alors qu’ils savent pertinemment qu’ils ont face à eux le Mal en personne, increvable et extrêmement déterminé. Ce n’est pourtant pas faute de le répéter. En l’absence de Loomis, tout le monde semble se donner le mot pour perpétuer ses messages d’alerte sans que cela n’ait d’effet. Il faut voir Bobby (l’inattendu Anthony Michael Hall, loin de l’univers adolescent des films de John Hughes) faire le malin avec une vieille batte de baseball pour le croire. Le piège tendu à Michael Myers tient alors de la mission suicide puisqu’aucun des participants se rappelle que toucher n’est pas couler. Après tant d’avatars, voir les personnages se comporter avec autant de suffisance et de bêtise relève de la faute professionnelle.

Tout cela fleure bon le remplissage. Halloween Kills n’a rien de neuf à proposer autre que des meurtres brutaux en pagaille, quoique dans le cas présent, massacre serait un terme plus approprié. Paradoxalement, si Michael Myers durcit le ton, la peur, elle, n’est plus au rendez-vous. Le récit se déploie donc sans surprise notable, bien que ses auteurs tentent vainement de trouver une justification aux agissements du tueur. Une question que s’étaient posée d’autres avant eux pour un résultat tout aussi peu convaincant. S’ils nous font grâce des histoires de famille, David Gordon Green et sa clique tentent de nous faire croire par la bouche de Hawkins que Michael Myers prendrait un malin plaisir à voir Haddonfield imploser à cause de lui. Qu’il agit à dessein, cherchant à détruire autant le corps que l’esprit. Dans les faits, nous sommes face à un tueur terriblement casanier qui paraît totalement perdu loin de la demeure familiale. Ce qui n’est au fond qu’une métaphore de la saga qui de suites en remake ne fait que tourner en rond. Preuve en est le sort réservé ici à Laurie Strode, analogue à celui qu’elle vécut dans Halloween II, à savoir rester cloîtrée dans sa chambre d’hôpital. Elle vit dans un premier temps les suites de cette nuit mortifère dans l’illusion d’en avoir enfin fini avec ses vieux démons avant de se rendre à l’évidence, personne ne peut faire le travail à sa place. Par rapport au film précédent, elle perd en autorité, ramenée à son statut de femme âgée qu’on doit tenir éloignée de l’action. Ce faisant, la solidarité retrouvée des Strode ne survit pas à cette nuit qui n’en finit plus. Elles la vivent chacune à leur manière : dans l’introspection pour Laurie, dans le souci de protéger sa progéniture pour Karen et dans l’envie d’en finir pour Alyson. A leur échelle, elles figurent l’éclatement de Haddonfield sous les coups de boutoir de Michael Myers, âme damnée de la ville qui n’a de cesse de venir les hanter. Il y a pourtant l’idée que la vie continue malgré tout, à l’image de la funeste maison des Myers désormais réhabilitée et habitée par un couple d’homosexuels. Que la psychose n’est pas collective, des enfants orchestrant encore des coups pendables pour s’emparer de quelques bonbons alors que la mort a déjà durement frappé. Des petits moments du quotidien arrachés à l’horreur qui agissent comme des astuces scénaristiques permettant de mettre en place les sempiternelles scènes à suspense sur le mode du “où et quand le tueur va t-il frapper ?”. Des séquences exécutées paresseusement qui ne cherchent même pas à exploiter des éléments mis en avant, à l’image du drone avec lequel jouent les voisins de Laurie.

Film sans surprise et promptement agaçant dans sa manière de gérer le danger représenté par Michael Myers, Halloween Kills ne vaut pas mieux que les suites qu’il voue aux gémonies. David Gordon Green nous sert du réchauffé avec la prétention d’œuvrer dans le gastronomique. Rien dans cet opus ne vient justifier une partition en trois volets, si ce n’est le sempiternel appât du gain. Et pourtant le bonhomme se montre fier de son idée. A tel point qu’il est tout disposé à la reconduire avec L’Exorciste : Dévotion, sa suite directe au film de William Friedkin sortie en 2023 et qu’il verrait bien également déclinée de la sorte. Il ne manquerait plus que dans son esprit ingénieux il nous concocte un Michael Myers vs Pazuzu et là, la messe serait dite.

Une réflexion sur “Halloween Kills – David Gordon Green

  • Assez dur avec le film, je l’ai beaucoup aimé mais il y a des choses qui me laisse perplexe, Haddonfield qui se reveille quand Michael Myers revient au bout de 40 ans, soit presque un demi siècle et les habitants se souviendraient de Myers si on te tiend pas compte des suites. Dans Halloween 4 cela avait du sens puisque Michael Myers a fait beaucoup de dégâts dans Halloween 1 et 2, et que son évasion était proche dans le temps avec les événements des deux premiers films.

    Michael Myers s’attaque toujours à Laurie Strode ou sa fille Jamie Loyd, les personnes se trouvant sur son chemin étant tués impitoyablement. Meme si j’aime voir Michael Myers en action, quel intérêt de vouloir tuer tous les protagonistes du film, seul Laurie Strode et accessoirement sa famille représente ses cibles, les autres si ils ne représentent pas un obstacle, il les laisse vivre.

    Et puis pour la confrontation finale, personne n’a pensé au pays des armes de tirer une balle en plein dans la tête de Michael Myers.

    Sinon le reste ca va, mais bon, au vu de la déception, un autre réalisateur fera table rase de cette trilogie pour faire à nouveau une suite au premier Halloween de John Carpenter qui doit connaitre les mêmes affres que John Cameron avec son terminator. Condamner à tourner en rond.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.