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China Rose – Robert Day

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China Rose. 1983

Origine : États-Unis 
Genre : Polar dramatique 
Réalisation : Robert Day 
Avec : George C. Scott, Ali McGraw, Michael Biehn, Denis Lill…

Burton Allen (George C. Scott) est un riche industriel américain gravitant dans l’orbite de la Maison Blanche. Cette situation confortable ne fait pas pour autant de lui un homme heureux : sa femme vient de mourir, et son fils Daniel n’a plus donné de nouvelles depuis une quinzaine d’années. Idéaliste patenté, le gamin avait quitté l’Amérique en 1965 pour enseigner la littérature en Chine populaire. Deux ans plus tard, il cessait toute communication. Son père le croit donc mort, probablement victime des gardes rouges lors de la Révolution culturelle, et profite des nouvelles relations sino-américaines pour tenter de trouver sa sépulture et organiser le rapatriement de la dépouille. Officiellement, Burton est venu là pour affaire, ce qui lui permet d’obtenir une liberté quasi totale en cette époque post-maoïste et d’obtenir un guide interprète de la part du consulat américain. Avec l’aide de Rose Arrow (Ali McGraw), l’autoritaire occidental se lance donc sur la piste de son fils, qui semble s’être dirigé vers Hong Kong, où selon divers témoignages il serait décédé.

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Dans l’absolu, ce téléfilm qu’est China Rose est censé nous montrer comment un homme au tempérament glacial redevient peu à peu humain en traversant diverses épreuves en compagnie d’une interprète pour sa part très humaine. Le tout sur fond de retrouvailles familiales induites. Nous avons donc de quoi assister à un bon gros mélo, surtout qu’il est couru d’avance que le vieux veuf au cœur de pierre et la jeune guide souffrant de solitude n’entretiendront pas que des relations purement professionnelles et, une fois le fils retrouvé (même si celui-ci ne doit pas être beaucoup plus jeune que la guide), qu’une famille sera reconstituée. Et effectivement, Rose Arrow affiche assez tôt la couleur, en posant des questions d’ordre privé, qui culmineront lors d’un assez stupéfiant dialogue qui se terminera à peu près par la remarque suivante “quand vous serez prêt pour une aventure, faites moi signe“. Mais avant même d’en arriver là, les quelques connaissances de Burton vivant dans le coin auront déjà statufié la nouvelle situation de leur ami, et n’auront perçu son déni que comme la pudeur d’un veuf n’osant pas encore s’afficher publiquement en galante compagnie. Pour résumer les choses, c’est à peine si le personnage d’Ali McGraw ne saute pas au cou de celui de George C. Scott au bout d’une demie journée. La seule chose qui la retient, c’est justement la nature du personnage de Scott, qui tente vaille que vaille de résister à cette pression envahissante. Capitaine d’industrie cynique et désabusé au point de ne même plus laisser transparaître sa colère, Burton Allen n’est pas là pour batifoler. Il y sera malgré tout contraint et forcé, puisque le chemin vers son fils le mènera dans les bordels de Hong Kong, où une petite amie de son fils se blottira dans ses bras pour ne pas être vue des hommes des Triades, également à la recherche de Daniel Allen. Là où le téléfilm partait pour se concentrer sur les excès des gardes rouges maoïstes, il bifurque rapidement vers une intrigue policière à Hong Kong, mêlant les Triades, le trafic de drogue, la brigade des stups, les non-dits diplomatiques, les rencontres en secret, les témoignages mensongers, bref tout ce qui est possible et imaginable dans l’optique de complexifier la tâche de Burton Allen. De quoi dérider notre renfrogné capitaliste ! Un choix tout de même étrange si l’on considère que tout cela n’est pas propice aux objectifs humanistes avoués du réalisateur Robert Day (téléaste forcené depuis les années 50). Difficile de prendre au sérieux cette re-sensibilisation progressive lorsque le contexte est davantage à même de forger un nouveau James Bond… Et bien entendu, Day ne parvient pas à réaliser cette prouesse. Quoique le côté policier ne soit pas non plus du Don Siegel, et qu’il y manque quand même des scènes d’action et surtout des personnages d’envergure (le chef des Triades en personne s’occupe de cette affaire, mais difficile de prendre ce petit vieillard au sérieux lorsqu’il n’a à sa disposition qu’une poignée d’hommes de main maladroits… et ne parlons pas du flic des stups et de son goût pour l’acupuncture et les moustaches en balai brosse), c’est encore ce qui est le plus réussi. Car en se montrant timoré, en respectant les passages imposés, Day évite de tendre la perche pour se faire battre. La quête humaniste, la romance, tout cela est par contre purement factice. Les épreuves traversées ne rapprochent pas les deux héros, puisque ceux-ci sont bien souvent séparés, ce qui rend d’autant plus incompréhensible le béguin affiché par Rose pour son compatriote. Et quand celui-ci se décide à céder, le film perd tout ce qui lui restait d’attrait et n’est alors plus très loin du grotesque. Il m’en coûte de le dire compte tenu de l’affection que j’ai pour un homme qui a brillé dans Docteur Folamour, Patton, L’Arnaqueur, L’Enfant du diable ou encore le remake par William Friedkin des 12 hommes en colère, mais George C. Scott semble totalement perdu à partir du moment où on lui demande d’abandonner sa carapace. Parfait lorsqu’il s’agissait d’incarner un homme froid et autoritaire, il ne parvient pas par la suite à faire naître la moindre compassion pour son personnage en phase de rédemption. Peut-être fut-il désarçonné par la gratuité avec laquelle Burton Allen change son fusil d’épaule, non pas progressivement mais par étapes bien distinctes : du “non” méprisant, il passe au doute pour finir le film en larmes dans les bras de Rose. Et puis au passage, quelle idée d’envoyer George C. Scott, 56 ans, se frotter aux Triades… C’est peut-être ce qui explique la carence du film en action et en antagonistes dignes de ce nom. De son côté, Ali McGraw n’a jamais fait illusion : elle traverse le film avec un minimum d’implication, rendant assez mécaniques les sentiments qu’elle est censé éprouver et faire partager. Enfin, un dernier mot pour Michael Biehn, le fils tant recherché, qui n’est en fait qu’un punk hirsute déprimé s’étant vraisemblablement trompé de film (Terminator, c’est l’année d’après). Tout ça pour ça. Difficile de croire que cet homme s’est lancé dans l’aventure chinoise par idéalisme anti-paternel, surtout quand on le voit là, obligé d’être sauvé par Papa. A la décharge de ces acteurs, il est vrai que le film fut mal conçu et ne devait pas donner envie de s’y investir plus que ça. Une boutade soviétique disait “l’État fait semblant de nous payer, on fait semblant de travailler”. C’est un peu le raisonnement qu’ils ont du avoir vis-à-vis de leurs producteurs.

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La conclusion sera courte : encore un téléfilm bâclé. Un beau gâchis compte tenu du casting, et pourquoi pas du sujet de départ, qui aurait en fait dû se limiter à être une quête humaine, si possible dans le milieu original de la Chine populaire en pleine phase d’ouverture post-maoïste (et post-communiste ?). Au rayon des regrets, mentionnons aussi le dénouement qui si le film s’était purement axé sur les personnages aurait pu aboutir à quelque chose de plus fort.

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