[Rec]² – Jaume Balaguero & Paco Plaza
[●Rec]² . 2009Origine : Espagne
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Voici un film que j’ai loupé au cinéma. La faute à un premier volet qui ne m’avait pas totalement convaincu malgré un très grand succès, et malgré un certain nombre de scènes plutôt réussies qui avaient tout de même bien fonctionné sur moi. Le principal défaut de ce premier volet résidait dans le principe de la “caméra personnage” qui nous plaçait au cœur même du film, procédé dont l’ultra-réalisme se mariait bien mal avec une intrigue hyper balisée et une narration très classique dans le genre, que l’on peut retrouver dans à peu près un millions d’autres films d’horreurs. De ce fossé entre la mise en scène et la narration naissait une petite distance par rapport à l’intrigue qui m’empêchait d’être “complètement dedans” (plutôt dommage quand on sait que c’était l’ambition principale du film !).
Mais voilà, grâce au DVD j’ai pu m’offrir une petite séance de rattrapage et donner sa chance à ce second volet. Bien m’en a pris, ce nouveau [Rec] ressemble un peu plus a du cinéma et ça fait plaisir.
L’intrigue de ce second volet débute dès la fin du premier : après le massacre des occupants de l’immeuble mis en quarantaine, une petite escouade de soldats est envoyée sur place pour analyser la situation et retrouver les éventuels survivants…
Le pitch est éculé et a servi à de nombreuses séquelles. Impossible en tout cas de ne pas penser à l’Aliens de James Cameron. D’autant plus que les premières images des soldats évoquent d’emblée la camaraderie qui existait entre les marines du film de Cameron et que la présence des minis-caméra sur les casques est une allusion plus qu’évidente pour qui a vu le film. Mais si l’idée est usée, elle n’en est pas moins efficace et marcher en terrain connu permet immédiatement de rentrer dans le film. Et c’est bien là l’idée que semblent avoir eu Balaguero et Plaza, qui ont clairement décidé de tout miser sur l’efficacité. La scène d’exposition étant à ce titre un modèle: les enjeux sont exposés rapidement et de manière très claire, les personnages nous sont présentés en quelques images ponctuées de rapides lignes de dialogues, la caméra-personnage et le procédé de mise en scène sont présentés rapidement également et une grande place est laissée au mystère et à l’ambiance…
On note ainsi dans cette intro deux différences majeures avec le premier film.
Tout d’abord, la présence de plusieurs caméras. En effet chaque membre de l’escouade dispose de sa mini caméra, dont on pourra voir les images, et une seconde caméra est introduite dans l’histoire via la présence d’un groupe de jeunes intrus dans l’immeuble. Cela permet alors de multiplier les points de vue, et offre surtout au duo de réalisateurs un terrain de jeu très vaste et aux multiples possibilités qu’ils se feront une joie d’explorer. Ceci augure tout de suite quelque chose de plus intéressant et surtout de plus élaboré.
Ensuite, l’utilisation de ces caméras est aussi un peu différente du premier film. En effet, alors que la présence d’une caméra et d’un opérateur derrière elle nous était constamment rappelée dans [Rec] premier du nom, [Rec]2 lui n’hésite pas à parfois nous la faire oublier. Et dans les scènes d’actions les plus intenses il est cette fois indéniable que j’étais totalement pris dans l’histoire. L’effet immersif étant moins créé par l’impression de réalité que par la proximité traduite par les images. Le film ne fonctionnant parfaitement bien que lorsque je parvenais à oublier l’idée que la caméra était un personnage pour me concentrer sur ce qui se passait réellement autour de cette caméra. Balaguero et Plaza semblent avoir compris cela et perdent cette fois moins de temps à y injecter des effets artificiels destinés à faire croire que tout est vrai. Exit donc les images enlaidies, le cadrage penché et les images qui sautent, ici tout est plutôt fluide (d’ailleurs ça ressemble plus à quelque chose de filmé au moyen d’une steadycam qu’avec une caméra portée à l’épaule) et beau, sans que cela nuise à notre immersion, au contraire. Évidemment, on a encore droit à des coupes brutales, la caméra qui tombe, etc. Mais cette fois ce genre d’effets semble plus survenir afin de maximiser l’impact des scènes montrées que pour “faire vrai”. D’ailleurs ces effets surviennent toujours lors des scènes de grandes tensions ou d’action: La caméra qui tombe laisse la part belle au hors champs et donc à l’imagination du spectateur, stimulée par la bande son, qui elle continue d’être “dans le champ” ; l’objectif abimé offre des images floutées ou saturées propre aux apparitions fantomatiques et effrayantes ; et le micro abimé permet des distorsions du son qui accentuent l’intensité des fusillades et des empoignades. Enfin, les créatures maléfiques qui peuplent l’immeuble se jettent volontiers et avec vivacité sur la caméra, ce qui fait toujours son petit effet. Bref tout les petits “défauts” de la caméra sont exploités non pas pour faire vrai, mais pour créer une ambiance ! Les deux réalisateurs s’amusent avec roublardise avec le procédé de la caméra portée et offrent une mise en scène très impressionnante et maline : ils exploitent à fonds les possibilités offertes par toutes leurs caméras pour embrouiller le spectateur et l’amener là où ils veulent. [Rec]2 fait alors presque figure d’exercice de style, où la mise en scène fait office à la fois de contrainte (les plans séquences fastidieux pour un tournage et pour la narration que cela suppose) et d’outil (changements de points de vue, hors champs et tous les effets énumérés plus haut) pour arriver à leurs fins.
C’est très réussi et cela fonctionne bien mieux que pour un Cloverfield ou un Paranormal Activity par exemple…
Cette dramatisation de l’intrigue qui passe par des effets de caméra va d’ailleurs de pair avec la progression du récit qui plonge de plus en plus dans le fantastique pur et dur. En effet là où on parlait d’infection dans le premier film, [Rec]2 évoque des cas de possession satanique avec tout le décorum qui va avec. Comprendre prêtre qui brandit sa croix avec la conviction d’un Max Von Sydow dans L’Exorciste, possédés à la voix caverneuse qui crachent plus de sang que Linda Blair et enfin enfants diaboliques qui marchent au plafond comme des mouches (à la poursuite de la grand mère de la meilleure scène de L’Exorciste 3 de William Peter Blatty ?). Ajoutons à cela quelques autres références bien senties (Aliens évidemment, mais aussi The Thing pour la séquence du test du sang, les Carpenter pour le huis clos…) et l’on obtient un petit film fantastique très premier degré, qui assume ses influences et qui injecte suffisamment de nouveautés pour s’en affranchir et développer une vraie personnalité. Au rayon des nouveautés il n’y a pas tellement l’effet caméra personnage (qui commence doucement à dater depuis notamment Le Projet Blair Witch) mais plutôt cette narration à rebondissement qui joue sur notre frustration (la caméra des soldats qui se coupe) pour repartir de plus belle dans une autre direction (l’arrivée du groupe de jeunes, puis le retour de la journaliste) et évidemment cette inventivité sans fin dans l’utilisation de tous les effets permis avec les images et le son. Balaguero semble exceller dans ce domaine, rappelons nous de ces coups de pieds donnés dans le trépied de la caméra lors de Darkness ou de la bande son utilisant beaucoup des sons très bas et graves pour La Secte sans nom (sons qui, pour l’anecdote, faisaient vibrer les portes de mon meuble télé lorsque je poussait le volume un peu loin, ce qui augmentait encore l’aspect “trouillogène” du film !).
Mais [Rec]2 n’est pas pour autant exempts de défauts, et aux nombre de ceux-ci on remarque cette éternelle tendance à l’abus explicatif. Malgré les hors champs, au final tout nous sera quand même montré et le spectateur n’est à aucun instant abandonné dans le flou total. C’est plutôt dommage car cela ampute un peu le scénario de cette aura mystérieuse qui lui aurait donné le petit plus pour figurer au milieu des plus grands. Dans le même ordre d’idée, dans leur volonté de livrer quelque chose d’ultra efficace qui ne prend jamais de pose, les réalisateurs ont speedé le rythme du film au point d’étouffer un peu le suspense de l’histoire. Les péripéties s’enchaînent à un rythme soutenu et au final il n’y a jamais vraiment d’effet d’attente ni de suspense. Non pas que l’intrigue soit balisée et prévisible, mais on n’a tout simplement pas le temps d’avoir peur. Les possédés surgissent et disparaissent à toute vitesse sans qu’on ai eu le temps de se préparer à leur venue. Cette abondance d’effets de surprise, par ailleurs assez faciles, nuit quelque peu à l’ambiance du film. Mais ce que je considère ici comme un défaut me semble clairement être délibéré de la part des deux réalisateurs qui semblent avoir été moins soucieux de créer un sentiment d’angoisse que d’injecter le maximum d’adrénaline dans leur film. S’il y perd en épouvante (rare sont les films qui font vraiment peur finalement) il y gagne toutefois en intensité et apparait clairement comme un film-montagnes russes qui ne laisse pas de répit au spectateur. Reste deux scènes qui ont tout de même réussi à me glacer l’échine : ce passage très intense de l’exploration d’un conduit d’aération à rendre claustrophobe le plus endurci, immanquablement peuplé d’horreurs rampantes, et évidemment le final, à nouveau filmé en vision nocturne, qui laisse voir l’apparition de la même créature blanchâtre et filiforme que le premier film, croisement entre une créature de Ramsey Campbell et le Rubber Johnny de Chris Cunningham… brrr ! Ce final est d’ailleurs assez intéressant dans sa reprise des codes instaurés par le premier film, la redite et surtout l’efficacité sans faille de cette redite permettant la création d’une “mythologie” propre à ces films, “mythologie” qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’exorcisme final de la série des Exorciste justement. En reprenant et amplifiant les codes qui avaient fait le succès du premier film, [Rec]2 s’inscrit dans la même démarche populaire dont font preuve la plupart des séquelles des films de genre (dont le modèle parfait est sans doute Terminator 2), voici une démarche old school qui n’est pas pour déplaire au fantasticophile que je suis.
Au final [Rec]2 est bel et bien une petite réussite qui surpasse sans peine son prédécesseur, qui, bien que sympathique, restait très décevant au regard de ce qu’est capable Jaume Balaguero.
Inventif et nerveux, ce deuxième volume reprend les bonnes idées du premier pour en laisser de coté les défauts. La caméra-personnage est toujours présente, et si le film ne s’oriente pas vers plus de radicalité dans le traitement de sa mise en scène, il fait preuve, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, de beaucoup d’élégance et d’ingéniosité.
Preuve que les meilleures idées au monde ne feront jamais de bons films si un peu de talent n’est pas présent derrière la caméra…