Terminator 2 – James Cameron
Terminator 2 : Judgement Day. 1991.Origine : États-Unis
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Ex dirigeant du département des effets spéciaux pour Roger Corman et réalisateur novice pour un Piranhas 2 passé inaperçu, James Cameron se fait véritablement un nom dans le monde du cinéma en 1984 avec la sortie de Terminator. Pure série B mêlant science-fiction à base de voyages dans le temps et action pétaradante, Terminator intronise son acteur principal Arnold Schwarzenegger au rang de vedette tandis que son réalisateur acquiert le statut de réalisateur à suivre de très près. La suite, on la connaît. Il offre une suite guerrière au film d’horreur spatial de Ridley Scott (Aliens) puis réalise une belle histoire d’amour en fonds marins mâtinée d’une parabole écologique avec Abyss. Dans les deux cas, il fait montre d’une grande ambition formelle, plaçant ses récits sous le signe du « toujours plus ». Réclamé à corps et à cris par des hordes de fans depuis des années, Terminator 2 poursuit cette quête du gigantisme tout en entraînant le film d’action dans une nouvelle ère, celle des effets spéciaux numériques.
Los Angeles dans les années 90. Sarah Connor a, depuis les événements relatés dans Terminator, donné naissance au futur chef de la résistance, John Connor. Obnubilée par la date du 29 août 1997 – jour où les machines prendront le pouvoir- qu’elle pressent inéluctable, elle n’a de cesse de préparer son fils à l’irréparable jusqu’au jour où, arrêtée alors qu’elle s’apprête à incendier un entrepôt, elle est envoyée manu militari dans un asile psychiatrique. Folle de rage à l’idée de ne plus pouvoir protéger son fils, elle ne se doute pas que ce dernier, en 2029, a pris soin de se protéger lui-même en envoyant sur Terre un T-800, ce même modèle qui était chargé de tuer sa mère en 1984. De son côté, Skynet a lui aussi envoyé un nouveau cyborg -le T 1000- pour éliminer John Connor pendant son adolescence (sic !). Reste à savoir lequel atteindra John le premier…
On le voit, le postulat de départ ressemble comme un frère à celui du premier Terminator. James Cameron et son co-scénariste William Wisher n’ont, de ce point de vue, guère cherché à innover, se basant sur les points forts du premier script : un point A et un point B qui souhaitent converger vers le même point C pour ensuite s’adonner à une course-poursuite endiablée. Ainsi, Terminator 2 démarre comme son aîné, par la vision apocalyptique du Los Angeles de 2029, date à laquelle la confrontation machines/humains fait plus que jamais rage. La voix off de Sarah Connor succède à l’impersonnel sous-titrage du film original pour nous exposer les grandes lignes de l’histoire puis c’est parti pour l’exposition des forces en présence. A tout seigneur tout honneur, il revient à Arnold Schwarzenegger d’ouvrir le bal, bien que la logique en pâtisse. Il est acquis depuis le premier film que les Rebelles ne font que réagir aux agissements de Skynet. Kyle Reese n’avait été envoyé en 1984 qu’après que John Connor et ses hommes aient découvert les plans des machines. Il en va donc de toute évidence de même pour ce second envoi or, Schwarzenegger étant ce qu’il est à ce moment de sa carrière, autrement dit une star mondiale, le film ne peut démarrer autrement que sur lui, sujet de toute la promotion de cette suite. Or on note à cette occasion un très perceptible changement de ton. Toujours nu et à la recherche de vêtement, nous avons la surprise de voir le cyborg rechigner à tuer tout ceux qui se mettent en travers de son chemin alors qu’il ne faisait pas tant de manières par le passé. Mais après tout, cette attitude répond à la logique des événements. Le T-800 ayant été reprogrammé par les Rebelles, on peut dés lors supposer qu’il a été doté d’un programme l’incitant à minimiser ses penchants pour l’extinction de toutes vies humaines. Néanmoins, toute la scène du bar se teinte en sus d’un second degré qui était absent du film original, limpide indicateur d’un changement d’orientation et qui se confirmera par la suite. Par comparaison, le temps de présentation dont bénéficie le T-1000 est infiniment plus court. Son aspect fluet rappelle Reese et le combat inégal qui s’en était suivi contre la machine. James Cameron joue volontairement de la différence de carrure des deux acteurs choisis pour incarner les machines, se ménageant un effet de surprise un peu vain dans la mesure où les différents outils promotionnels avaient déjà copieusement vendu la mèche. Après les machines, place aux humains. Tout d’abord John Connor, gamin en rupture d’autorité dont on a peine à croire qu’il ne soit âgé que de 10 ans (son casier judiciaire en faisant foi). Il en veut beaucoup à sa mère de l’avoir abandonné et cache ses sentiments derrière une indifférence de façade. Sa mère, justement, a considérablement évolué depuis le premier film. La jeune femme frêle et effrayée par le rôle déterminant que l’avenir lui donne s’est muée en véritable furie, folle de rage à l’encontre de ses contemporains qui ne veulent pas prendre ses avertissements au sérieux. Son seul but est désormais de préserver coûte que coûte la vie de son fils, mais pour cela, il faut qu’elle s’évade de son centre psychiatrique. Et puis on termine ce tour d’horizon par un nouveau personnage, Miles Dyson, l’informaticien qui, par ses recherches, sera à l’origine de la création de Skynet. Dans ces conditions, il n’est pas difficile de deviner son importance et de comprendre pourquoi on nous le présente aussi tôt.
Une fois les présentations faites, le film poursuit son petit bonhomme de chemin avec, toutefois, une désagréable impression de déjà-vu. Jusqu’au moment où le T-800 récupère John Connor, Terminator 2 se contente de reprendre la structure narrative du premier film décrite plus avant. James Cameron pousse le vice jusqu’à reproduire à l’identique la scène du T-800 passant à travers une vitrine. L’affrontement opposant cette fois deux robots, celui-ci se fait plus spectaculaire et plus riche en dégâts. Ca se projette contre les murs avec fracas, ça pique une grosse dépanneuse en mettant un souk pas possible au milieu de la circulation, et ça la lance en trombe dans les canaux de la ville après un saut aussi spectaculaire que sans conséquence pour les amortisseurs (le camion est sans doute de fabrication américaine). Avec cette suite, James Cameron veut nous en mettre plein les mirettes et il ne lésine pas sur les moyens pour y parvenir. Un spectaculaire qui passe par les effets pyrotechniques classiques avec explosions en tout genre, dont l’acmé est atteinte dans le dernier tiers du film avec le siège de Cyberdine puis le final dans l’aciérie, et les effets numériques inhérents à la composition du T-1000. Composé de métal liquide, sa structure lui permet de prendre la forme de n’importe quel être humain voire de se fondre dans le décor au besoin. Quant à ses bras, ils peuvent se transformer à loisir en longues lames tranchantes ou en barres de fer, à partir du moment qu’il s’agit d’une matière inerte. Protéiforme et d’une grande agilité, le T-1000 est un félin alors que le T-800 s’apparente davantage à un mastodonte. Leur confrontation homérique n’est pas sans rappeler celle de Robocop 2 qui, un an avant, orchestrait déjà le combat entre deux machines, signe de la déshumanisation progressive du film d’action américain.
Quoique ici, la démarche de James Cameron ne se limite pas au seul choc des métaux. Il souhaite que Terminator 2, tout film d’action qu’il soit, distille un message, et celui-ci passe par la figure du T-800. Au contact de John, la figure du tueur impassible et quasi indestructible s’adoucit au profit de celle d’un garde du corps à l’attitude bienveillante. Nous assistons en quelque sorte à l’apprivoisement de la bête par son jeune maître, que sa programmation condamne à servir. Cela donne corps à des scènes assez gênantes pour qui garde en mémoire la noirceur du film original, à base de T-800 perché sur une jambe ou jouant à « tape m’en cinq » avec le futur chef de la rébellion. Et il faut voir ce gamin de 10 ans (mais qui en fait facilement 3 de plus !) faire la morale à cette machine à tuer, dissertant sur la valeur d’une vie. A l’occasion de cette scène, pointe le message un brin naïf du film, que la voix off de Sarah Connor reprendra en guise de conclusion : si une machine peut faire preuve de discernement et montrer un semblant d’humanité, il paraît inouï que l’Homme ne puisse y parvenir. Et c’est ainsi que cette vieille carcasse de T-800 se prend d’envie de savoir comment il est possible de pleurer sans avoir mal physiquement. Sa réponse, il l’obtiendra lors de la scène des adieux qui s’accompagnent des chaudes larmes de cette chochotte de John. C’est ça le futur chef de la rébellion ? Laissez-moi rire ! C’est dans la relation qui unit John au T-800 qu’apparaissent les signes avant-coureurs de l’édulcoration à outrance des blockbusters à venir. John symbolise ce cœur de cible tant prisé des producteurs -l’adolescent- qui, en demandant au cyborg de réfréner ses ardeurs assassines, permet au film d’être plus grand public, à l’opposé de son modèle qui brillait par sa noirceur et sa brutalité. Cependant, il est difficile de demander à un robot-guerrier de ne plus se servir d’armes à feu, ce qui contribuerait à nier l’essence même du personnage. Si on peut regretter l’adoucissement de la machine à tuer des débuts (Arnold Schwarzenegger, qui venait de faire ses premiers essais dans la comédie sous la houlette de Ivan Reitman, participe de cet adoucissement en s’essayant aux répliques humoristiques), au moins faut-il reconnaître à James Cameron d’avoir su contourner le problème de manière malicieuse. En ne tuant plus mais en mutilant ses adversaires, le T-800 fait souffler sur l’ensemble du film une brise d’humour noir pas désagréable, et bien plus convaincante que les faux airs de famille recomposée du trio de pourchassés.
Après trois bons films, Terminator 2 marque un certain fléchissement de la part de James Cameron, qui se perd quelque peu au sein de la logistique de plus en plus lourde que nécessitent ses films. Toujours aussi ambitieux sur le strict plan formel, James Cameron a désormais tendance à sombrer dans la mièvrerie, une tendance qui n’ira pas en s’arrangeant. Reposant sur un scénario qui comporte quelques bévues (en gros, la guerre Hommes/Machines n’aurait pas eu lieu sans l’envoi du T-800 en 1984, dont les quelques pièces égarées au passage ont servi de base de recherche aux scientifiques, Dyson en tête), Terminator 2 n’en demeure pas moins un spectacle honorable quoique très balisé et un poil trop frileux au final. Le terminator l’avait bien dit qu’il reviendrait mais c’est dommage de constater que cela s’est fait sous cette forme archi-commerciale. Le dollar a eu raison de sa carcasse.