CinémaHorreur

Phantasm II – Don Coscarelli

Phantasm II. 1988

Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Don Coscarelli
Avec : James LeGros, Reggie Bannister, Paula Irvine, Angus Scrimm…

Il y a quelques années de ça, Mike, son frère Jody et leur ami Reggie avaient eu maille à partir avec le Tall Man, ce croque-mort venu d’une autre dimension s’adonnant au trafic de cadavres. Ou du moins, cette aventure surnaturelle avait été vécue par Mike dans ses cauchemars d’ado endeuillé. Car au terme de la lutte, Mike se réveilla et Reggie lui confirma que Jody était bel et bien mort dans un accident de voiture, et non aux mains du Tall Man. Voir ! Car le sinistre bonhomme était alors réapparu, et surgissant d’un miroir, s’était emparé de Mike… avant que Reggie ne vienne le sauver, parvenant ensuite à fuir le Tall Man et son escouade de nains encapuchonnés, moyennant l’explosion de sa maison. Suite à cela, Mike avait été admis dans un hôpital psychiatrique où son médecin essaya de le convaincre que tout cela n’avait été qu’un mauvais rêve. Et aujourd’hui c’est le grand jour : Mike est libéré ! Et il se lance illico sur la piste du Tall Man, qui depuis leur première rencontre a continué de piller les cimetières et de transformer moult bourgades en patelins fantômes. Rejoint par Reggie, qui s’attendait bien à ce que son ami retourne sans délai au charbon, Mike le persuade – avec l’aide du Tall Man lui-même, qui ne les a pas oubliés- de l’accompagner dans une lutte où ils devraient également croiser la route de Liz, autre ennemie du Tall Man qui est entrée en contact avec Mike par le biais des rêves…

Écrit plus ou moins au jour le jour, le scénario du premier Phantasm était aussi décousu qu’avare en explications. Ce qui aurait pu ruiner le film fut au contraire sa grande force : cela lui permettait de glisser dans un onirisme morbide venant appuyer la nature impénétrable du Tall Man et de ses assistants (les nains ou les sphères meurtrières), maîtres d’une maison funéraire ne se rattachant à aucune tradition horrifique et où se tramaient des horreurs métaphysiques. Désarçonnant, ce premier volet s’agrémentait en outre d’un sous-propos audacieux sur le deuil vécu par le jeune Mike, qui venait de perdre plusieurs proches en peu de temps, et sur son sentiment d’être entré en guerre avec rien de moins que la faucheuse, vue comme une entité dotée d’une volonté malfaisante au service d’un au-delà inimaginable. Profondément original et bien moins à même d’être singé que d’autres succès de son époque (Massacre à la tronçonneuse, La Colline a des yeux, Evil Dead…), Phantasm n’appelait certainement pas une séquelle. Le retour fracassant du Tall Man dans son final était moins la promesse d’un retour qu’une ultime vague surréaliste dans un récit imprévisible. Ce qui n’empêcha pourtant pas la Universal de voir le Tall Man comme un rival potentiel de Freddy Krueger et de commander dix ans plus tard une séquelle à un Don Coscarelli qui, entre-temps, était passé dans le milieu de l’heroic fantasy (Dar l’invincible) et peinait à conclure son Survival Quest. Proposition qu’il accepta, bien que n’ayant pas franchement d’idée toute faite sur la façon de prolonger les aventures de Mike, Reggie et du Tall Man. Ses producteurs allaient lui en donner, lâchant en même temps un fort confortable budget en complément d’instructions bien précises : remplacement de l’interprète de Mike (le minet James LeGros remplaçant A. Michael Baldwin) et structure bien plus linéaire que dans le premier film. Ce a à quoi on peut rajouter l’ajout de deux éléments féminins, ainsi bien entendu qu’un recours encore plus prononcé aux effets spéciaux. Coscarelli ne semble pas avoir pris ombrage de ces desiderata dont la signification ne laissait guère de doute : le studio voulait un film d’horreur dans l’ère du temps, capable de plaire au plus grand nombre et de marcher sur les pas des “boogeymen” de slashers dont l’étoile n’allait pourtant pas tarder à pâlir.

Phantasm II n’a guère d’ambition artistique, et le démontre dès son ouverture. Celle-ci consiste en une hasardeuse pirouette modifiant le dénouement de son prédécesseur et justifiant cette séquelle qui ne repose que sur un seul ressort : Mike et Reggie s’en vont traquer le Tall Man. Coscarelli ne va pas au-delà et ne cherche pas à approfondir sa mythologie. Non qu’il désire entretenir le mystère comme dans le premier film : il se limite juste à faire de son croque-mort un être d’une autre dimension venu s’emparer de nos morts (quitte à tuer lui-même) pour en faire ses esclaves sous la forme de nains. La personnification d’un concept -la mort, avec tout ce qu’elle entraîne comme craintes et comme interrogations- laisse place à un vilain en bonne et due forme. Le deuil n’est plus guère de mise, encore que Coscarelli aurait eu l’occasion de s’y rattacher en profitant de Liz, la copine de Mike (rencontrée dans un rêve… mouais), qui vient elle aussi de perdre plusieurs membres de sa famille. Plus frustrant, le réalisateur fait également l’impasse sur un embryon d’idée pourtant amorcé lorsque Mike et Reggie traversent des villages abandonnés : la capacité qu’aurait le Tall Man d’aspirer tout souffle de vie, y compris à l’échelle d’une communauté. Aucun détail ne nous sera donné sur ces patelins fantômes, qui ne servent qu’à indiquer la route à prendre pour les deux héros. Phantasm II ne dévie pas d’un iota de sa simpliste ligne directrice : Mike et Reggie cherchent la bagarre, et ils vont l’avoir. Ils y sont prêts : armés jusqu’aux dents de pétoires, d’armes blanches et même d’une tronçonneuse, ils foncent ! Ils sont par conséquent bien loin de ce qu’ils étaient dans le film précédent, où ils allaient de surprise en surprise. Ici, ils vivent clairement une aventure balisée : les sphères, les nains, le Tall Man, et même la porte interdimensionnelle, tout ceci leur est déjà connu et Coscarelli n’y ajoute (ou n’y retire) rien. Si ce n’est l’humour : les considérations sur le deuil étant tombées aux oubliettes, le réalisateur fait siennes les conceptions du moment et n’hésite pas à donner des “punchlines” au Tall Man, à placer quelques gags macabres ici ou là où à verser dans l’action la plus débridée (Mike se promenant avec un lance-flammes). On pourrait bien entendu songer à la destinée de Freddy Krueger, qui au moment du film faisait dans la gaudriole la plus éhontée (Le Cauchemar de Freddy), mais le réalisateur semble plutôt avoir pioché l’inspiration dans Evil Dead 2. Comme Phantasm et même plus encore, Evil Dead premier du nom avait été conçu avec les moyens du bord et avait connu un succès retentissant. Malsain, gore et novateur, le film avait lancé la carrière de Sam Raimi. Et au moment de lui donner une séquelle, celui-ci s’était fait un malin plaisir de garder les mêmes éléments, mais de les passer à la moulinette de l’humour cartoonesque. Sans aller aussi loin, Coscarelli adopte la même démarche, cite textuellement le nom de Raimi, et vise clairement le second degré. Ce qui est le signe que lui aussi jugeait que le premier film de sa propre saga se suffisait à lui-même.

Bien entendu, ce choix d’inscrire Phantasm II dans la mode du moment le conduit à être loin en dessous de l’inventivité de Phantasm. On peut juger cela déplorable, et trouver que le potentiel posé en 1979 permettait d’enchaîner par une séquelle qui aurait suivi la même voie tout en ne le copiant pas. En louchant sur les copies de ses voisins, Coscarelli semble d’avis que -au moins pour le moment-, cela n’est pas le cas. Et donc il tape dans le convenu, ambitionnant de rendre son film aussi plaisant qu’Evil Dead 2 avait pu l’être. Sauf qu’il faut bien l’admettre : en tant que metteur en scène, Coscarelli n’est pas Raimi. Pour certains, Evil Dead 2 est même supérieur à Evil Dead : plus fou tout en étant plus maîtrisé. Difficile de dire de même concernant Phantasm II, qui pour résumer se limite à des touches d’humour épisodiques, à un ton nettement moins macabre que son devancier, et surtout, budget aidant, à une intensification et à une amélioration notable des effets spéciaux. Ainsi, les fameuses sphères dont se sert le Tall Man pour traquer ses victimes sont davantage présentes et plus inventives dans leurs exactions. Si elles continuent à perforer des crânes, elles peuvent aussi se retrouver sur d’autres parties du corps, voire frayer leur chemin de l’intérieur. Ce sont elles qui apportent cette dose de gore grand-guignol qui justifie une fin en soi. Quant à eux, les nains sont bien plus nombreux et, maintenant que l’on sait d’où ils viennent, Coscarelli n’hésite plus à nous montrer leurs horribles faciès qui ont fait la joie des maquilleurs Greg Nicotero et Robert Kurtzman. Et puis il y a également les autres assistants du Tall Man : ces deux taciturnes embaumeurs dont l’utilité n’est guère évidente. Tout ce beau monde anime copieusement l’antre du Tall Man : une nouvelle maison funéraire qui à l’inverse de Morningside dans le premier film, dont la blancheur marbrée et les couloirs labyrinthiques étaient aussi solennels qu’originaux, lorgne sur le cinéma gothique. L’architecture y est plus biscornue, la lumière plus contrastée (dans les sombres et le rouge vif), les pièces plus ouvertement glauques (le crématorium)… Ce serait une parfaite maison hantée. Quant à Coscarelli, s’il reprend quelques effets du premier film (la vue subjective sursaturée depuis l’intérieur des boules, l’univers très “martien” de la dimension dont est issu le Tall Man), il en change la portée et orchestre tout ce barnum avec entrain, mais sans le panache de son collègue Sam Raimi dans Evil Dead 2.

S’il est vrai qu’on ne peut qu’être déçu de cette séquelle, cela provient essentiellement de l’inévitable comparaison avec cette petite perle qu’était Phantasm. Car dans le fond, nous sommes tout de même en face d’une très honnête série B horrifique des années 80. Un peu dans la lignée d’un Freddy 3 ou d’un Massacre à la tronçonneuse 2 : plutôt que d’essayer de reproduire leur modèle (ce que Freddy 2 avait essayé et assez piteusement échoué) leurs réalisateurs avaient choisi de se montrer ouvertement moins ambitieux. La légèreté était au menu, ce qui ne voulait pas dire qu’ils en oubliaient le “croustillant” au passage. Coscarelli choisi même de l’intensifier jusqu’à l’humour, prenant visiblement grand plaisir à bénéficier d’un budget lui permettant des effets spéciaux plus aboutis. Le film en est truffé, et plutôt que le mystère au long cours entourant Morningside et son Tall Man, Coscarelli opte plutôt pour les effets de surprise : ici une sphère, là un nain, encore ailleurs l’un des acolytes du Tall Man, et, en dernier ressort, le Tall Man lui-même qui devient véritablement le chef d’orchestre et tente de rejoindre le cercle des Freddy Krueger, Jason Voorhees, Leatherface et autres collègues starifiés dans les années 80. Cette transformation va jusqu’à la musique : de la lente et sinistre ritournelle de 1979, elle est désormais réinterprétée selon les règles de l’époque : plus rapide, plus chargée, vaguement surproduite… Avec son aspect rentre-dedans et le dédale de piège qu’il balance au nez de ses protagonistes, Phantasm II est donc indéniablement distrayant. Mais voilà, en sachant raison garder, il ne vaut pas son prédécesseur. Entériner ce constat et faire porter ses efforts (et son argent) sur une autre approche était finalement peut-être l’option la plus sage de la part de Coscarelli.

Une réflexion sur “Phantasm II – Don Coscarelli

  • La première fois que j’ai entendu parler de Phantasm 2, c’était dans la programmation télé d’un journal. Il passait le jeudi soir, à 22h30. N’ayant jamais entendu parlé de ce film et étant au numéro 2, je pensais que le film devait être chouette.

    A l’époque, je devais être au début du collège, et même si je ne pouvais pas voir ce film, j’ai quand même tenté le coup, et le peu que j’ai vu du film m’a fait grand impression.

    Les sphères m’ont fait flipper. Dès leurs apparitions, il n’y avait qu’une échappatoire, courir et se cacher ou qu’elles attrapent quelqu’un d’autre, comme l’un des embaumeurs qui va faire les frais de ses sphères.

    De ce film, j’en ai gardé une grande impression, mais le temps faisant, les suites n’ont jamais été à la hauteur de Phantasm 2.

    Et puis plusieurs années plus tard, j’ai fini par voir le premier Phantasm, et cela a été la douche froide. Le côté onirique m’a sorti de son univers, et puis je sentais un certain amateurisme. Entre ce film et le 2, il y avait un monde. Encore mieux, le 2 aurait pu être vu sans avoir besoin de voir le premier. D’ailleurs celui ci raconte les événements du premier film.

    Avec le temps, je trouve le film de moins en moins génial, beaucoup moins intéressant qu’à mon premier visionnage, les suites et le premier film, dévaluant la qualité de Phantasm 2.

    Mais entretemps, j’ai eu l’occasion de voir de meilleurs films, et Phanstam 2 a fini comme un vieux souvenir.

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