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Phantasm III : Le Seigneur de la mort – Don Coscarelli

Phantasm III : Lord of the Dead. 1994

Origine : États-Unis
Genre : De la suite sans les idées
Réalisation : Don Coscarelli
Avec : Reggie Bannister, A. Michael Baldwin, Gloria Lynne Henry, Angus Scrimm…

Si ce fut à la demande de la Universal que Don Coscarelli donna une première séquelle à Phantasm, la mise en chantier d’une seconde lui est entièrement imputable. Il faut dire que sa carrière ne décollait guère, et qu’en attendant Bubba Ho-Tep (qui ne verrait le jour qu’en 2002), rien d’autre de ce qu’il avait pu faire n’avait vraiment marqué les esprits. Dar l’invincible avait certes connu lui aussi une suite en 1991, mais Coscarelli en étant totalement absent et le scénario étant co-redigé par le facétieux Jim Wynorski, difficile de considérer qu’il s’agissait là d’un sérieux gage de postérité. Ne restait donc à Coscarelli qu’à reprendre le cours de l’épopée du Tall Man et à lui forger lentement mais sûrement sa saga (quand bien même l’ère des sagas modernes, de Jason à Freddy en passant par Michael Myers, connaissait un coup d’arrêt). Débarrassé des exigences d’un gros studio, Coscarelli pouvait ainsi renouer avec ce qui lui avait été interdit dans Phantasm II, à savoir céder à ses envies oniriques, et embaucher à nouveau A. Michael Baldwin dans le rôle de Mike, remplacé par un acteur plus “glamour” dans le second opus. Restait à savoir que faire d’un troisième Phantasm alors que le second, sans toutefois être désagréable, peinait à raconter quelque chose de nouveau. Selon lui-même, l’idée vint à Coscarelli après avoir revu son premier Phantasm, qui laissait certes bien des zones d’ombres mais qui en retirait l’une de ses principales qualités : s’enrober d’un impénétrable mystère reflétant celui que constitue la mort. Sinistrement sérieux, Phantasm se parait de cette considération sur le sens de la mort. Ce que sa première séquelle, toute à sa volonté (réussie) d’être une amusante série B horrifique truffée d’effets spéciaux, se refusait. Alors, Phantasm III : retour aux sources ? Voyons cela.

Après avoir vaincu le Tall Man, Reggie et Mike s’en étaient allés avec leurs nanas respectives, dont l’une d’entre elles (celle de Reggie, nommée Alchemy) s’était in fine révélée comme une émissaire du singulier croque-mort. Agressant son compagnon, elle n’avait pourtant pu en venir à bout, provoquant un accident dont la copine de Mike fut en fait la seule victime. Quant à Reggie et à Mike, ils s’en tirèrent à bon compte malgré l’arrivée du Tall Man finalement pas mort, et bien que le second ait dû passer par la case hôpital. C’est d’ailleurs là bas que le Tall Man le retrouva. Car il est désormais une cible privilégiée ! A tel point que malgré l’aide de son défunt frère Jody, le Tall Man l’attire à lui. Et Reggie de partir à sa recherche, bénéficiant en chemin de l’aide de Tom, un gamin débrouillard dont la famille et le patelin furent décimés par le Tall Man, et de Rocky, sculpturale jeune femme adepte du nunchaku.

Si Coscarelli dit avoir puisé l’idée de départ de Phantasm III dans le premier Phantasm, il ne fait pas pour autant une croix sur Phantasm II. Tout Phantasm III se partage entre des choses héritées du film original et d’autres puisées chez son successeur. Une sorte d’amalgame qui traduit un certain aveu de faiblesse : celui d’un réalisateur qui ne sait pas trop quoi faire de sa création et de la richesse induite par les non-dits du premier volet. La nature exacte des phénomènes gravitant autour Tall Man ? 15 ans après les avoir créés de façon largement improvisée, Coscarelli ne la sait pas, et ne cherche pas à faire comme si c’était le cas. Il en est même arrivé au point où il orchestre de nouveaux mystères à peu de frais : c’est ainsi que pour justifier le retour du Tall Man, il renvoie ce qu’il en restait à la fin de Phantasm II dans sa dimension d’origine, d’où ressort en contrepartie une version à l’identique et flambant neuve, prête à poursuivre la lutte avec Mike et Reggie. Ô combien facile ! Quant à ce qui ne l’inspire plus, il l’évacue avec la même aisance : il en va ainsi des nains, très largement absents de Phantasm III (il est vrai que le II avait été déjà bien loquace à leur sujet), mais aussi des deux nénettes enamourées de Reggie et de Mike : la première s’était révélée une traître permettant de clôturer le précédent film sur un effet de manche, et elle est vite abattue, et la seconde est tout simplement morte suite audit effet de manche. Quant au nouveau Tall Man, réapparu illico, il tourne les talons lorsque Reggie menace de tuer Mike plutôt que de le laisser s’en emparer. Non sans promettre qu’il reviendra. Bref, pour donner dans l’euphémisme, l’argument à l’origine du troisième volet n’est pas d’un raffinement excessif : il se contente d’amener la conclusion du deuxième dans une voie de garage. Cela aurait pu être une manière d’orienter le film dans une autre direction, mais ce n’est clairement pas le cas : après avoir envoyé bouler tout ce qu’il avait construit 5 ans avant, Coscarelli reconstruit presque exactement la même chose. Non seulement Phantasm III repart dans une sorte de course-poursuite entre d’un côté le Tall Man et de l’autre Reggie et Mike (enfin du moins Reggie, car Mike est un temps kidnappé), mais en plus il balance deux nouveaux alliés pour combattre le Tall Man. Il faut croire que Liz et Alchemy n’avaient pas suffisamment d’atouts, puisque leurs remplaçants disposent désormais de personnalités bien tranchées : issu d’un de ces patelins sinistrés par le Tall Man, Tim est un gamin espiègle maître des pièges et des armements, tandis que Rocky -en plus de constituer un fantasme pour un Reggie toujours aussi porté sur la bagatelle- est une fougueuse adepte du nunchaku. Avec des caractérisations aussi légères -la gravité est laissée au seul Mike-, on ne donne pas cher de leur avenir dans la saga. Mais en attendant ces pièces rapportées sont là pour assurer le spectacle, ce qui reste bien l’ambition principale de Coscarelli.

Pour ce faire, là encore, il ne va pas beaucoup plus loin que ce qu’il faisait dans Phantasm II. Il dote le Tall Man de nouveaux assistants, notamment un trio de zombies pugnaces venant rappeler que le réalisateur apprécie toujours autant Evil Dead 2 et qu’il aimerait se rapprocher de sa folie et de son humour. Il en reste pourtant à bonne distance, faute de savoir insuffler le même esprit cartoonesque. Le plus gros effort porte cela dit sur un élément qu’il avait déjà réévalué dans la première suite : les fameuses sphères foreuses. A l’origine l’une des multiples armes du Tall Man, la soudaineté de leur apparition, la rapidité et la violence de l’exécution de leurs victimes ainsi que la vision subjective sursaturée donnée par une caméra embarquée à leur bord, tout ceci en faisait des éléments mémorables. En l’absence des nains, elles deviennent ici prépondérantes : largement plus nombreuses, ce sont elles qui surveillent les territoires contrôlés par le Tall Man, et en plus de leur fonction de base (trouver et détruire), elles revêtent d’autres usages. Comme celui d’être garnies de la cervelle et de l’esprit des victimes, dont le Tall Man semble se repaître à ses moments perdus. Une fonction bien pratique, puisqu’elle permet au réalisateur de ramener un personnage disparu dans le film original : Jody, le frère de Mike, dont l’esprit se retrouve dans une sphère dissidente (!) et peut ainsi prodiguer des conseils à ses amis. Voire apparaître temporairement sous sa forme physique (incarné par Bill Thornbury, qui comme A. Michael Baldwin revient du film original). De tout cela, un constat s’impose : si Coscarelli prétend avoir été inspiré par le film original, il verse pourtant dans la gaudriole typiquement série B, avec toutefois la sagesse de ne pas non plus transformer son film en vaste farce. Phantasm III est décidément très semblable à son prédécesseur, bien que comme lui il essaie de se donner son look propre, particulièrement dans la chambre funéraire ici retenue, intensifiant à l’excès les connotations gothiques du précédent film. Du premier film, si ce n’est le retour de certains personnages avec leurs acteurs initiaux, il n’y a somme toute pas grand chose : principalement à travers Mike et ses cauchemars, Coscarelli se laisse parfois aller à des élans oniriques dans des scènes à la signification opaque lui laissant le loisir de jouer un peu avec les règles physiques et narratives élémentaires. Elles apportent certes leur obole d’étrangeté et d’effets spéciaux, mais on ne saurait dire qu’elles entraînent le film dans le surréalisme. Ce sont plus des clins d’œil, et à ce titre elles peinent à susciter le mystère du premier Phantasm. Lequel était d’ailleurs entièrement construit sur cette base, et ne se contentait pas d’y verser à l’occasion comme Coscarelli le fait ici.

Il ne suffit pas de ramener des acteurs et d’orchestrer des séquences de rêves pour évoquer un retour aux sources. Coscarelli n’a pas d’idée neuve, et si cette seconde séquelle n’est pas vraiment déplaisante (encore qu’elle souffre parfois de longueurs, notamment entre le moment où Reggie trouve ses deux nouveaux alliés et celui où ils se confrontent avec le Tall Man, qui de son côté est immuable), elle le doit à l’exploitation de vieilles recettes (les sphères notamment) et à l’enthousiasme évident de son réalisateur. N’empêche que l’usure commence à poindre. Au moment de leur troisième volet, Freddy connaissait un changement durable, Jason revêtait enfin son masque emblématique et se posait en machine à tuer, Michael Myers avouait qu’il avait fait son temps (temporairement hélas) en ne se pointant même pas dans Halloween III… Le Tall Man, qui pour commencer n’aurait jamais dû être ainsi starifié s’il voulait éviter d’entraîner sa saga sur une mauvaise pente, peine à trouver sa voie. Il se rapproche ainsi de Leatherface, autre figure qui a été mise en avant par défaut à partir d’un premier film qui ne saurait pourtant se limiter à sa seule figure. Et la saga Phantasm, démarrée en trombe (du moins artistiquement), de se heurter à son tour à un vieux syndrome : celui qui consiste à ne procurer qu’un plaisir immédiat plutôt que d’être une source de curiosité et d’angoisse au long cours. La réussite du premier film fut le fruit du hasard, et il n’est donc guère étonnant que Coscarelli ne sache comment embrayer. Il arrive encore à peu près à s’en sortir, mais s’il ne revient pas avec du neuf dans le quatrième volet, il va franchement finir par lasser.

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