Ma femme s’appelle reviens – Patrice Leconte
Ma femme s’appelle reviens. 1982.Origine : France
|
Au 36e dessous depuis que sa femme l’a brusquement quitté, Bernard Pizet (Michel Blanc) opte pour le changement. Il quitte son vieil appartement empli de souvenirs pour emménager dans une résidence flambant neuve réservée aux célibataires. Très vite, il fait la connaissance de Nadine (Anémone), sa voisine de palier guère plus heureuse que lui en amour. Tous deux sympathisent au point de devenir inséparables. Se pourrait-il qu’ils aient finalement trouvé le bonheur sans s’en être encore rendus compte ?
Illustrateur des facéties des membres de la troupe du Splendid le temps des Bronzés et sa suite Les Bronzés font du ski, Patrice Leconte amorce les années 80 en accompagnant l’éclosion de l’un d’entre eux, Michel Blanc. Les deux hommes s’entendent parfaitement, comme le confiait à l’époque le comédien au magazine Première. Ils travaillent selon une méthode déjà bien rodée. Ils rédigent le scénario à quatre mains et n’estiment le travail achevé qu’une fois qu’ils se sont accordés sur tout. Ainsi mis en confiance, Michel Blanc peut alors se consacrer entièrement à son métier d’acteur, son ambition première. Une déclaration qui ne manque pas de sel rétroactivement puisque il ne s’écoulera pas deux ans avant qu’il ne passe à la réalisation avec Marche à l’ombre. Adapté de la pièce de théâtre Singles de Joseph Morhaim, Ma femme s’appelle reviens se concentre sur deux âmes en peine fâchées avec l’amour que le destin décide de réunir. Un postulat qui laisse augurer d’une comédie romantique bien dans la tradition avec happy end de rigueur. Or la singularité première du film tient à sa distribution. Sans leur faire offense, Michel Blanc et Anémone n’ont pas des physiques de jeunes premiers. Le film de Patrice Leconte perd donc en glamour ce qu’il gagne en acuité sur les affres de l’amour. Il ne s’agit pas ici de le magnifier sous couvert d’un conte de fées mais plutôt d’en ausculter les méandres dans toute sa banalité.
Héraut des dragueurs à la petite semaine sous le nom désormais passé à la postérité de Jean-Claude Dusse, Michel Blanc incarne cette fois un amoureux davantage par convenance sociale que suivant un réel désir. Le concernant se pose rapidement la question de savoir s’il a réellement aimé cette femme dont il souhaite tant le retour au point de braver la sécurité aéroportuaire pour tenter de la faire changer d’avis. Une femme dont on ne verra jamais le visage, pas même en photos. Son existence passe par les mots désabusés d’un homme meurtri, pas par les souvenirs, totalement absents de l’appartement de Bernard. Seul son fidèle canapé vient rappeler ses rapports conflictuels avec elle. Plus qu’un lit d’appoint, un compagnon de solitude. Il l’avouera lui-même à Nadine, son mariage tient davantage du mimétisme fraternel que de l’amour franc et sincère. Il a toujours nourri un complexe à l’égard de son frère, ce modèle avoué auquel il aimerait tant ressembler. Las, le voilà contraint à 29 ans à mener une vie de célibataire, lui qui n’avait jusqu’alors jamais vécu seul. Tout à sa déprime, il se contente de tristes repas à base de boîtes de conserve. Et s’il consent à déménager, acte fondateur de l’acceptation de l’échec de son mariage, il ne prend jamais la peine de réellement investir son nouveau chez lui, agglomérat de cartons pas encore déballés en attente d’un nouveau déménagement. Se lit là comme l’espoir de se sortir de sa condition, de très vite abandonner cette résidence pour célibataires au profit d’une nouvelle vie conjugale. Nadine nourrit également cette espérance mais de manière diamétralement opposée. Déjà, son passif conjugal se résume à de la cohabitation à courtes durées. A l’inverse de son voisin, elle a pleinement investi son intérieur, disposant même de-ci de-là les photos – elle est photographe de profession – des hommes avec lesquels elle a partagé quelques instants de bonheur fugace. Terry, le dernier en date, un musicien dont elle est éperdument amoureuse mais qui préfère la vie de bohème plutôt qu’une existence bien rangée et figée, y figure en bonne place. Elle croit encore au prince charmant et au grand amour qui emportera tout sur son passage, poussant son romantisme jusqu’à des confins semi-tragiques. Se sentant peu désirable, elle s’affame en tentant de correspondre à un idéal physique qui n’existe que dans son esprit embrumé. De ces deux âmes en peine, Nadine se révèle la plus poissarde. Elle enchaîne les relations sans lendemain alors que Bernard semble s’épanouir dans l’illusion d’une romance – chaste – en compagnie d’Anne, élève en terminale au lycée Henri IV. Entre son amitié grandissante avec Nadine et le désir qu’il lit dans les yeux de la lycéenne, Bernard jouit d’une seconde jeunesse, ou plus exactement profite enfin de la vie sans chercher à ressembler à quiconque, en étant simplement lui-même. Dans le cas de Nadine, cela s’avère plus difficile car elle ne parvient pas à s’émanciper suffisamment de ses rêves de midinette. Pour autant, le film se garde bien de solutionner quoi que ce soit. Avant d’être une étude de caractère, Ma femme s’appelle reviens est une tranche de vie qui s’achève de manière aussi abrupte qu’elle avait commencé. Toutefois, les sourires échangés autour d’un bon repas entre Nadine et Bernard tranchent considérablement avec la mine déconfite du même Bernard sur laquelle s’ouvrait le film. Les deux personnages ont tout de même accompli du chemin et si le miracle de l’amour n’a pas eu lieu, ils ont tissé d’autres liens indéfectibles, ceux d’une profonde et sincère amitié.
Loin de toute satire, Patrice Leconte et son compère Michel Blanc portent un regard désenchanté mais empli de tendresse sur tous ces gens en mal d’amour. Comme pour tourner le dos aux années Splendid, ils dispensent un humour plus feutré, presque désabusé et moins rentre-dedans. Ma femme s’appelle reviens sait s’affranchir du diktat du gag pour le gag pour coller au plus près des états d’âme des personnages. La comédie se fait donc discrète et passe essentiellement par le jeu confondant de naturel des deux comédiens principaux, ce qui n’interdit pas quelques bons mots dont Michel Blanc a le secret. Encore en apprentissage, Patrice Leconte et Michel Blanc signent une aimable comédie douce amère, sans chichis mais avec un plaisir communicatif.