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Massacres dans le train fantôme – Tobe Hooper

massacretrainfantome

Funhouse. 1981

Origine : États-Unis 
Genre : Horreur 
Réalisation : Tobe Hooper 
Avec : Elizabeth Berridge, Cooper Huckabee, Kevin Conway, Wayne Doba…

Il est marrant, Tobe Hooper. Voici un homme qui fait la fine bouche, qui abandonne le tournage de Venin (avec Klaus Kinski et Oliver Reed) en raison de “divergences artistiques” avec la production pour s’en aller tourner une ineptie nommée Massacres dans le train fantôme, qui l’occupera au point de refuser une première collaboration avec Steven Spielberg (il se rattrapera tout de suite après avec Poltergeist). C’est que l’homme a sa fierté, et que Massacres dans le train fantôme est son bébé à lui, alors l’un des chefs de file de la nouvelle génération de cinéastes spécialisés dans l’horreur. Le Tobe ne se prive donc pas pour brosser ses admirateurs dans le sens du poil en leur montrant que lui aussi, c’est un vrai fan de film d’horreur, un pur et dur qui a vu les Frankenstein avec Karloff, Psychose et Halloween. La première scène nous montre ainsi une vision subjective vue à travers les trous d’un masque (comme dans Halloween), qui se terminera avec l’arrachage d’un rideau de douche (comme dans Psychose). Et là, surprise : c’était une blague de l’insupportable petit frère de l’héroïne, fan de film d’horreur (les murs de sa chambre sont plein de posters) ! Ah quel petit con ! De là à en déduire que l’horreur va de pair avec la puérilité, il n’y a qu’un pas. Rien qu’avec son hommage, Tobe Hooper ne donne déjà pas une vision bien reluisante du genre qu’il se propose de défendre. Cela ne s’arrangera pas avec le sujet du film : deux couples (dont la sœur de la tête à claques) décident de passer la nuit dans le train-fantôme d’une fête foraine de sinistre réputation. Ils seront les temoins d’un meurtre commis au sous-sol par une créature monstrueuse, rejeton du propriétaire des lieux. Hélas, mille fois hélas, les ahuris trahiront leur présence, et il risque bien de leur en cuire…

De toute évidence, Tobe Hooper a cherché à se libérer de la forte attraction qu’exerçaient les slashers à l’époque du tournage de Massacres dans le train fantôme pour donner une sorte de variation de son Massacre à la tronçonneuse à la gloire éternelle (et après laquelle il court toujours à l’heure où je vous parle). C’est ainsi qu’il nous ressert le coup de la famille monstrueuse, ici limitée à deux personnages, dissimulée au regard du monde par quelques procédés ingénieux (train fantôme donc créature masquée, forain donc grand voyeur insaisissable etc etc…). Les personnages principaux auront simplement commis l’erreur de se fourvoyer dans leur univers. Une innovation est toutefois à noter : s’étant probablement rappelé le Freaks de Tod Browning, Hooper se prend quelque peu de pitié pour sa famille dégénérée, avec ce père défendant son fils vaille que vaille, et ce même fils dont la seule perspective d’avenir, inacceptable, aurait été de devenir un monstre de foire. Une des rares bonnes idées de Hooper reste d’avoir évité de forcer le trait de ce mélodrame, se contentant de quelques maigres dialogues ainsi que d’un masque de Frankenstein renvoyant les difficultés du monstre à celles de son illustre aïeul… Mais le problème demeure que si le film n’est pas mélodramatique, qu’est-il ? Une heure durant, Hooper ne propose strictement rien, se contentant de suivre ses personnages principaux dans leur conformisme de slasher. Et voilà, le mot est lâché : le slasher, qu’Hooper cherchait à éviter, ou tout du moins à détourner. Les quatre jeunes ayant investi le train fantôme ne sont rien d’autre que l’habituelle chair à machette que l’on retrouve dans tant d’autres films nés de la mouvance des Vendredi 13. L’héroïne est une vierge, son copain est patient, et les deux autres sont des baisouilleurs facétieux. Quel calvaire que de suivre ces abrutis là ! Hooper, en sortant son tueur du schéma des slashers mais en y inscrivant ses personnages, prend son temps à faire démarrer les meurtres. Conséquence : on s’emmerde copieusement, et pendant que les héros vaquent à leurs occupations (visitant trois ou quatre manèges avant la fermeture du parc), le tueur reste sagement à l’abri. Hooper meuble cet énorme creux en sortant sans raison des vieillards mystiques, en imaginant que le frère de l’héroïne est lui aussi dans le parc à surveiller sa frangine (jusqu’à ce qu’il déguerpisse fissa après une mauvaise rencontre) et en ayant recours à des attractions un peu à part (un illusionniste gore, une galerie d’animaux difformes). Le réalisateur prétend illustrer les inquiétudes pouvant naître des fêtes foraines, mais la réalité est qu’il ne fait que remplir son film de mauvaises augures. Imaginez un Vendredi 13 s’attardant une heure durant sur les vieux fous évoquant sans se lasser la malédiction de Crystal Lake, et vous aurez le tableau de ce à quoi ressemble Massacres dans le train fantôme. Loin de se rapprocher du climat pesant de Massacre à la tronçonneuse, cette visite dans une fête foraine sinistre n’évoque rien, fait office de trompe l’œil vaguement sardonique remplissant un film dépourvu de tout scénario et de tout esprit créatif.

Le même défaut frappe le massacre tant attendu : des meurtres d’une banalité peu commune, dissimulés sous des éclairages bariolés et à côté de tous les habituels gadgets des trains fantômes. Vraiment laid, le film de Hooper est en plus miné par une mise en scène parfois hystérique, s’agitant dans tous les sens afin de donner une impression de cauchemar surréaliste (à l’heure du cinéma-videoclip, Tobe Hooper se laissera totalement dominé par ce penchant). Le jeu de massacre n’est pas sans susciter parfois l’amusement, comme par exemple lorsque cette jeune fille propose ses charmes au tueur en échange de la vie sauve (scène faisant écho aux difficiles relations du monstre avec les femmes, évoquées dans l’une des scènes précédentes). Il faut croire que même le réalisateur avait conscience de l’indigence de son scénario et qu’il essaya in fine de l’orienter vers un subtil second degré, n’apportant guère plus d’intérêt au spectacle. Il est en plus dommage que la créature conçue par Rick Baker n’ait pas été mieux exploitée, tant sa difformité est impressionnante.

De ce ratage quasi-complet, Tobe Hooper est désormais satisfait. Lui qui jouait aux persécutés au sujet de ses premiers films (Le Crocodile de la Mort, Les Vampires de Salem mais aussi Venin et The Dark) montra avec Massacres dans le train fantôme de quoi il était capable dans de bonnes conditions… De quoi donner le beau rôle aux producteurs avec lesquels il eut maille à partir.

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