CinémaHorreur

The Hole – Joe Dante

hole

The Hole. 2009

Origine : États-Unis
Genre : Épouvante
Réalisation : Joe Dante
Avec : Chris Massoglia, Haley Bennett, Nathan Gamble, Teri Polo…

Les temps sont durs pour Joe Dante, et cela ne date pas d’hier. Généralement malchanceux dans ses scores au box office, il se permet en outre régulièrement de n’en faire qu’à sa tête sur les plateaux de tournage. Même Steven Spielberg qui l’avait pris sous son aile au début des années 80 et qui se montra plutôt compréhensif à son égard finit par lui tourner le dos après un Gremlins 2 explosif. Tant d’anarchie menée avec la volonté de se foutre ouvertement des conventions (hollywoodiennes, mais pas seulement) c’était du jamais vu. Qui n’a jamais vu les Gremlins chanter du Sinatra n’a jamais rien vu. Depuis, Dante a bien eu du mal à faire des films. L’échec commercial de Small Soldiers, avec lequel l’ex poulain de Corman avait pourtant fait amende honorable, lui obscurcit encore davantage l’horizon. Puis ce fut Looney Tunes : Back in action, qui en plus d’avoir lui aussi été un échec en salles se servait de la folie intrinsèque des cartoons pour en rajouter une couche dans la même veine que Gremlins 2. Bref, après avoir donné à Daffy Duck sa revanche sur Bugs Bunny, et après avoir participé à un film à sketchs passé inaperçu, Dante retourna à la télévision, là où il avait déjà trouvé régulièrement refuge dans les années 80 et 90. Deux Masters of Horror, un téléfilm où il ne fut que l’un des quatre réalisateurs, un épisode des Experts spécial Halloween… Longtemps après avoir arrêté sa carrière de critique, il se remit aussi à parler de films en collaborant au site Trailers from Hell en compagnie d’autres réalisateurs. On le pensait en pré-retraite, à l’image de plusieurs autres réalisateurs de sa génération, mais il n’en était rien. De son propre aveu, ce ne furent pas les projets qui lui manquèrent. Mais entre les promesses non tenues, les scripts sans intérêt qu’on lui soumettait (principalement des films d’horreur) et ses difficultés à trouver un financement pour ses propres idées, il demeura dans un cul-de-sac. Jusqu’à The Hole, scénario écrit par Mark L. Smith, auteur de Motel (Nimrod Antal, 2007) avec Kate Beckinsale. Un scénario qui n’a rien de particulièrement novateur, mais dans lequel Dante trouva plusieurs éléments à son goût.

Une mère célibataire et ses deux fils emménagent dans une nouvelle maison située dans une petite ville américaine. Dane (Chris Massoglia), l’aîné de 17 ans se montre particulièrement boudeur, lassé des nombreux déménagements qu’il a déjà dû subir. Quant au cadet, Lucas (Nathan Gamble), 11 ans, il va bien, merci, et vexé que son frère refuse obstinément de jouer avec lui, il décide de lui faire une petite farce. Il s’en va aborder Julie (Haley Bennett), la jeune et jolie voisine sur laquelle Dane louche depuis son arrivé. Furieux, Dane poursuit Lucas jusqu’au sous sol de leur maison. C’est là que leur attention se porte sur une trappe fermée par de nombreux cadenas. Une fois les cadenas enlevés, la trappe levée, ils découvrent un puits sans fond. C’est à ce moment que Julie les rejoint. Tous les trois sont alors témoins des apparitions d’entités effrayantes et dangereuses. Pour en savoir plus sur le “trou” et ces conséquences, ils commencent par rendre visite au propriétaire précédant de la maison, Creepy Carl (Bruce Dern), reclus dans une usine désaffectée.

Très inquiétant, le début de The Hole. Une famille monoparentale divisée, un adolescent qui supporte mal l’abus de déménagements, un gamin blagueur, une romance annoncée… Tout un catalogue de clichés. Le réalisateur des deux Gremlins se serait-il laissé aller à réaliser une chose aussi quelconque ? Pas vraiment. S’il est certain qu’il ne s’y est pas investi autant que dans Panic sur Florida Beach, sa petite production la plus remarquable, il ne l’a pas choisi non plus par hasard. Sa carrière étant au plus bas, il semble avoir opéré un retour aux sources caractérisé par la modestie, à la limite de l’impersonnel. Dans sa démarche, The Hole ressemble un peu à Piranhas. C’est une façon de mettre le pied à l’étrier sans négliger de porter son dévolu sur un sujet simple et qui l’attire un minimum. Lorsqu’il était chez Corman, il s’agissait d’un film de monstres, et ici il s’agit d’une histoire de fantômes rudimentaire, pour ne pas dire infantile. Un mystère dans une cave, des fantômes et c’est parti. Dès que cette étape est franchie dans la narration, Dante se débarrasse facilement des considérations familiales tant redoutées. Tout simplement, il les mets sous le tapis et ne les en sortira plus, si ce n’est dans les dernières secondes où bien entendu tout s’arrange. Ainsi, les relations entre la mère et son aîné s’envolent lorsque la mère s’absente, c’est à dire la majeure partie du temps. Le mal-être de Dane ne fait plus parler de lui lorsque l’ado se plonge dans son enquête surnaturelle. Le mioche se révèle davantage grande gueule que tête à claque, aidant même à intégrer Julie dans le récit là où le Dane timide, absorbé dans son carnet de dessins l’en aurait exclus. Et enfin, l’inévitable amourette, si elle se devine, se fait sans tambours ni trompettes, sans parlotte ni contestation. Les personnages se vident au passage de toute substance, mais est-ce vraiment un mal si l’on considère ce qu’ils menaçaient d’apporter ? Ils ne servent plus qu’à faire avancer le film, tout en le maintenant à un niveau d’humour acceptable, ni trop fantaisiste ni trop sérieux (ce qui aurait rendu The Hole un peu trop présomptueux compte tenu de son bien mince sujet). D’abord détachés des évènements, comme s’il ne s’agissait pour eux que d’une façon de tromper leur ennui, ils mettent ensuite du cœur à l’ouvrage, à un moment coïncidant avec le début des explications sur les phénomènes provoqués par le trou. Mais dans un cas comme dans l’autre, ils ne masquent jamais les penchants de Joe Dante, qui en effaçant ses personnages s’est réservé de nombreuses scènes lui permettant divers petits plaisirs et permettant surtout au film de ne jamais tromper ses spectateurs en diluant son appartenance à l’épouvante dans des ingrédients relevant de la comédie dramatique stéréotypée, voire de la comédie adolescente.

Pour autant, l’épouvante elle-même n’échappe pas aux stéréotypes. C’est ce qui rend The Hole si modeste. Nous sommes bien loin de la frénésie de créativité des meilleurs films de Dante, lequel ne fait en somme que s’exercer à la mise en scène de divers effets effrayants usités par le cinéma fantastique depuis la nuit des temps. Mais c’est aussi ce classicisme qui vient rappeler que Dante est aussi un historien actif du cinéma, et par conséquent il n’existe plus guère de doutes sur ses motivations à réaliser The Hole. Il s’agit ni plus ni moins que de se confronter à ce que bien de ses modèles ont fait avant lui, sans essayer de tirer son épingle du jeu si ce n’est par les progrès des effets spéciaux pour lesquels il demeure curieux. Par exemple, son accord pour la 3D découle de sa culture des années 50, époque où ce procédé avait déjà été à la mode avec L’Homme au masque de cire ou autre Étrange créature du lac noir. Ayant déjà réalisé un court métrage en relief (et même en 4D, puisque dans une proximité évidente avec le cinéma de William Castle Haunted Lighthouse, diffusé uniquement dans certains parcs d’attraction américain, utilisait divers gadgets dans la salle de projection), Dante désirait ainsi voir ce que les nouvelles technologies apportaient d’un point de vue technique pour le travail du réalisateur. N’ayant pas vu le film dans sa version en 3D, je ne me prononcerai pas sur le résultat, mais signalons tout de même que Dante n’évite pas certains travers consistant à envoyer divers objets à la tête du spectateur. Plus intéressant, certaines scènes semblent avoir été conçues pour rendre la 3d “exotique”. C’est principalement le cas à la fin du film, dans laquelle Dane et Lucas descendent dans le trou pour y découvrir un monde biscornu évoquant furieusement Le Cabinet du docteur Caligari, que Dante ne laisse d’ailleurs pas sans justification dans l’intrigue, mais telle ne fut pas sa principale motivation. Il y a là une recherche picturale qui s’inscrit dans le prolongement des tableaux du Louvre dans lesquels les personnages de Looney Tunes pénétraient. Je serais curieux de voir le résultat en 3D.

En dehors de sa curiosité de cinéaste pour une nouvelle technique, Dante se frotte aussi aux fantômes et à divers effets de frousse, non sans un certain succès. Sa petite fille spectrale est ainsi une belle réussite, ce qui provient non seulement du contexte inattendu dans lequel il la place, mais aussi de la manière très saccadée dont elle se déplace. Bien sûr, Ring n’est jamais très loin, mais Dante demeure conscient qu’il ne doit pas baser son film sur cette seule présence. Il a ainsi recourt également à une poupée de clown démoniaque, ce qui a été de nombreuses fois utilisé par le cinéma (citons Poltergeist). C’est surtout l’occasion pour lui d’évoquer Gremlins une fois de plus, encore qu’il ne l’ait pas demandé. Il s’en acquitte sans grande originalité, se reposant surtout sur le look de la poupée en question, qui n’est ni aussi irrévérencieuse qu’un gremlins ni même aussi furibarde que Zuni, le zoulou en bois de La Poupée de la terreur. En revanche, et comme pour la gamine fantôme ainsi que pour quelques autres scènes dans lesquelles les monstres sont moins mis en lumière, Dante parvient à créer un contexte idéal pour les frissons. Son traitement des personnages, jamais envahissants, y est pour quelque chose, ainsi que sa solide expérience (devant ou derrière la caméra) du cinéma fantastique. Enfin, et histoire de rappeler qu’il s’agit bien d’un film de Joe Dante, impossible de garder sous silence la présence de deux habitués du réalisateur que l’on retrouve avec plaisir. Il y a déjà Bruce Dern dans le rôle de “Creepy Carl”, globalement inutile, mais qui a droit à tous les égards. Précédent propriétaire de la maison, il connait le sens de ce trou plein de ténèbres, mais il n’en dira rien. Creepy Carl est fou, et Dante en profite pour confier à son acteur un rôle d’allumé au sens littéral, puisque Carl vit au milieux de lampes censées combattre les ténèbres. C’est une petite folie visuelle que Dante s’est accordé au milieu d’un film finalement assez sobre. Mais sa plus grande folie n’est autre que Dick Miller, qui fronce les sourcils comme personne dans le costume d’un livreur de pizza octogénaire ! Un caméo muet digne des plus grands.

The Hole se suit donc sans difficulté, avec plaisir. Mais il convient tout de même de donner une explication raisonnable de ce trou menaçant sur lequel Dante insiste tant. Pas de grand mystère, puisque si l’on ajoute les éléments familiaux du début du film et les deux principaux monstres, la fillette fantôme et la poupée clown (mais aussi un autre élément, un détail préfigurant le monstre final) on devine aisément une somme de Ring et de Ça. Après tout, en construisant son histoire sur une peur primaire, celui des fantômes venus de la cave, Dante vendait déjà la mèche… Son postulat étant particulièrement adapté à un public d’enfants, il était logique que sa signification leur parle également en donnant vie à leurs peurs les plus profondes. Ce qui réduit grandement la portée de The Hole (d’autant qu’il n’y a rien d’original là dedans), mais ce n’est pas pour cela qu’il ne faut pas accorder au film l’estime qu’il mérite. Dante a souvent fait des films pour un public très jeune, et il est toujours parvenu à les rendre plaisant pour tout le monde. C’est aussi le cas ici, à cette différence près que l’on ne retrouve pas les étincelles et la profondeur de Les Banlieusards ou des Looney Tunes, pour ne citer que deux de ses faits d’armes. A vrai dire, sans bouder son plaisir, un amateur de Joe Dante aura presque l’impression que le film a surtout été conçu pour que le réalisateur se prouve à lui-même qu’il a toujours la main. Comme s’il fallait bien faire quelque chose en attendant un projet plus ambitieux.

Une réflexion sur “The Hole – Joe Dante

  • Le film The Hole est sorti à la même époque que Super 8 de J J Abraham, tourné en 2009, en 3D.

    Il devra patienter 4 ans dans les tiroirs du studio avant d’être exploité en vidéo, la 3D ne servant au final à rien.

    Spielberg adoube J.J. Abrams via sa boîte de production Amblin, alors que Joe Dante doit galérer pour trouver un projet et un financement pour ses films. Les échecs successifs de Small Soldier et les Looney Toons n’ont pas aidé.

    Mais c’est comme si une rupture entre les deux réalisateurs était consommée, auquel s’ajoute un sentiment de trahison avec J J Abraham, qui tourne lui aussi un film sur l’enfance, avec un monstre, mais qui apparait sage et scolaire là où Joe Dante savait se montrer grinçant et satirique tout en offrant un divertissement de qualité.

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