Les Banlieusards – Joe Dante
The Burbs. 1989Origine : États-Unis
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En façade, un film tout ce qu’il y a de plus gentil, avec -c’est dire- Tom Hanks au générique. L’histoire des loufoques habitants d’un quartier de la classe moyenne américaine, qui enquêtent pour découvrir l’identité des occupants d’une des maisons de leur rue. Une maison à l’aspect très “maison hantée” (la nuit venue d’étranges phénomènes y sont visibles de l’extérieur). Schéma-type d’un petit film sans grandes ambitions.
Oui mais voilà, c’est Joe Dante qui réalise. Bien entendu il va petit à petit plonger le quartier et ses habitants dans la folie douce. Ses personnages, tous en vacances, sont au départ légitimement attirés par l’étrange maison du voisin inconnu. De plus en plus cela va tourner à l’obsession. Ils vont vouloir à tout pris trouver ce qu’il s’y passe. Quitte à se faire des idées : ils imaginent que leurs voisins sont ainsi des psychopathes satanistes et cannibales. Ils vont en avoir la certitude et voudront prouver leur théorie, avec leurs moyens. Ils vont tous, en cette période de vacances (qui à l’origine devait être du chômage, ce qui aurait donné au film une dimension relativement autre) redevenir des vrais gosses. C’est à celui qui ira sonner à la porte sans avoir la trouille. C’est à celui qui osera parler au type louche qui est sorti de la maison. C’est à celui qui osera entrer… Un retour total en arrière pour la galerie de protagonistes : Tom Hanks, le respectable père de famille va être entraîné vers la régression infantile par ses voisins : un gros parano, un doux-dingue militaire, un ado pur souche (Corey Feldman, vu dans Gremlins). Quand aux autres habitants, il s’agit principalement des femmes. La femme du militaire est une bimbo écervelée, et la femme de Hanks va être le seul personnage mature du film. Elle va plus jouer le rôle de la mère du personnage de Hanks que sa femme. “Ne fais pas si”, “ne fait pas ça”, “tu te fais des idée ça n’existe pas”, et quasi jusqu’à “fais-moi un bécot”. De la folie douce… Quand au vieux ronchon du quartier, il va vite disparaître, ce qui va laisser croire à tout ce petit monde qu’il a été assassiné par le mystérieux voisin.
Tout un tas d’immatures irresponsables… Qu’il est bon de voir de tels personnages ! Pas une once de cynisme, un retour en enfance qui ne verse pas dans le neuneu (contrairement au sketch de Spielberg du film La Quatrième dimension, au sujet similaire quoique le retour en enfance est littéral), un côté bordelo-anarchique de sales gosses : les voisins vont finir par ne plus rien respecter des règles de société (ils vont aller jusqu’à arrêter les éboueurs -Dick Miller et Robert Picardo, pour fouiller leur camion en déversant les déchets dans la rue… et en refusant de les ramasser, ce qui fait que le tas de déchets va rester en plein milieu de la rue pendant tout le film !). Une véritable montée en puissance du côté sale gosse qui va exploser à la fin du film, avec l’intrusion dans la maison vide des voisins !
Parlons-en, de cette maison et de ces voisins soit-disant psychopathes. On se demande ce qu’ils sont. On voit bien que Hanks et sa bande sont des doux dingues (malgré leurs allures respectables – au passage critique du conformisme et des étiquettes sociales), mais qu’en est-il de leurs cibles ? Au départ, quand il y a encore un peu de bon sens dans le voisinage, on se dit qu’ils doivent effectivement être dérangés. Puis finalement on se dit que non, que l’on ne peut pas faire plus dérangé que la bande à Hanks. Un premier aperçu nous est dévoilé avec ce personnage sortant de la maison, un jeune rouquin à la pâleur maladive, au look et à l’attitude d’un zombie. Ensuite les voisins vont être reçus par l’occupant des lieux (enfin ceci à l’initiative de la femme de Hanks, qui voulait leur montrer qu’ils se faisaient tous des idées). Hormis le jeune zombie, il s’agit d’abord d’un vieil homme. Un vieux qui ne parle pas, au regard de sadique, qui engueule les gens, qui met très mal à l’aise. Et enfin, “le Docteur” (incarné par Henry Gibson, déjà vu chez Dante dans L’Aventure intérieure et Gremlins 2) . Le chef de cette famille. Le Docteur nous est amené comme un monstre : dans la vieille bâtisse poussiéreuse et sombre, le “Docteur” (avec les atrocités que peuvent suggérer ce nom) est à l’origine des bruits effrayants. Son ombre apparait. On le voit, c’est un vieil homme pâle, au visage inquiétant. Il serre la main de Hanks. Sa main est pleine d’un liquide rouge… Et pourtant tout ça sera balayé : il est serviable, invite tout le monde a prendre le café… Mais n’empêche qu’il reste louche, malgré ses allures quasi-aristocratiques.
En clair, tout ce qui touche à ces voisins “psychopathes” est profondément lié aux images classiques de l’épouvante. Maison délabrée, poussiéreuse. Bruits et lumières suspectes qui en émanent la nuit venue. Des gens qui creusent des trous dans le jardin. Habitants sombres et inquiétants menés par un personnage mystérieux aux apparences courtoises mais avec beaucoup de secrets… Grosse référence de Dante à l’univers de l’épouvante, l’univers qu’il aime, et qu’il incruste ici en plein milieu d’un quartier aisé. D’ailleurs en parlant de références, on signalera aussi des clins d’œil en pagaille : Il était une fois dans l’ouest (la musique employée quand les voisins vont sur le perron dans la maison hantée), Le Bon, la brute, le truand (jeu de montage sur les regards -avec regard du caniche inclus dedans-), La Pluie du diable, Massacre à la tronçonneuse 2, L’Exorciste (des films que le personnage de Hanks regarde à un moment, avant de faire un rêve les remettant tous en scène), et, surtout, le Fenêtre sur cour d’Hitchcock auquel The Burbs emprunte son sujet. Des clins d’œil non gratuits, puisqu’ils fonctionnent en tant qu’éléments comiques. Encore un énorme hommage au cinéma qu’affectionne Dante.
Puis vient le dénouement, qui intervient après de nombreuses fausses pistes. Un dénouement imposé par la production, duquel Dante n’est pas satisfait, le jugeant trop terre-à-terre par rapport au reste du film. Si il est vrai qu’il reste assez prévisible dans un film qui jusqu’alors avait fait la part belle à la folie (et donc à l’imprévisible) et qui s’était bien gardé de juger ses personnages, il ne viendra pas ternir la bonne humeur véhiculée par l’ensemble.
Bref un film mettant en avant des adultes non responsable revenus en enfance. Un film transposant un élément du fantastique le plus classique en plein milieu de notre société matérialiste. Un film volontiers anarchique et bordélique. Un film illustrant le non-conformisme social. Un film se permettant d’introduire en toute harmonie des scènes comme le jet de vomi de L’Exorciste ou le découpage de mur à la tronçonneuse de Massacre à la Tronçonneuse 2. Et pourtant à la base un film prévu et calibré pour être un divertissement familial quelconque. Mais Joe Dante est passé par là, et a encore livré un film subversif, cinéphile et irrévérencieux. Bien sûr quelques défauts subsistent (la folie aurait pu être poussée un peu plus loin, par exemple), mais devant une œuvre d’une telle décomplexion, il ne serait pas de bon ton que de s’y attarder.
Ce film me fait penser à Fright Night, ou Vampire, vous avez dit Vampire ?, on retrouve des personnes aux allures pas claires qui emménagent dans un quartier où tout le monde se connait, la curiosité laissant place à une paranoia à l’encontre de ces nouveaux voisins.
Pour l’anecdocte, après l’accident catastrophique sur le film Twilight Zone, tuant l’acteur Vic Morrow et deux enfants, non syndiqués donc travaillant illégalement. Spielberg a changé d’épisode, à la base il devait tourner les monstres de Maple Streep ou comment un quartier pavillonnaire se retrouve isolé n’ayant plus d’électricité, ni téléphone, et se mettant à accuser les dernier arrivants, plus dans le ton de la série que le truc niais qu’il a réalisé.