CinémaComédieHorreurSérie TV

Masters of Horror 1-06 : Vote ou crève – Joe Dante

mastersofhorror

Masters of Horror. Saison 1, épisode 06
Homecoming. 2005

Origine : États-Unis
Genre : Comédie / Horreur
Réalisation : Joe Dante
Avec : Jon Tenney, Thea Gill, Robert Picardo, Wanda Cannon…

Étrange événement en Amérique : les soldats morts en Irak sortent de leurs tombes… Pour quoi faire ? Et bien nous sommes en période électorale, et il ne reviennent que pour votre contre l’administration qui les a envoyé à la mort. La presse et l’entourage du Président vont hésiter quand à la position à adopter face à cet imprévu phénomène…

Depuis les années 90, Joe Dante se radicalise : Small Soldiers, La Seconde guerre de Sécession, et donc Homecoming, dans lequel il s’attarde sur la critique de l’administration George W. Bush. Non pas uniquement sur ce qu’elle a fait et continue à faire en Irak, mais sur ses méthodes de fonctionnement en général, un peu comme l’avait fait Michael Moore dans Farenheit 9/11. Si ce n’est que le propos n’est pas ici de démontrer scientifiquement et preuves à l’appui l’existence des coulisses corrompues de ce pouvoir : il s’agit de les ridiculiser. A l’instar de ce qu’il avait fait dans La Seconde guerre de Sécession, Dante s’attarde sur de nombreuses choses : le lien entre sexe et pouvoir (à la Dr. Folamour), les relations entre la politique et la presse, et surtout la nature des hommes politiques et l’image véhiculée en public, opposée aux réflexions en privé. Cette fois, et c’est une autre différence par rapport au film de Michael Moore, son intrigue n’est pas focalisée autour du personnage du Président, mais autour d’un de ses conseiller électoraux et d’une journaliste à sa botte. Une manière de représenter toute une administration plutôt qu’un seul homme, le Président, peut-être trop bête ou trop déconnecté des réalités pour diriger. Au-delà de l’administration, c’est même toute une clique présidentielle qui est évoquée, puisqu’après tout la journaliste est plus militante que reporter.

Des relations entre sexe et pouvoir, on retient avant tout l’arrivisme de la journaliste républicaine (la “BSH BABE”, comme le dit la plaque minéralogique de sa voiture). Et pas un simple arrivisme “je couche pour réussir”, mais davantage un arrivisme du type “je suis une vraie traînée pour réussir”, qui porte rudement bien ses fruits. Preuve en est la scène sado-masochiste, qui en dit très très long déjà sur la journaliste en elle-même, mais aussi sur le conseiller électoral, dont la perversion s’affiche déjà dans un jeu sexuel de domination qui est à mettre en relation avec un autre jeu de domination, cette fois-ci sur la scène politique : le peuple dominé face aux politiciens dominants. Mais cela ne s’arrête pas là, et lier une journaliste et un conseiller n’est pas fortuit : les relations entre la politique et la presse sont tellement étroites qu’on n’aurait pas pu les illustrer de meilleure façon qu’avec un rapport sexuel. L’actualité, y compris en France (avec les journalistes femmes de ministres ou de candidats), démontre que Dante vise on ne peut plus juste. C’est que la presse est la clef de n’importe quelle élection, et qu’il convient de la choyer. Le réalisateur met d’ailleurs ici l’accent sur la presse télévisée, jugée préférable à la presse écrite car la télévision permet avant tout de présenter une image et non des idées. Du reste, si les soldats morts reviennent sur terre, ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de place en enfer, mais c’est parce que le conseiller a déclaré, dans un grand élan démagogique et hypocrite, que son voeu le plus cher était que le fils décédé d’une mère de famille éplorée revienne. On peut ici voir toute la puissance des images, thème assez cher à Dante, qu’il avait déjà exposé en grande partie -ainsi que sa méfiance- dès 1985 dans Explorers ou même dans Gremlins, dans lequel Gizmo s’inspire des images qu’il parvient à voir.

La presse est également clairement décrite comme affiliée au mouvement politique toujours au travers de la journaliste, qui n’hésite pas, tout comme par ailleurs l’Eglise, présentée comme affiliée aux républicains, à retourner complétement et grossièrement sa veste au gré des événements et des stratégies électorales. Mais Dante évite la généralisation grâce au présentateur de l’émission télévisée vedette, qui adopte davantage le point de vue du public, ses interrogations, sans non plus trop pousser les invités dans leurs retranchements. A vrai dire ils s’y pousseront eux-mêmes, déjà en comprenant tout à fait de travers la signification du retour des soldats morts. Après les avoir considérés comme des êtres venant affirmer que leur mort ne fut pas inutile, ils vont se rendre compte que la réalité est toute autre. Retournement de situation qui permet à Dante de s’attarder sur le processus du retournement de veste à l’origine de celui de la presse et de l’Eglise mentionné plus haut. Et là, c’est le cynisme incroyable qui frappe. Cynisme dans le défaut d’humanisme, déjà. Lors de la découverte des zombies, les premiers tests scientifiques nous présentent le personnage de Robert Picardo en train d’humilier le zombie d’un soldat mort à la guerre. Véritable parodie (et très drôle) du Johnny de Johnny s’en va-t-en guerre, cette scène illustre bien ce qu’il en est rééllement de l’égard porté aux soldats “morts pour la patrie”. Cynisme encore dans le traitement à réserver aux zombies, une fois ceux-ci considérés comme dissidents : ils seront enfermés dans des camps… Cynisme aussi dans ce que le personnage du conseiller évoque de lui-même : la perte de son frère au Viet-Nam (la réalité de ce fait se révèlera toute autre). Cynisme enfin dans la gestion des votes, où la référence aux élections de 2000 et aux manipulations en Floride est ici non seulement textuellement mentionnée, mais aussi réutilisée et amplifiée (dans un but satirique évident). Bref, les idéaux sont très très loin, et même inexistants. Seuls comptent le pouvoir et les élections, et l’arrivée des zombies n’est que l’élément inhabituel permettant à Dante de placer l’administration face à ses propres défauts (euphémisme).

Est-ce pour autant un film pro-démocrate ? Non. Pas plus que Dante ne rajoute de sympathie dans les rares portraits qu’il brosse des opposants civils. Les démocrates ne sont jamais mentionnés, tout juste a-t-on une fois droit au terme “libéral” (aux Etats-Unis, le mot n’a pas la même signification qu’en France et se réfère davantage ). Ne pas parler d’eux évite également de les présenter en sauveurs. Quant à ce qui est des opposants civils, il n’y a qu’une scène où ils interviennent activement, lorsqu’un zombie se promenant sous la pluie est abrité chez un couple de restaurateurs noirs. Là, le second degré de Dante est plus que jamais à prendre en compte, tout comme dans la dernière scène, que j’éviterai de mentionner pour ne pas gâcher le plaisir. Un second degré présent tout au long du récit, mais qu’on ne peut rééllement percevoir que lorsque les personnages républicains ne sont pas à l’écran. Ces scènes sont avant tout axées sur les zombies, et Dante montre qu’il a parfaitement conscience de l’énormité qu’il est en train de filmer : il s’agit tout de même de zombies qui reviennent pour voter ! Donc, dans les scènes mentionnées plus haut, celle des restaurateurs et celle de fin (cette dernière étant la conséquence ironique du jusqu’au boutisme cynique des républicains), il se livre à des séquences pouvant paraître excessives dans leur contraste avec le cynisme affiché par les autres personnages jusqu’alors… Au restaurant, il appuie sur le côté généreux des opposants politiques : ambiance chaleureuse, avec couverture sur les épaules, chien qui se tient au pieds du pauvre malheureux zombie ruisselant d’eau… Dante se sert de l’absurdité de la situation pour donner une image pathétique du soldat mort, un peu comme ce qu’il avait fait vingt ans auparavant avec le speech de Phoebe Cates dans Gremlins, qui lui aussi faisait preuve d’un très grand humour noir. Une tonalité assez difficile à obtenir, très subtile, mais que le réalisateur réussit pleinement. Même chose pour la fin du film, où Dante joue cette fois sur les codes non plus du mièvre mais sur ceux de l’imagerie traditionnelle du patriotisme (les grands hommes du pays sur fond de drapeau américain). Dans une moindre mesure, les scènes au bureau de vote relèvent du même procédé, et Dante se base là sur l’incongruité de la présence des zombies dans un lieu on ne peut plus officiel.

Si le propos du film est vraiment très rattaché aux idées gauchistes que Dante avait véhiculées jusque là dans sa filmographie, le traitement est en revanche plus original. Ici, pas de rythme frénétique et cartoonesque, mais une lenteur héritée du rythme des zombies, très lents, comme ceux de Romero. Un Romero auquel il est rendu hommage dans plusieurs scènes, déjà parce que son nom figure (comme celui de Jacques Tourneur) sur l’une des tombes dans le cimetière, mais aussi dans une autre scène, toujours dans un cimetière, où les personnages peu après leur arrivée en voiture vont remarquer un zombie tout près d’eux (écho direct à la première scène de La Nuit des morts-vivants). Dante n’oublie donc pas d’évoquer comme d’habitude ses références, même si ceci est nettement moins poussé qu’à l’accoutumée. D’ailleurs, seule chose à déplorer : l’absence de plusieurs membres importants de la famille Dante : Dick Miller, Kevin McCarthy, le chef opérateur John Hora, et quelques autres… Leur absence ne retire cependant rien aux qualités de ce film lucide et très engagé.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.