CinémaScience-Fiction

Explorers – Joe Dante

explorers

Explorers. 1985

Origine : États-Unis
Genre : Science-fiction
Réalisation : Joe Dante
Avec : Ethan Hawke, River Phoenix, Jason Presson, Robert Picardo…

Ben Crandall (Ethan Hawke) est un jeune adolescent fasciné par la science-fiction des années 50. Avec ses amis Wolfgang (River Phoenix), un scientifique en herbe, et Darren (Jason Presson), un rebelle capable de fournir du matériel, et guidé par de mystérieux rêves lui indiquant la marche à suivre, il décide de construire une navette capable de l’amener lui et ses amis dans l’espace, pour éventuellement y rencontrer des extra-terrestres…

Suite au carton de Gremlins, Joe Dante est devenu un potentiel golden-boy, un éventuel futur Steven Spielberg sur le bureau duquel les projets affluent. Parmi eux, un Batman proposé par la Warner qui ne se fera pas. C’est finalement la Paramount qui parvient à enrôler le réalisateur afin de mettre en scène Explorers. Un film d’enfants et d’extra-terrestres a priori parfait pour Joe Dante. C’était sans compter sur la malchance : Jeffrey Katzenberg, le cadre de la Paramount ayant engagé Dante, quitte le studio pour aller travailler chez Disney, le film échouant entre les mains de nouveaux producteurs n’ayant qu’une idée en tête : faire du film le blockbuster de l’été 1985. Ce qui obligea donc Dante a accélerer la conception du film pour assurer des délais déjà serrés au départ. Le réalisateur dû donc faire l’impasse sur beaucoup de choses, et le montage trancha radicalement avec ce que souhaitait le cinéaste au départ. Et à vrai dire, cela s’en ressent : beaucoup de pistes sont ainsi amorcées sans qu’elles ne soient développées comme il aurait fallu. Signalons par exemple les relations familiales entre Ben et ses parents, celles entre Darren et les siens, l’amourette naissante entre Ben et une fille de sa classe, ou encore les problèmes rencontrés par les trois héros avec la brute épaisse de service. Des choses censées justifier la volonté de quitter la Terre pour cause de vie trop ardue, trop loin des idéaux imaginatifs. En l’état, ne subsiste donc que l’attrait brut pour la science-fiction et donc en prolongement pour la découverte de l’espace, élément qui caractérise surtout Ben, qui dès la première scène du film regarde de la vieille science-fiction (à savoir La Guerre des mondes de Byron Haskin, 1953) dans une chambre où trône de nombreux objets relatifs au genre. Le personnage de Darren perd quand à lui beaucoup de son essence, lui qui au départ devait être un gamin battu en passe de devenir un James Dean junior et qui n’est donc plus qu’un gamin des rues un peu débraillé. Wolfgang s’en sort un peu mieux : c’est le fils d’une famille allemande immigrée, dominée par un père, gentil savant fou de profession. Ce qui explique donc son intérêt pour la science et l’informatique. Ces personnages ne sont pas les seuls à avoir vu leur développement passer à la trappe, puisqu’un adulte devait prendre une importance autrement significative : le personnage de pilote d’hélicoptère joué par l’immense Dick Miller devait être l’écho du personnage de Ben, un homme déjà âgé, fasciné par la science-fiction et qui contrairement au héros du film n’a jamais pu accomplir son rêve d’explorer l’espace (il ne s’élevera jamais au-delà du ciel terrestre, dont il est chargé d’assurer la garde). A l’origine, il devait ainsi être relativement plus important, finissant par trahir son poste pour aider les gamins à réaliser leur expédition. Ne subsiste au final plus que Dick Miller regardant la capsule des gamins s’envoler vers l’espace d’un air à la fois résigné et joyeux pour les gosses. Toutefois, bien que réduite à son strict minimum, l’idée demeure, tout comme les autres ayant dû être abandonnées. Le film est plus léger, plus simple, et du reste Dante déplore encore le rythme assez lent de cette première partie, lui qui aurait voulu faire un film davantage onirique, ressemblant davantage à du Peter Weir, pour reprendre ses propres termes.

Nous avons donc nos trois gamins construisant leur capsule en se basant sur les étranges rêves de Ben (qui plus tard seront également ceux des deux autres), et l’expérimentant une dernière fois dans une scène rendant hommage à d’autres vieux films de SF lorsque l’expédition passera devant un écran de drive-in et devant un film à la Starcrash (Luigi Cozzi) dans lequel les personnages semblent cesser de jouer pour regarder passer le “Born in America” (le nom de la capsule). Dante et ses jeunes acteurs parviennent tout de même à faire ressentir l’attraction qu’exerce l’espace à travers cette abnégation affichée par les gamins dans un projet qu’ils ne maîtrisent pas tout à fait, ce qui sera à l’origine de plusieurs tentatives infructueuses mais riches en aventures. C’est qu’en réalité, ils ne maîtrisent que la conception et non la direction du “Born in America” : celui-ci est en réalité piloté par des extra-terrestres désireux de rencontrer des humains. Cette rencontre constituera la deuxième partie du film, de loin la plus interessante et la plus riche (maudissons encore la Paramount pour la mutilation que dû perpétrer Dante envers son propre film).

Ben, Wolfgang et Darren débarquent ainsi dans un vaisseau spatial étrange, très typé cartoon. Le rythme lent s’arrête là, et la tonalité onirique explose devant l’étrangeté de tout ce qui nous est présenté. Les éclairages sont multicolores, les robots rencontrés sont très bizarres et franchement inspirés par la vieille science-fiction qu’affectionne tant Joe Dante : ainsi, nous verrons une araignée métallique géante s’approcher des trois explorateurs en herbe pour les examiner avec un gadget constituant l’exact opposé de la menace représentée par l’arachnide en acier. On ne sait dès lors franchement plus à quoi s’attendre, et la “rencontre du troisième type” sera totalement surréaliste. Les extra-terrestres n’ont rien de ce que l’on pouvait imaginer. Ils sont indescriptibles, biscornus (saluons le travail de Rob Bottin, ils évoquent vaguement les créature de dessins animés apparaissant dans l’excellent segment de Dante pour La Quatrième Dimension, le film. Wak et Neek, tels sont leur nom. Un garçon et une fille qui ont grandi en regardant la télévision Terrienne, et qui sont les produits de cette télévision. Neek est inspirée par les comédies sentimentales, tandis que son frère Wak est beaucoup plus hétéroclyte : il parle à la manière des hommes politiques qu’il a vu à la télévision (en VF : De Gaulle, Marchais, Mitterrand…), des présentateurs de jeu télévisés, de speakerines, mais aussi des personnages principaux de films tels que ceux auxquels sont habitués Ben et ses amis. L’ensemble est très drôle, très exubérant, visuellement hors-norme et la prestation de Robert Picardo dans le costume de Wak est magistrale : il donne vie à cette caricature d’extra-terrestre, qui n’est que la propre caricature de Ben. Avec une telle créature, le gamin se voit ainsi renvoyé en pleine tête toute ses éspérances d’en apprendre plus sur l’espace intersidéral, et il ne voit en réalité qu’une parodie de lui-même et de sa passion dévorante pour l’espace. Il voit les effets de la boulimie d’images et des rêveries qu’elles inspirent, il voit l’image renvoyée de la Terre par les programmes télévisés et cinématographiques : une image totalement faussée de la réalité. Ben n’en apprendra pas plus sur les extra-terrestres et sur la vie dans l’espace, pas plus que Wak, l’alter-ego de Ben, n’en apprendra plus sur la Terre et ses habitants. Tout deux sont déçus de la réalité, et Dante semble ainsi dire que les rêves se doivent parfois de rester des rêves. De l’aveu même du réalisateur, il s’agit là d’un concept totalement anti-spielbergien : chez Spielberg, dans un films tel que Rencontres du troisième type, la connaissance est au bout d’un rêve. Dante, sous le couvert d’un spectacle familial cartoonesque très efficace, se révèle assez lucide et amer, s’inspirant de ses propres expériences d’ex-gamin fasciné par les mystères de l’espace nés de son penchant pour la science-fiction. Il ne crache cependant jamais sur l’oeuvre de son ami Spielberg, et c’est pour cela qu’il se limite toujours à sa propre expérience (le film est très personnel), à son propre créneau : la science-fiction vieille école, qui justifie aussi tout le style visuel du film. Toujours dans l’optique de garder en permanence un certain aspect onirique, il ne ferme pas tout à fait la porte au rêve : la fin du film continue dans le surréalisme et, bien qu’elle fut elle aussi radicalement modifiée sous la pression des producteurs, elle continue à prolonger l’espoir, notamment à travers une parodie de 2001, l’odyssée de l’espace

Explorers est un film très étrange. Lent, parfois bancal, parfois génial (la dernière partie, très audacieuse et très courageuse, relève du chef d’oeuvre), c’est en tout cas un film qui ne dépareille pas dans la filmographie d’un Joe Dante, qui, quelques années avant Panic sur Florida Beach, réfléchissait déjà sur sa cinéphilie et sur sa propre enfance (du reste il ne cache pas que Ben est son équivalent). Un film à part des productions de science-fiction de l’époque, duquel pourtant le réalisateur n’est pas franchement content…

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