Histoires fantastiques 1-19 : Miroir, miroir – Martin Scorsese
Amazing Stories. Saison 1, épisode 19
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Jordan Manmoth est un écrivain à succès spécialisé dans les romans horrifiques. Son grand plaisir réside dans la contemplation des mines révulsées d’un auditoire un peu trop sensible aux visions d’horreur, alors que lui prétend n’avoir peur de rien. Or, une nuit, de retour d’une émission télévisée présentée par Dick Cavett, il commence à apercevoir dans chaque surface réfléchissante, le reflet d’une sorte de monstre qui menace de l’étrangler. A chaque vision, son agresseur fantomatique semble se rapprocher, mais dès que Jordan se retourne, il n’y a personne. Constamment sur les nerfs, Jordan expérimente à son corps défendant ce qu’est réellement la peur…
A l’époque où Martin Scorsese accepte de participer à la série télévisée de Steven Spielberg, il se trouve à un moment de sa carrière empreint de plus de légèreté, sorte de sas de décompression entre le multi récompensé Raging Bull (1980) et le projet qu’il mûrit de longue date, La Dernière tentation du Christ(1988). En l’espace de deux films –La Valse des pantins (1983) et surtout After Hours (1985)– le cinéaste s’est essayé à la comédie avec une belle vitalité. Un comique certes teinté de gravité voire de noirceur, mais grâce auquel il a pu montrer une autre facette de sa personnalité. En un sens, cet épisode des Amazing Stories participe de ses expérimentations puisque pour la première fois, Martin Scorsese se confronte au fantastique.
Miroir, miroir se présente sous la forme d’un conte cruel et moralisateur visant à punir le personnage principal par là où il a pêché. Fort de son succès, Jordan se délecte à susciter l’effroi par ses écrits, et encore plus à provoquer des levées de boucliers par sa complaisance à décrire l’innommable. Face au présentateur vedette Dick Cavett, qui daube allégrement l’extrait d’un film inspiré des écrits de l’écrivain (en réalité, une scène tirée de L’Invasion des morts-vivants de John Gilling) considérant les films d’horreur récents comme étant particulièrement écœurants, l’écrivain défend vaillamment son gagne-pain, non sans un certain cynisme. Après tout, ses livres auraient pu être plus choquants encore, pour peu qu’il eût joint à l’horreur quelques scènes de sexe bien senties. A l’aise sous le feu des projecteurs, Jordan cache en réalité une personnalité plus tourmentée, considérant son incapacité à avoir peur comme un manque, et avouant être davantage effrayé par les vivants que par les morts. En réalité, une fois sorti de ses obligations professionnelles, il se renferme et s’enferme dans son immense demeure d’un blanc immaculé, sorte de mausolée dans lequel seuls une poignée d’élus peuvent pénétrer (sa petite amie, une équipe de journalistes chargée de dresser un portrait à sa gloire). Face à l’imprévu relatif à la présence inopportune d’un fan un peu trop collant, il perd son calme, réagissant de façon excessive. Loin d’être anodin, ce micro événement explique en partie ce qui va suivre. A force de cacher en permanence son véritable moi, celui-ci va s’imposer à lui. Désormais, à chaque fois qu’il se regarde dans un miroir, c’est son mauvais fond qui apparaît sous la forme d’un monstrueux agresseur. La métaphore est limpide : à force de compromissions et d’un certain mépris affiché envers autrui, il ne parvient plus à se regarder dans un miroir sans détourner les yeux. Affronter son propre reflet lui devient alors insupportable. Et comble de l’ironie, c’est l’image d’un homme affaibli par la peur que lui renvoie le regard compatissant de sa petite amie qui lui fera définitivement franchir la frontière ténue existant entre monstruosité et normalité.
Pas désagréable à suivre, Miroir, miroir donne néanmoins une piètre image des chantres de l’horreur. Comme si pour pondre des récits horrifiques, il fallait être un monstre soi-même. Un constat à relativiser cependant par la courte durée de l’épisode qui ne permet que d’esquisser la figure de l’écrivain, se devant d’entrer rapidement dans le vif du sujet. En revanche, une chose est certaine, à aucun moment Martin Scorsese ne parvient à susciter l’effroi, la faute à un procédé trop répétitif qui en annihile toute efficacité.