CinémaHorreur

Vœux sanglants – Larry Stewart

The Initiation. 1984

Origine : États-Unis
Genre : Slasher
Réalisation : Larry Stewart
Avec : Daphne Zuniga, James Read, Vera Miles, Clu Gulager…

A l’âge de 9 ans, Kelly Fairchild fut victime d’un regrettable accident qui lui fit oublier tout ce qu’elle avait pu vivre jusque-là. Depuis, elle est hantée par un cauchemar dans lequel son père et sa mère en plein ébat sont dérangés par un inconnu surgi de nulle part et qui après une brève bagarre finit dans les flammes de la cheminée. Ce n’est donc pas le hasard ni même les beaux yeux de son jeune professeur Peter Adams qui a conduit Kelly à choisir l’analyse des rêves comme objet d’étude à l’université : elle compte bien disséquer ce rêve qui ne la quitte pas. Mais enfin, ce n’est pas tout, car qui dit étudiante, dit aussi vie d’étudiante. Tradition bourgeoise oblige, en bonne fifille d’un propriétaire de centre commercial, Kelly opte pour la sororité ! Son bizutage est pour très bientôt : il consistera à s’introduire de nuit avec les autres novices dans les locaux de papa, et de n’en repartir qu’avec l’uniforme du gardien sous le bras. Une blague potache mais qui promet d’être dramatique, et pas uniquement parce que la cheffe de la sororité leur réserve des surprises. C’est qu’un mystérieux grand brûlé qui végétait dans un asile vient de s’évader, et qu’il s’invite à la fête !

Est-ce qu’en 1984 le genre slasher avait encore des choses à proposer ? Assurément oui, encore qu’usure aidant, il devenait assez difficile de continuer à jouer sur la corde du frisson comme le firent Black Christmas ou Halloween en leur temps. Faisant comme bien d’autres sous-genres de l’horreur au même moment, et sur le modèle de Jason Voorhees, le slasher se mit alors à glisser vers plus d’humour et vers un style plus bourrin. Cela culminerait à la fin de la décennie, jusqu’à ce que la mode soit remisée au placard pour une dizaine d’années. La transition entre ces deux extrêmes ne s’est toutefois pas faite brutalement : le slasher a mué, et pas forcément toujours très harmonieusement. Vœux sanglants se pose pile-poil dans dans cette mutation. Commandé par un producteur indépendant, il fut d’abord confié aux bons soins de Peter Crane, un britannique très tôt éjecté manu militari, en raison semble-t-il d’une tendance trop prononcée à vouloir faire dans le sophistiqué. Il ira donc appliquer sa sophistication ailleurs, par exemple dans des épisodes de K2000, de Arabesque ou de Rick Hunter (à sa décharge, il semble avoir fait preuve d’un peu plus d’ambition dans les quelques productions dont il s’est chargé). Pour le remplacer, rien de moins que Larry Stewart, à qui l’on doit des épisodes de Super Jaimie, de L’Incroyable Hulk et, lui aussi, de Rick Hunter. Et tout ceci sur un scénario de Charles Pratt Jr., à l’entame d’une carrière qui le verrait écrire pour Santa Barbara, pour Melrose Place, pour Hôpital central et pour Les Feux de l’amour (sur laquelle il fut même “chef scénariste”). Bref, de bien beaux pedigrees derrière la caméra. Devant, en revanche, outre une Daphne Zuniga qui retrouverait son scénariste dans Melrose Place, Clu Gulager vient amorcer l’orientation horrifique donnée à sa carrière tandis que Vera Miles continue à courir après le rôle de sa vie, celui de Lila Crane dans le Psychose de Hitchcock, en jouant à la mère d’une famille au secret bien gardé.

Car oui, aussi saugrenu que cela puisse paraître, Vœux sanglants joue énormément la carte du secret. Plus de la moitié du film est dévolu à celui-ci, ou plus exactement aux tourments nocturnes dont souffre son héroïne Kelly. Références freudiennes à l’appui, son professeur Peter Adams est bien décidé à décrypter ce cauchemar qui a tout pour le séduire : l’enfance, l’amnésie (ou le refoulé ?), la symbolique du miroir, le sexe, la violence… Après avoir ouvert son film sur le rêve lui-même (avec la vision floutée qui va bien), le réalisateur ne lésine pas sur la psychanalyse ou du moins sur ses oripeaux : Adams a son propre labo doté de la technologie dernier cri, et dispose d’une assistante qui si je ne m’abuse n’a pas mis un pied en dehors dudit labo de tout le film. Et comme cela ne suffit pas, il en rajoute encore une couche en plaçant des dialogues ambigus dans la bouche des parents de Kelly (Miles et Gulager). Tout ça pour quoi ? Certainement pas pour embrouiller le film comme le faisaient les gialli italiens il y a peu, puisant des éléments stylistiques dans ces secrets alambiqués auxquels on ne donnait finalement guère d’importance. Ce pataquès freudien est tout simplement là pour meubler en faisant croire que Vœux sanglants parle de quelque chose. Le procédé est extrêmement maladroit : plutôt que d’y aller par étapes, le réalisateur fonce bille en tête alors que le fameux secret est éculé dès les premières minutes. L’excuse de l’amnésie, les conversations des parents (qui sont au passage profondément antipathiques), mais aussi ce fou au visage brûlé échappé de l’asile… Il ne faut pas être doctorant en psychanalyse pour voir vers quoi tout cela nous mène. La seule interrogation n’est pas de savoir d’où provient ce rêve, mais plutôt de savoir pourquoi le tueur se lance sur les traces de Kelly. Et même là, on flaire très rapidement l’arnaque : alors que l’on sait que le grand brûlé s’est évadé, le réalisateur maintient pourtant son tueur dans l’ombre sans jamais montrer son visage. Sa mise en scène laisse donc entendre qu’il y aura une surprise de dernière minute, et il répond à nos attentes avec un rebondissement pour le moins saugrenu. Tout ça pour ça ! Toute la pseudo profondeur de Vœux sanglants est un ratage complet et rend le film plus crétin encore qu’il ne l’aurait été s’il n’avait pas cherché à être autre chose qu’un slasher bien senti. Ce qu’il aurait d’ailleurs très bien pu être, puisque ces bêtises psychanalytiques sont entrecoupées par la vie toute en cancans et en nichons de la sororité (mention spéciale au costume de bite au bal costumé). Déjà qu’elles n’étaient pas bien finaudes, cela ne les aide pas beaucoup.

Mais bon, heureusement, le volet “bizutage” arrive, et avec lui le compteur de victime se débloque enfin pour de bon. Il était temps ! C’est l’occasion de retrouver la base de tout slasher. Commençons donc par le cadre : déjà, celui pas follement original de la sororité (qui a été ou sera employé dans Sorority Row ou dans les Sorority House Massacre, sans parler de tous les films qui se passent en résidences étudiantes). Comme dit plus haut, elle sert avant tout à dénuder un peu les actrices et à fournir quelques énergumènes destinées à être envoyées ad patres lorsque le moment sera venu. Quand il vient, l’intrigue déménage donc dans un vaste centre commercial à l’américaine, avec sa grande place centrale, ses larges allées et ses boutiques en tous genres. Comme George Romero l’avait démontré dans Zombie, ce genre d’endroit peut s’avérer aussi cinégénique que pratique. Cinégénique parce que ces vastes temples de la consommation une fois désertés sont propices à l’angoisse : les longs et larges couloirs vides, les magasins, les locaux d’entretien, la pénombre, sont autant de cachettes dans lesquelles la menace peut se dissimuler. Ça, au moins, Vœux sanglants l’a compris. Là encore, il n’a pas été le seul : le rigolo Sorority Babes in the Slimeball Bowl-O-Rama s’y logera également, de même que le tout aussi rigolo Shopping ou encore le soporifique La Prochaine victime. Pratiques, les centres commerciaux mettent aussi à disposition tout et n’importe quoi à destination du tueur, de ses proies et même du réalisateur. Le premier peut y trouver une large variété d’armes létales, les seconds des lits pour forniquer complaisamment et le troisième de quoi faire de belles images (un magasin de lampes, des mannequins, des poupées inquiétantes). Sans que l’on ne puisse lui reprocher, Larry Stewart se jette sur toutes ces possibilités qu’il accompagne d’une mise en scène faisant la part belle aux visions subjectives et à la profondeur de champ dans les allées vides. Et, puisqu’il se sent de s’accrocher à tous les poncifs disponibles, il n’hésite pas non plus à calibrer ses personnages. Pas un ne sort du lot ! Pas même Kelly, qui pour intriguée qu’elle soit par son rêve récurrent, incarne l’héroïne dans toute sa gloire : ni dévergondée ni coincée, réactive et battante. L’image type de la femme idéale à même de séduire le spectateur lambda. A côté d’elle, nous avons la blondasse de service qui était censée appâter le gardien s’il n’avait pas déjà été mort (son sujet d’étude à elle ? La nymphomanie !), la donzelle manquant de confiance en elle (et qui en pleine soirée arrosée vient plomber l’ambiance en racontant comment elle s’est faite violée à 12 ans… ceci afin de faire taire les rumeurs sur sa virginité), les deux blagueurs patentés adeptes des masques horrifiques (dont l’un ira réconforter la donzelle sans confiance), et bien sûr la super vilaine qui ne fait rien qu’à échafauder des crasses. Notons qu’il y aurait dû y avoir une fille en plus, mais celle-ci, prise d’un accès de lucidité ou engagée sur un tournage plus gratifiant, a tourné les talons avant d’entrer dans le centre commercial, non sans dénoncer ces puérilités. Ne serait-ce pas elle, la véritable héroïne ?

Ou bien si ce n’est elle, ce peut être le tueur, quel qu’il soit. Vœux sanglants entre dans cette catégorie de slashers dont les personnages sont tellement horripilants que l’on doit bien admettre un certain plaisir à les voir quitter la scène. Mais encore faut-il que leurs sorties en vaille la peine ! Le bourreau du jour ne peut déjà pas compter sur son charisme : puisque son identité reste secrète jusque dans les dernières minutes, il n’a pas à se mettre en scène comme le fit Jason Vorhees après avoir tâtonné sur son look définitif. On ne peut pas plus compter sur sa psychologie : l’histoire psychanalytique est bien trop ratée pour que l’on puisse le prendre au sérieux comme Michael Myers. Reste donc son inventivité dans le crime. A ce niveau, on a vu pire : l’ennemi de Kelly use de la hache, de l’arc, de l’arme blanche… Sans emphase sur le gore et dans une mise en scène mille fois vue, mais avec une régularité qui doit beaucoup au fait que le slasher ne commence véritablement qu’avec du retard. Le massacre est donc concentré au lieu d’être dilué. Ce qui fait que la partie la plus appréciable du film est condensée en quelques dizaines de minutes précédant une conclusion foireuse mais qui a le mérite d’être brève et -par sa débilité- plutôt amusante. Tous les cadavres jusque là dissimulés refont théâtralement surface et la véritable identité du “boogeyman” est révélée non sans une certaine hystérie. L’impression est donc plutôt positive dans le final, mais sans que l’on ne puisse hisser le film au même niveau que ses meilleurs rivaux (le Carnage de Tony Maylam étant probablement le plus méritant des slashers méconnus). On ne saurait en outre l’excuser pour cette bien trop longue et débile entame témoignant d’une ambition mal assumée. Ni bourrin, ni sérieux, Vœux sanglants erre entre deux eaux et ne pioche que quelques qualités dans les deux, enterrées sous des lacunes grossières.

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