CinémaComédie

Un prince à New York – John Landis

princeanewyork

Coming to America. 1988

Origine : États-Unis 
Genre : Comédie 
Réalisation : John Landis 
Avec : Eddie Murphy, Shari Headley, Arsenio Hall, James Earl Jones…

Akeem (Eddie Murphy), Prince du Royaume de Zamunda, a été élevé selon les traditions royales de son pays, c’est à dire avec une ribambelle de serviteurs faisant plus qu’être à ses petits soins. Ils le lavent, ils lui brossent les dents, et ils lui torchent même le cul. Déjà lassé par toute ces attentions, il finit par s’opposer catégoriquement à une autre coutume, celle du mariage arrangé avec une jeune noble élevée pour répondre à tous ses désirs. Moderne, Akeem souhaite qu’on l’aime pour ce qu’il est et non pour sa richesse. C’est pourquoi il s’organise un voyage aux Etats-Unis, au Queens, quartier pauvre de New York, où il espère bien trouver chaussure à son pied en taisant ses véritables origines sociales. Accompagné de son serviteur Semmi (Arsenio Hall), il ne tarde pas à se trouver un emploi dans un fast food et à tomber amoureux de Lisa (Shari Headley), la fille du patron, qu’il devra arracher à son riche fiancé avant de convaincre son propre père d’accepter cette union contraire aux principes de Zamunda.

A peine sorti d’un Amazon women on the moon prouvant qu’il n’avait pas perdu son sens de l’humour corrosif, John Landis retomba dans ses travers avec sa seconde mise en scène d’un film avec Eddie Murphy. Le premier, Un Fauteuil pour deux, datait de cinq ans auparavant, à une époque où l’acteur n’était pas encore une star. En 1988 il l’est devenu, et Un Prince à New York s’apparente à une comédie pré-mâchée, sûre d’engranger les bénéfices avant même qu’elle ne soit sortie. L’action des deux Flic de Beverly Hills laisse la place à une histoire d’amour, mais les pitreries de l’acteur ne changent pas et sont même décuplées par les différents rôles qu’il interprète en plus de celui d’Akeem. Cela lui permet de faire toujours la même chose (beaucoup de bla-bla pas drôle caché sous des contorsions énergiques) mais sous couvert de maquillages rendant parfois l’acteur méconnaissable, n’eut donc été pour son sens de l’humour toujours identique. On le voit ainsi incarner une sorte de DJ en transe ou encore un vieux juif qui se livre à des débats sans fin sur la boxe avec ses amis du salon de coiffure (Arsenio Hall a lui aussi droit à plusieurs rôles). Eddie Murphy continuera encore longtemps à se cacher sous du maquillage, puisque du Vampire à Brooklyn au Professeur Foldingue en passant par Shrek qui pour le coup le fait même doubler un personnage de synthèse, il n’a depuis jamais cessé de jouer à cache-cache. On en viendrait presque à penser qu’il s’agit de la seule façon pour lui de diversifier son répertoire… Ce n’est en tout cas pas dans Un Prince à New York qu’il y parvient, puisque son Akeem ressemble trait pour trait à Axel Foley, incarnant lui aussi le trublion comique mais humain au milieu d’une société coincée guère recommandable. Dans Le Flic de Beverly Hills, Foley se posait en alternative à un système laxiste, et dans Un Prince à New York, Akeem vient donner un grand coup de pied dans la fourmilière du conformisme traditionnel. On pourrait croire qu’au moins cette fois le progressisme est de mise. Et en effet de toute évidence, Murphy (à l’origine de l’histoire) a cherché à pourfendre les “vertus” passéistes d’Amérique comme d’Afrique, qui piétinent allègrement sur l’amour vrai au nom de l’argent (en Amérique) ou des traditions (en Afrique) et donnent au final des sociétés fermées encourageant les jeunes gens à se mettre à plat ventre devant les paternels. Ainsi Akeem aurait du suivre les convenances pour épouser la fille de son pays qui lui était réservée, et Lisa aurait du se marier au riche Darryl, toujours pour faire plaisir à papa. En plus d’être éculées, les ficelles sont énormes : afin de se faciliter l’adhésion des spectateurs, le scénario les manipule en présentant les deux choix “imposés” de façon à ce qu’on les rejette immédiatement. La promise d’Akeem est ainsi une écervelée tout juste bonne à faire des courbettes à son futur mari, tandis que Darryl est un odieux fils à papa. Dans ces conditions, forcément, le rigolo sentimental qu’est Akeem a de forte chance de former le couple parfait avec cette véritable dame tout aussi sentimentale qu’est Lisa. La moindre complication est tuée dans l’œuf : c’est d’abord Patricia, la sœur de Lisa, qui commence à tomber amoureuse de Akeem. Même classe sociale, mais elle a tout de même moins la classe que sa frangine. On comprend vite que Akeem ne peut se satisfaire de Patricia. Malgré sa noblesse d’esprit (il ne dit pas qu’il est en fait un riche héritier) Monsieur a des goûts de luxe. Mais ça, Landis ne peut pas le dire sans écorner son personnage principal. Il ne tarde donc pas à se dégager de ce petit soucis en brodant de toute pièce une vague amourette entre Patricia et Semmi, facétieux acolyte qui ne possède pas la même grandeur d’âme que son maître et qui est donc bien plus adapté à une fille comme Patricia. En plus d’utiliser des grosses ficelles, le film confine à l’hypocrisie, et plutôt que de vanter l’amour par delà les considérations matérielles, il présente donc l’amour entre deux être parfaits, tous deux supérieurs à des sous-fifres bien moins intelligents (Semmi et Patricia aiment tout deux l’argent et ne s’en cachent pas !). Cette perfection irrite, et l’on se dit que si Landis, Murphy et les autres scénaristes (Murphy fut d’ailleurs condamné pour ne pas avoir partagé les gains de l’écriture) tenaient tant que cela à parler de l’amour vrai, ils auraient pris des personnages plus crédibles, avec des défauts, et menant une vie bien plus difficile que celle qui est présentée ici (le Queens a l’air d’être un repère de petit-bourgeois). Un Prince à New York est une comédie sentimentale conformiste, défendant d’une façon malhonnête des valeurs déjà maintes fois rabâchées. Et en plus le film n’est pas drôle.

Un monde sépare Amazon women on the moon et Un Prince à New York. Il est difficile d’imaginer que Landis ait lui-même apprécié tourner un tel film, tout comme il est difficile de l’imaginer s’amuser à l’humour d’Eddie Murphy. Et pourtant, tel semble avoir été le cas. Landis a même certainement dû se montrer serviable (voire servile), puisque Murphy le rappela pour tourner son Flic de Beverly Hills III quelques années plus tard. Le réalisateur du Loup-garou de Londres serait-il schizophrène ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.