CinémaScience-Fiction

Starcrash, le choc des étoiles – Luigi Cozzi

starcrash

Starcrash. 1978

Origine : Italie / Etats-Unis
Genre : Space Opera
Réalisation : Luigi Cozzi
Avec : Caroline Munro, Marjoe Gortner, David Hasselhof, Joe Spinell…

Si il y a bien un genre qui fut -relativement- laissé de côté par le cinéma transalpin, c’est bien la science-fiction. Surtout celle à tendance “space opera”. Certes, Mario Bava s’y était bien essayé avec sa Planète des vampires en 1965, mais son film, marqué par un certain psychédélisme, ne fit pas date à Cinecitta. Roger Vadim n’eut pas beaucoup plus de succès avec Barbarella, lui aussi très influencé par son époque (1968). Les réalisateurs amateurs du genre qui souhaitaient s’y confronter n’avaient que leurs yeux pour pleurer. Les plus hardis n’avaient d’autre solution que de harceler des financiers. C’est ce que fit Luigi Cozzi dans les années 70. Et un beau jour La Guerre des étoiles est arrivée, et Cozzi se retrouva en pôle position pour donner vie à un space opera sur lequel il fantasmait déjà depuis pas mal de temps. Restait un gros problème à contourner : le budget. Si les westerns, les gialli ou les films d’horreur peuvent sans peine s’accommoder d’une maigre enveloppe, il n’en va pas de même pour le space opera, surtout lorsque ceux-ci sont produits pour marcher sur les pas du film de George Lucas. Des vaisseaux, des batailles spatiales, des lasers, des robots, des costumes, tout ceci n’est pas donné. Ce fut avec bien du mal que se monta le budget de Starcrash, produit par les frères Wachsberger, des américains installés en Europe (l’un d’eux se fit connaître pour avoir financé un film de Jerry Lewis au sujet des camps de concentration, qui n’est finalement jamais sorti).

Quelque part dans l’espace, l’Empire du gentil Empereur (Christopher Plummer) est en péril. Le diabolique Comte Zarth Arn (Joe Spinell), régent des étoiles maudites, a formé une armée capable de mettre l’univers à sa botte. Une première mission a déjà échoué à localiser le QG de Zarth Arn, et en plus le fils de l’Empereur a disparu. Le seul espoir réside en Stella Star et en Akton (Caroline Munro et Marjoe Gortner), deux contrebandiers qui viennent d’être arrêtées et à qui l’on demande de résoudre toute cette crise en compagnie d’un flic spatial et de son robot Elle.

Le budget fut bien bouclé, tous les ingrédients d’une repompe à La Guerre des étoiles purent paraître à l’écran… mais de là à être convaincants, c’est autre chose. Sans être toutefois aussi ridicule que le veut sa réputation, le film de Cozzi est rempli d’effets spéciaux maladroits, de costumes en mousse et maquillages désolants. Ray Harryhausen dut bien rigoler devant ces robots raides comme des piquets animés en image par image. John Dykstra, superviseur des effets spéciaux de La Guerre des étoiles, dut rester songeur devant le laxisme avec lequel sont traitées les scènes dans l’espace avec leurs modèles réduits ostensiblement placés devant des toiles noires traversées de quelques spots lumineux pour représenter les étoiles. Quant aux pionniers de la science-fiction des années 50, ils durent se remémorer le bon vieux temps, comme quand par exemple un bonhomme peint en vert vient prêter sa tête à des tentacules censées faire de lui un cerveau parlant rendant la justice sous cloche. Une référence ouverte aux Envahisseurs de la planète rouge de William Cameron-Menzies. Luigi Cozzi, qui n’a pas froid aux yeux, se moque des critiques que son film ne pouvait que susciter, et il réalise ce qu’il a toujours souhaité en se référant à sa culture littéraire et cinématographique. Les effets spéciaux peu convaincants, il s’en fiche : rien ne l’empêchera de les étaler avec générosité, comme doit le faire tout bon film à l’ancienne. Pour lui, un bon space opera doit être comme un serial : il doit en mettre plein la vue au public, et au diable la crédibilité ! C’est valable pour les effets spéciaux, et c’est aussi valable pour le scénario piqué à Lucas (qui lui même louchait chez Tolkien et son Seigneur des anneaux). Durée plus serrée oblige, Cozzi mélange ou fait l’impasse sur quelques péripéties de Star Wars (ainsi que sur sa mythologie) mais reprend presque à l’identique la plupart des personnages importants. Leia devient Stella Star, Han Solo devient Akton, Luke devient le fils de l’empereur, C3PO devient Elle, tous les méchants chefs ou presque deviennent Zarth Arn tandis que leur armée prend la forme de bonshommes casqués… C’est le mal absolu contre le bien absolu, dans une guerre qui se veut gigantesque. Favorable à l’identification de son public tout comme l’était Lucas, Cozzi prend pour personnages principaux deux modestes personnes, qui jusqu’ici restaient bien à l’écart des affaires politiques. Mais la situation est telle que Stella et Akton doivent devenir des héros.

Starcrash est un film très premier degré, très naïf. Le langage science-fictionnel typique, avec son jargon technique, la musique épique (signée John Barry, quand même !), le méchant et son rire machiavélique venant ponctuer ses élans mégalo, la sagesse infinie du vieil empereur, la témérité quelque peu insolente des gentils, l’énormité (du moins en parole) de l’acte final permettant de faire triompher le bien, tout cela participe à la vision de Cozzi, qui sait pourtant pertinemment que son film est loin d’être parfait. Ainsi y place-t-il régulièrement de l’humour, souvent à travers sa copie de C3PO (qui servait déjà à ça dans le film de Lucas, mais qui n’avait pas le même accent texan que Elle !). Il ne le fait pas dans une optique d’auto-dérision, sachant très bien que le public se chargera bien de le faire et que cela favorisera davantage sa communion avec le film. Cozzi n’est pas plus sot que Lucas, il sait très bien quelles recettes sont susceptibles de plaire. Après tout, si Star Wars est devenu un film mythique, Starcrash, à son niveau de film italien, est lui aussi passé à la postérité. Les moqueries qu’il subit sont finalement la preuve que le réalisateur a réussit son coup. Il est même possible d’avancer que son sujet, bien moins ambitieux que dans La Guerre des étoiles, favorise encore davantage le spectacle total… Et je ne parle pas uniquement de la plastique de Caroline Munro vêtue d’un costume riquiqui. N’ayant pas pour but de décrire une histoire aussi vaste que celle du film de Lucas (ou de la fresque de Tolkien), il peut aligner les aventures sans se soucier de cerner ses personnages. La prison, les amazones, la planète de glace, les troglodytes, la captivité dans les geôles de Zarth Arn, la guerre finale, les personnages traversent tout cela (et plus encore) à un rythme effréné. Évidemment, chaque rebondissement est un tour de passe-passe, mais encore une fois, Cozzi ne cherche pas à marquer l’histoire du cinéma. Il cherche à créer un serial de science-fiction, et il y réussit tout à fait.

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