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Robot Wars – Albert Band

Robot Wars. 1993

Origine : États-Unis
Genre : Atlantic Rim
Réalisation : Albert Band
Avec : Don Michael Paul, Barbara Crampton, Peter Haskell, Danny Kamekona…

Après avoir achevé son Empire avec le Robot Jox de Stuart Gordon, après avoir inauguré la Full Moon avec son propre Crash and Burn, Charles Band continue sur sa lancée avec un Robot Wars venant conclure son triptyque de robots géants. Trois films qui n’en déplaise à quelques petits malins ayant cru bon de vendre Crash and Burn et Robot Wars sous le titre de Robot Jox 2 ne sauraient former une trilogie en bonne et due forme. S’il s’agit bien de trois films s’appuyant sur des robots géants dans un monde post-apocalyptique, s’ils partagent quelques acteurs ou techniciens, si le recyclage d’un film à l’autre est indéniable, si tous sont des séries B d’action science-fictionnelles (même Robot Jox et l’inédit effort budgétaire qu’il nécessita), il n’y a aucun point de narration pour relier ces films les uns aux autres. Ils partent tous dans une optique différente : avec sa débauche de moyens, Robot Jox annonçait Pacific Rim non sans apparaître au passage un peu mégalo, tandis que Crash and Burn se voulait bien plus humble et se contentait pendant sa plus grande partie d’être un huis-clos louchant entre Alien et Terminator. Quant à Robot Wars, il apparaît alors que l’Empire est définitivement coulé et que la Full Moon qui lui succède s’est déjà bien implantée dans le marché de la vidéo qui est le sien. En somme il se positionne entre les deux extrêmes : il ne cherche ni à se faire passer pour un “blockbuster” à l’échelle Charles Band, ni à faire le même profil bas qu’un Crash and Burn produit pour rapporter un pécule immédiat. Il s’inscrit dans le projet du moment de Charles Band, désireux de relancer ou de créer des franchises à exploiter. Puppet Master, Subspecies, Ghoulies ou Future Cop : autant de titres parfois initiés à l’époque de l’Empire et qui se seront imposés sur le long terme, certains continuant même à être déclinés de nos jours. Ce qui n’est pas le cas de ces robots géants qui au final n’auront jamais trouvé leur voie. Robot Jox a été sabordé par la faillite de sa boîte de production, Crash and Burn n’avait guère d’ambition… et Robot Wars ne doit s’en prendre qu’à lui-même. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé : si Charles Band a laissé le poste de réalisateur à son père (trop pris qu’il était par le management de la Full Moon), il en a écrit lui-même le concept pour servir de base à un scénario rédigé par Jackson Barr, lequel avait déjà participé à deux franchises récentes (Future Cop 2 et Subspecies). En outre il fit revenir la “scream queen” maison Barbara Crampton et bénéficia du deal négocié avec la Paramount pour la distribution des films Full Moon. Tout semblait donc réuni, mais il n’en demeure pas moins que Charles Band n’a jamais su imposer ses robots géants comme il avait imposé ses mini-monstres… Et pourquoi donc ?

En 2041, soit presque un demi-siècle après la grande vague de gaz toxique ayant bouleversé la planète, le pays autrefois appelé États-Unis est désormais englobé dans la vaste Alliance Nord dont l’économie a tendance a battre de l’aile. Alors lorsque des émissaires de l’Alliance Est débarquent sous la direction du général Wa-Lee pour faire leurs emplettes, on leur déballe le tapis rouge. Le général Rooney est chargé de veiller à ce que les invités soient incités à acquérir des mini-versions de la gloire locale, le MRAS-2 (ou Mega-Robot 2 pour le grand public), seul robot géant encore vaillant et qui sert aussi bien au transport des touristes dans la ville-musée de Crystal Vista (une ville de 1993 gardée dans son jus) qu’à la défense du territoire contre les rebelles du Centros. Pour vendre ses joujoux, Rooney est même prêt à prendre des risques avec la vie des touristes : c’est ainsi qu’il demande au capitaine Drake, le pilote du MRAS-2, d’aller au casse-pipe pour combattre une petite escouade Centros en pleine attaque. Quant aux touristes, il n’y aura qu’à leur dire que ce n’était qu’un exercice sous contrôle… Un petit jeu peu apprécié de Drake, qui pour être une tête brulée n’en a pas moins des principes et s’inquiète en outre d’une possible collusion entre les Centros et l’Alliance Est. Il n’est d’ailleurs pas le seul à se faire du mouron : comptant parmi les touristes, la scientifique Leda Fanning, flanquée de son amie journaliste, est justement sur la piste d’armements cachés sous la ville-musée que les Centros sembleraient convoiter…

 

A la lecture de ce sujet, une observation s’impose : pourquoi tant de complexité ? Les mini-monstres de l’Empire puis de la Full Moon séduisaient justement parce qu’ils n’avaient guère besoin de sous-intrigues alambiquées. Leurs scénarios ne servaient somme toute qu’à donner un contexte à leurs méfaits : la sorcellerie dans le premier Ghoulies, le train fantôme dans le second, la potacherie universitaire dans le troisième… Ces mini-monstres étaient des êtres autonomes et leur seule présence suffisait bien assez pour concocter des films horrifiques. A l’inverse, les robots géants n’existent pas s’il n’y a personne pour les piloter. C’est là que le bât blesse : puisqu’il refuse la débauche de moyens qu’il avait accordé à Stuart Gordon sur Robot Jox et puisqu’il ne peut pas non plus verser dans le Z le plus effronté, Band s’égare dans un récit d’anticipation vaguement mâtiné de politique et d’espionnage destiné à amener la tant attendue “robot war” rejetée en bout de film et qui peine à concrétiser les promesses racoleuses du titre et de l’affiche. En guise de guerre, nous aurons donc deux robots se foutant mollement sur la gueule… Pendant la majeure partie du film, l’un de ces deux robots reste sous terre (le retrouver est même l’un des enjeux) tandis que l’autre, à quelques escarmouches prêt, ne sert qu’à véhiculer des touristes. Les effets spéciaux à la manière de Ray Harryhausen ne sont pourtant pas en faute : s’ils sont bien évidemment rétro, ils n’ont rien de ridicule et rappellent les grandes heures de l’artisanat -l’année même où la sortie de Jurassic Park allait entraîner des déluges de numérique bas de gamme. Le problème de Robot Wars est que son véritable sujet n’est pas les robots mais bien les événements qui mènent vers ce final décevant. Pas follement intéressante, bien moins ludique que celle de Crash and Burn (qui lui aussi ne sortait les robots qu’en fin de film), cette intrigue consiste en gros en oppositions tout droit sorties de la guerre froide : l’Alliance Nord incarne l’occident tandis que l’Alliance Est représente l’ex bloc-communiste, avec la Chine à la manœuvre pour procéder à des manigances exploitant la vénalité des dirigeants occidentaux. Selon une célèbre citation probablement apocryphe, Lénine aurait dit que “Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons“. Nous en avons ici un bel exemple, puisque tout à sa volonté de vendre ses mini-robots (que nous ne verrons jamais : la version géante est la seule à apparaître), le général Rooney ne se rend pas compte qu’il est en train de donner à son homologue Wa-Lee le bâton avec lequel il se fera battre. L’idiot pousse même le vice jusqu’à lui permettre de conduire lui-même le MRAS-2 ! C’est faire bien peu de cas de la légendaire perfidie des rouges… Car dans le fond, si les effets spéciaux de Robot Wars sont résolument rétro, son intrigue l’est aussi… mais dans un degré moindre, et en nettement moins charmant. Charles Band nous ressort les grossières ficelles des années 80, et il ne faut bien entendu pas compter sur lui pour expliciter davantage la teneur politique de ses deux blocs futuristes : d’un côté nous avons l’occident “mou” et de l’autre le fourbe orient. Ou du moins un représentant pour chaque (encore que Wa-Lee soit flanqué d’un assistant dont le nom sert de prétexte à un blague à la Michel Leeb). Ce qui n’est pas forcément très pertinent pour initier une nouvelle franchise à l’aube des années 90, juste après la fin de la guerre froide et alors que les modes hollywoodiennes des années 80 finissaient enfin par se tasser. Et encore, si cela ne concernait que l’intrigue générale, cela pourrait encore passer. Mais les personnages sont coulés dans le même moule…

Pour faire vivre cette intrigue qui dans le fond est simplissime, Band essaie de faire passer des vessies pour des lanternes en éclatant sa narration en plusieurs sous-intrigues. D’un côté celle des “huiles” sur laquelle il est inutile de revenir : il s’agit de Rooney jouant au représentant de commerce pour Wa-Lee (décidément, après le Harry Potter de Troll, Band a le chic pour trouver des noms qui deviendront ensuite célèbres). Il s’agit de poser le contexte dans lequel vont se mouvoir les deux personnages “actifs”, autrement dit les héros qui ont chacun droit à leur sous-intrigue avant qu’elles ne se rejoignent -ainsi que celle des huiles- lors du décevant climax. En guise de héros masculin, nous avons un mâle alpha dans toute sa splendeur 80s : le capitaine Drake. On retrouve chez lui tout ce qui plaisait dix ans plus tôt : il s’oppose à sa hiérarchie incompétente, il a tout deviné depuis le début, il affiche des faiblesses qui le rendent humain (une petite cuite lorsqu’il est pris d’un coup de déprime, ça ne mange pas de pain), il se met en péril pour sauver les braves gens, il a recours à des bons mots et il est affublé d’un sidekick transparent permettant de le mettre encore davantage en valeur. Ce personnage n’est qu’une vaste caricature, et les airs de héros qu’il se donne (ou plutôt que Band père et fils cherchent à lui donner) auraient plutôt tendance à le rendre grotesque : ce n’est pas en s’agitant dans des décors au rabais frôlant parfois le kitsch (sans parler des costumes) ou qui à l’inverse font fort opportunément l’économie du moindre accessoire futuriste (bien pratique, le coup de la “ville musée !”) qu’il va en imposer. D’autant qu’à force de rouler des mécaniques, Drake finit par frôler la beauferie, notamment lorsqu’il fait la connaissance de Leda Fanning, venue lui remonter les bretelles après le voyage mouvementé à bord du MRAS-2. Une première rencontre houleuse qui bien entendu annonce une romance qui se nouera dans le final. Incarnée par une Barbara Crampton qui n’aura pas à se désaper (le film se voulant tout public), Leda est le pendant féminin de Drake. Débrouillarde, rebelle, éthique, courageuse, femme d’action… et elle aussi dotée de sa propre sidekick, une cruche absolue. C’est à Leda que revient la charge de prouver que Drake ne se trompe pas et que l’Alliance Est est de mèche avec les Centros (eux-mêmes des terroristes quelconques : pas un seul ne dit un mot de tout le film). C’est elle aussi qui s’évertue à retrouver les anciens armements qui serviront dans le final. Et pourtant, lorsque le moment sera venu, elle se mettra bien gentiment sous la protection du militaire, cédera aux fallacieuses avances qu’elle avait rejetées en début de film et oubliera totalement ses caractéristiques de “femme forte”, indépendante et ne se laissant pas séduire par le premier bellâtre venu. Autrement dit elle achève son parcours comme une “demoiselle en détresse” standard, secourue par un Tom Cruise de troisième zone. Ce faisant, au moment de la maigre “robot war”, tous les personnages qui avaient porté le films se sont éteints, pour peu qu’ils aient été à un moment allumés.

Assurément, Robot Wars est le plus mauvais des trois films de robots géants sortis des écuries de Charles Band. Il n’y règne aucune atmosphère, le scénario est à la remorque d’une mode déjà surannée (et qui même dans son âge d’or n’était guère convaincante), la qualité des effets spéciaux “robotiques” est ensevelie sous un décorum en carton-pâte, et les Band n’affichent même pas cette convivialité propre aux séries B qui sans se prendre au sérieux ne prennent pas non plus leurs spectateurs pour des imbéciles. Leur film est léger dans le mauvais sens du terme : il transpire l’opportunisme, ne s’accorde aucune des libertés de style que l’on attend de ce genre de cinéma (c’était bien la peine de faire venir Barbara Crampton, tiens…) et ne plaira ni aux amateurs de cinéma hollywoodien ni à ceux du cinéma associé aux productions Charles Band, anciennes ou récentes. Dès lors, peut-on s’étonner que la Full Moon ne soit pas parvenue à sortir de sa spécialité des mini-monstres ? Sur un registre vaguement similaire (de l’anticipation dérivée des années 80) Future Cop séduisait bien plus, même s’il restait très imparfait. La comparaison entre les deux films est assez révélatrice : l’un a essayé de coller à des recettes commerciales sans faire de vague, tandis que l’autre a su se trouver un style propre et dynamique. Bref, sans qu’il ne justifie de tomber à bras raccourcis sur Charles Band, Robot Wars est un échec.

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