Murderock – Lucio Fulci
Murderock – uccide a passo di danza. 1984Origine : Italie
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Les élèves d’une école de danse sont assassinées les unes après les autres (oui, il n’y a que des filles). Ce n’est guère étonnant, si l’on considère que l’ambiance générale n’était pas au beau fixe, surtout depuis que les élèves eurent appris que seules trois d’entre elles devaient être sélectionnées pour participer à une prestigieuse comédie musicale. N’empêche, leur coach, Candice Norman (Olga Karlatos) n’est pas franchement satisfaite de la situation et se sent elle-même menacée depuis qu’elle fait des rêves dans lesquels un homme l’assassine. Esperons pour elle que le lieutenant Borges va réussir à vite deviner l’identité de l’assassin.
Le film démarre comme un véritable repoussoir. Ca danse sur fond de hideux mélange musical pop/disco qui marquera tout le film et qui invalidera le titre. On se dit que ce n’est que pour le générique, mais non, la suite immédiate persiste et signe en se déplaçant à l’école de danse, dans laquelle celles qui sont appelées à devenir des victimes se trémoussent vigoureusement. On se croierait dans une émission de fitness éclairée au-delà du raisonnable, et Fulci filme au plus près les filles en sueurs, leurs fesses, leur poitrine… De l’érotisme grossier de vieux lubrique, consternant pour un homme qui quinze ans avant tournait avec une grande justesse le viol de Beatrice Cenci. Mais ce n’est pas fini, et le calvaire se prolonge dans les douches avec une scène giallesque dans laquelle, sous prétexte d’extinction prochaines des feux dans le gymnase, la lumière s’éteint, se rallume, s’éteint, se rallume, contrairement à la télévision du spectateur, qui risque alors de s’éteindre pour de bon. Mais pour ceux qui ont le courage de continuer, il y a tout de suite après l’exact opposé : les journalistes débarqués sur place après le meurtre utilisent leurs appareils photos, et donc là ce seront leur flashs qui de façon intempestive innonderont de lumière la scène du crime… En un quart d’heure, Fulci provoque la nausée, fait criser plusieurs épileptiques, et, dit-on, plusieurs catholiques offensés se seraient souvenu des principes bibliques et se arrachés les yeux (même l’un des personnages, à la fin du film, hurlera de terreur à la vision des bandes vidéos enregistrées lors des chorégraphies, et on le comprend). On en oublierait presque que l’on assiste à un giallo tardif.
Le reste du film sera là pour le rappeler, et si il ressortira de temps à autres les mêmes atrocités qu’au début du film, il se fera heureusement bien moins immonde. Il se contentera d’être débile. L’intrigue est franchement grotesque, et on a franchement du mal à croire qu’en effet, les élèves de l’école se sentent en danger. Un des seuls garçons du lot, méchant parmi les méchants, ira jusqu’à avouer ces meurtres qu’il n’a pas commis, juste pour embêter ce policier débonnaire et cynique qui prend tout ce qui arrive avec un relatif je m’en-foutisme non dépourvu d’une certaine touche d’humour à la Jean Yanne. Evidemment, ce n’est pas très professionnel, et c’est plutôt déplacé dans un giallo. Mais comment faire autrement ? L’entraîneuse elle-même de ces apprentis danseuse fait preuve d’un incroyable manque de sérieux, lorsqu’elle se met en tête de retrouver le tueur apperçu dans ses rêves, et qu’elle parvient à retrouver vu que la bobine de cet homme se trouve justement affichée sur les murs de la ville, dans une campagne de pub pour jus de fruits… Alors donc, meurtres ou pas, on a bien du mal à s’interesser à ce giallo. Il ne faudra pas non plus compter beaucoup sur la technique, qui, si elle se révèle l’aspect le moins médiocre du film ne parvient pas à sauver tous les meubles. La bande-son, à part pour ces musiques de danse, se compose principalement de partitions tonitruantes employées lors des scènes de pseudo suspense (“mon dieu ! quelqu’un a foutu un tire bouchon dans le canari de ma copine !”). Quant à la caméra de Fulci, si elle se déplace parfois avec grâce dans un décor surréaliste plutôt réussi (les rêves du personnage d’Olga Karlatos), elle se fait en revanche souvent pataude, symbole du manque d’inventivité du tueur, qui se contente de perforer le sein de ses victimes après les avoir chloroformées. Quand bien même cela n’aurait pas été le cas, la mise en scène aurait eu du mal à faire avaler la pillule d’une photographie marquée par ces spots lumineux dont regorge l’école de danse, principal lieu des méfaits d’un tueur dont l’identité nous réserve une surprise finale pas plus sotte qu’une autre, mais pas plus maline non plus.
Murderock est l’un de ces innombrables navets que même les plus grands réalisateurs de cinéma bis italiens tournèrent dans une décennie fatale à l’industrie locale. On en tiendra pas rigueur à Fulci, dont la filmographie recèle assez d’excellents films pour ne pas être tirée vers le bas par un giallo fumeux, aussi mauvais soit-il. Mais tout de même, ça ne fait pas très sérieux.