Le Blob – Irvin Yeaworth Jr.
The Blob. 1958Origine : Etats-Unis
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Par une belle nuit étoilée, Steve et Jane (Steve McQueen et Aneta Corsaut), deux amoureux en train de se compter fleurette, aperçoivent une météorite s’écraser dans un champ non loin d’eux. Ils partent observer le débris spatial, mais un fermier arrive avant eux et c’est lui qui fait la rencontre du Blob, cette gelée extra-terrestre vorace qui commence par s’agglutiner autour de la main du vieil homme. Lorsqu’ils arrivent, Steve et Jane le trouvent donc en pleine souffrance, et le conduisent chez le médecin, lequel les renvoie sur le lieu du drame pour trouver des informations sur la chose. Le temps qu’ils reviennent, le fermier, le médecin et l’assistante de celui-ci se sont fait boulottés par la créature, qui comme peut en constater Steve grandit de plus en plus. Il faut vite avertir la police du danger que coure la ville ! De retour chez le médecin, ils ne trouvent plus aucune trace des victimes, pas plus que du Blob. Du coup, personne ne peut croire les tourtereaux. Les voilà dans la panade totale !
Tout sympathique qu’il soit, tout léger qu’il puisse paraître dans sa musique générique rockabillesque (la chanson “The Blob” par le groupe The Five Blobs au sein duquel figurait un tout jeune Burt Bacharach !), The Blob n’en est pas moins un film réactionnaire et moralisateur vendu aux jeunes à grand renfort de démagogie. Son réalisateur, Irvin Yeaworth Jr., membre actif de l’Église presbytérienne, présentait à sa mise en chantier une filmographie courte en long-métrages mais pléthorique en courts-métrages éducationnels vantant les vertus chrétiennes et dénigrant toutes les pratiques hérétiques. Devant bien savoir que ces sermons directs perdaient de l’influence, le réalisateur s’en alla donc user d’un discours détourné pas trop finement inséré dans un film de science-fiction susceptible de toucher le public cible à une plus large échelle. Les héros du Blob sont donc un couple de jeunes, certes, mais des jeunes bien comme il faut, pas comme leurs enfants des slashers qui trente ans plus tard allaient se livrer sans retenue à la débauche. Plutôt que de drague on parlera de cour à laquelle s’adonne Steve pour obtenir les faveurs de Jane. Bien entendu, on ne couche pas, on respecte ses aînés, et l’homme doit avoir l’esprit d’initiative que n’a pas la femme, bien trop occupée à s’occuper des petits enfants (ici son petit frère) tout en contenant sa propre peur, grandement aidée en cela par la foi en son homme. Les futilités propres à la jeunesse, l’esprit frondeur, est toléré à petite dose par le charitable gardien de la morale qu’est le lieutenant Dave, qui sait bien que la jeunesse de sa ville a un bon fond, même quand il s’agit des loubards de la ville (qui organisent des courses automobiles sauvages sur 10 mètres). Le paternalisme de ce flic est amour et miséricorde, et on ne peut qu’apprécier un tel homme qui ose faire confiance à la jeunesse, contrairement à son collègue Bert (mais lui aussi a un bon fond, sa méchanceté étant née de la rancœur d’avoir vu partir sa femme avec un jeune).
Irvin Yeaworth Jr. est un peu lui-même ce Lieutenant Dave, avec cette foi qu’il porte en Steve et en sa copine. Flattant l’égo de son public en même temps qu’il distille sa propagande (forcément de nos jours frelatée), il érige son jeune héros et ses amis en sauveurs : il est celui qui prévient la société des maux qu’elle encoure, et c’est grâce à lui que l’osmose entre générations peut aboutir à une unité morale active qui parviendra à bout du Blob. La vigilance de Steve équivaut en fait à du bon vieux McCarthysme, et son irréductible discours paranoïaque auquel personne ne semble croire se révélera être la vérité. En bon chrétien, Yeaworth Jr. ne se prive pas de la métaphore tant usitée dans la science-fiction des années 50, et sa masse gélatineuse de couleur rouge n’est autre que le communisme rampant débarqué en douce dans l’Amérique profonde pour détruire le pays et ses valeurs. C’est ainsi que le Blob attaque un supermarché, un cinéma, un restaurant, soit autant de lieux plébiscités par la foule. Le danger est partout, mais le réalisateur insiste tout particulièrement sur le cinéma, ce lieu où le danger est favorisé par l’inattention des spectateurs, qui pris par le spectacle (en l’occurrence un film avec Bela Lugosi) baissent leur garde. “Fuyez, malheureux, le communisme immoral sort de la cabine du projectionniste” semble dire Yeaworth Jr. lorsqu’il fait sortir son Blob de la petite fenêtre prévue pour le faisceau du film. Ce sera là qu’il y aura le plus de victimes, et où le Blob engrossera le plus. Car plus il fait de victimes, plus il est puissant : c’est l’effet boule de neige, et à défaut de le tuer il faut l’arrêter en l’isolant dans un pays froid et lointain (la métaphore ne peut pas être plus claire) avant qu’il ne soit trop tard.
Bien plus que n’importe quel film fantastique de son époque, Le Blob est dominé par son conservatisme réactionnaire. On ne peut totalement lui pardonner. Ce serait pourtant mentir de dire que le film est imbuvable. Il dispose de cette candeur typique des années 50 qui en fait malgré tout une œuvre attachante. L’époque et la mentalité qu’elle véhicule n’a plus aucun point commun avec notre société actuelle, et c’est ce qui donne au film une allure de témoignage qui se double du charme DeLuxe, cette technique de colorisation des films en vigueur dans ces années-là. Depuis 40 ans, nombreux sont les films en couleurs à avoir tenté de recréer l’atmosphère des années 50, cette même atmosphère que le film de Yeaworth Jr. synthétise à la perfection sans en avoir eût conscience. Avec son côté suranné, Le Blob peut faire office de référence en la matière. Et ça, c’est bien à ses géniteurs qu’il le doit, preuve que ceux-ci n’ont pas fait les choses n’importe comment. On peut le constater dans l’adroite gestion de leur suspense, qui va crescendo jusqu’à un climax très court mais superbe, avec ses effets spéciaux originaux, tenant certainement à la nature particulière du monstre (c’est que les gelées extra-terrestres n’étaient pas légion, à l’époque…). Bref, nous nous retrouvons certes avec un film moralisateur douteux, mais aussi et surtout avec un film de science-fiction à l’ancienne impeccable, qui eut en plus le mérite de révéler un Steve McQueen déjà très professionnel, particulièrement concerné par un rôle qu’il aurait pu prendre à la légère (la rumeur veut d’ailleurs que ses producteurs eurent bien du mal à gérer sa personnalité -on ne dirait pas, à le voir ainsi en jeune bien propre sur lui-).