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Ghost in the Invisible Bikini – Don Weis

ghostinvisiblebikini

Ghost in the invisible bikini. 1966

Origine : Etats-Unis 
Genre : Comédie fantastique 
Réalisation : Don Weis 
Avec : Boris Karloff, Basil Rathbone, Susan Hart, Tommy Kirk…

Nouvel opus dans la déferlante des films de plage de l’American International Picture (dite AIP), Ghost with the invisible bikini est toujours réalisé par l’un des réalisateurs attitrés du genre, Don Weis, mais perd en cours de route ses deux plus éminents acteurs, Frankie Avalon et Annette Funicello. Tant pis, il faut bien faire sans eux. De toute façon, ce ne sont pas les jeunes gens près à tourner en maillot de bain qui manquent. Les précédents films du cycle en avaient déjà vu défiler une paire. Mais cette fois les choses sont différentes. Ce film de plage ne se passe pas à la plage ! Avec une audace époustouflante, la AIP cherche à mélanger ses deux plus fructueux filons, à savoir le film de plage et le film gothique, dominé de la tête et des épaules par Roger Corman et son cycle Edgar Poe. A défaut de Vincent Price, qui avait pourtant déjà tourné une sorte de film de plage pour la AIP (Dr. Goldfoot and the Bikini Machine), la tête d’affiche gothique se nomme Boris Karloff, ou éventuellement Basil Rathbone, lui aussi de la partie.

Le vieux Hiram Stokely (Boris Karloff) vient de mourir, laissant derrière lui un pécule d’un million de dollars. Réveillé dans son cercueil par sa douce Cecily (Susan Hart), décédée il y a plus de trente ans, il apprend son décès et se voit informer que pour entrer au paradis et reconnaître la jeunesse, il doit procéder à une bonne action. Il décide donc de se mêler de son propre héritage, persuadé que son avocat Reginald Ripper (Basil Rathbone) va chercher à arnaquer les trois légataires légaux, Chuck Phillips, Lili Morton et Myrtle Forbush. Puisqu’il lui est interdit de sortir lui-même de sa crypte, il devra dicter la marche à suivre à Cecily à l’aide d’une boule de cristal.

Et les jeunes en maillot de bain, qu’est ce qu’on en fait, dans tout ça ? Et bien c’est simple : Myrtle Forbush, vieille dame excentrique, a convié son neveu Bobby aux transactions de l’héritage effectuées au château Stokely, bâtisse qui malgré son allure gothique dispose d’une belle piscine dans le jardin ! Bobby est donc venu swinguer avec tous ses amis. Ghost in the invisible bikini ne recule devant aucune incongruité et s’éloigne à maintes reprises de son sujet de départ, plongeant même parfois dans l’incohérence (Ripper cherche à se débarrasser de personnages qui n’ont rien à voir avec l’héritage). Conçu pour être dynamique comme un cartoon, le film de Don Weis n’est en fait que bordélique et poussif, la faute à une beaucoup trop grande richesse de sous-intrigues. Outre Bobby et ses nombreux amis, de nombreux personnages ou groupes de personnages viennent s’inviter à la fête et empiètent sur la continuité du récit. Il y a d’abord l’homme de main de Ripper chargé de tuer les prétendants à l’héritage ou de les faire fuir en simulant des manifestations surnaturelles. Une tâche que le subalterne délègue à ses propres hommes de main, une princesse vicelarde et un indien abruti. Eux-mêmes sont venus avec leur gorille domestique qui ne manquera pas de s’échapper de sa cage. Il y a aussi les Rats, un gang de motard venu là pour que leur leader Eric Von Zipper (personnage récurrent des films de plage) puisse séduire la princesse qu’il a rencontré sur la route. Plusieurs personnages agissent également à titre individuel : un serviteur sort régulièrement des buissons pour avertir les gens du danger. Sinistra, la fille bigleuse de Ripper, a pour charge de séduire Bobby et de l’assassiner, quitte à empiéter sur les plates bandes des hommes de son père. La jalousie entraîne Vicki (Nancy Sinatra, juste avant de connaître le succès planétaire en temps que chanteuse avec sa chanson “These boots are made for walkin'”) à vouloir préserver son homme. Elle est soutenue par ses amies en bikinis. Il y a aussi bien sûr Cecily, que les autres personnages ne peuvent pas voir mais qui s’incruste littéralement (c’est ainsi que Don Weis la présente à l’écran, avec une couleur bleue criarde) dans des situations qui n’ont rien à voir avec ses objectifs. Quant aux deux autres héritiers, Chuck Phillips et Lili Morton, le suspense à leur sujet tourne davantage sur leur relation amoureuse naissante que sur l’héritage qu’ils s’apprêtent à recevoir.

Trop, c’est trop, et Don Weis doit morceler son film pour pouvoir s’attarder sur tout le monde. A peine l’une de ces sous-intrigues vient elle de se créer un rythme propre qu’il faut déjà passer à totalement autre chose. Forcément, le fil de l’histoire se perd aisément, ce qui explique les incohérences relatives à l’héritage qui, finalement, est planqué quelque part dans le château. En fin de compte tout le monde (au point où il en est, Weis peut se le permettre) finit par chercher partout en évitant les pièges tendus. La confusion est totale est le film ne ressemble plus à rien. L’humour au ras des pâquerettes témoigne de l’impossibilité de construire des choses élaborées. Bobby se déguise en lampe pour éviter de se faire attraper par un monstre immonde (en fait un homme de Ripper dans un costume), Sinistra la bigleuse croit s’en prendre au même Bobby alors qu’elle se trouve devant une statue, Eric Von Zipper perce un trou dans un mur et se retrouve aspergé de l’eau d’une canalisation trouée, le subalterne de Ripper subit les moqueries de Cecily qui s’amuse bien devant cet homme cherchant à simuler des manifestations surnaturelles… Comble du burlesque, Hiram Stokely, forain de profession, a laissé traîner son musée des horreurs dans le sous-sol, ce qui ne manque pas d’accentuer encore les quiproquos. Ghost in the invisible bikini est un bordel sans nom, l’exemple type d’une transposition cartoon ratée. Depuis sa crypte, le personnage de Boris Karloff contemple stérilement les dégâts.

Si l’aspect gothique du film est donc totalement nié, réduits que sont les effets surnaturels à l’aspect de carton-pâte, reste que le côté film de plage ne se dément pas. Quelques chansons viennent de temps en temps ponctuer le récit (dont une de Nancy Sinatra, bien entendu) et les filles en bikinis ne manquent pas. A noter que le fameux bikini invisible porté par Cecily est trompeur : avec lui, c’est aussi la peau qu’il cache qui se trouve invisible. La demoiselle, Susan Hart, n’en est pas moins charmante. James H. Nicholson, ponte de la AIP, ne s’y était pas trompé, puisqu’il l’avait épousé deux ans plus tôt. Quant aux films de plage, ils ne sortirent pas grandis de ce mariage forcé avec le cinéma gothique, puisqu’il s’agit là du dernier film de la sorte produit par la AIP.

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