CinémaHorreur

Halloween, 20 ans après – Steve Miner

Halloween H20. 1998.

Origine : États-Unis
Genre : Slasher
Réalisation : Steve Miner
Avec : Jamie Lee Curtis, Josh Hartnett, Adam Arkin, Chris Durand…

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Producteur avisé, Moustapha Akkad n’est pas du genre à répéter ses erreurs. Alors que la première vague des slashers battait son plein dans les années 80, plusieurs maladresses l’empêchèrent de profiter de son Michael Myers pour engranger les bénéfices. Il parvint tout de même in extremis à produire coup sur coup Halloween 4 et 5 en 1988 et 1989, mais leurs bénéfices furent relativement décevants en comparaison de ce qu’ils auraient pu être quelques années auparavant. Quant à Halloween 6, sorti en 1995, il arriva soit beaucoup trop tard, soit un peu trop tôt, un an avant le carton du Scream de Wes Craven. Deux ans après la sortie de celui-ci, le slasher est revenu à la mode, et Akkad, conjointement aux frères Weinstein de Dimension Films (propriétaires des droits de Halloween depuis le sixième épisode), est bien décidé à ne pas laisser une belle opportunité s’envoler, surtout que le film de Carpenter fête sa vingtième année. Pour ce retour programmé sur le devant de la scène, autant voir les choses en grand : on rappelle Jamie Lee Curtis qui elle-même insiste pour faire revenir son ami John Carpenter, on convoque discrètement Kevin Williamson, le scénariste de Scream probablement très heureux de participer à une série qui lui a inspiré son propre succès, et on investit 17 000 000 de dollars, soit à peu près l’équivalent de ce que coûtèrent tous les films avec Michael Myers réunis. Quand Carpenter quitte le projet pour cause de différends persistants avec Moustapha Akkad, ce n’est pas un problème : on le remplace par le plus docile Steve Miner, réalisateur du second et du troisième Vendredi 13. Le vrai gourou derrière Halloween H20 est bien Kevin Williamson, dont le rôle de producteur exécutif couvre en fait le strict contrôle du scénario confié à deux débutants. Chouchou de la nouvelle vague de slashers, Williamson est le précurseur de tous ces “fanboys” qui sévissent encore de nos jours. Condescendant, il oublie tous les films Halloween depuis l’opus 3 et déclare que H20 est la suite de Halloween II. Il le fait soi-disant pour maintenir une certaine continuité justifiant la présence (vendeuse) de Jamie Lee Curtis, dont le personnage de Laurie Strode est censé être mort (tous les épisode depuis Halloween 4 prennent pour vedettes ses descendants). Difficile de le croire. A lui seul, le titre Halloween H20 auto-justifié par l’anniversaire de la franchise entre dans un mouvement émergent, celui des séquelles qui n’osent préciser leur numéro soit par honte d’atteindre un chiffre indécent, soit par mépris pour toutes celles qui l’ont précédé. Aussi mauvaises fussent-elles, ces séquelles existent bel et bien, ce que des films tels que Halloween H20 ou même la vague de remakes “qui revisitent l’original” (à la mode pendant toutes les années 2000 et peut-être au-delà) cherchent à faire oublier, se posant immédiatement comme supérieurs à leurs prédécesseurs à l’exception d’un modèle original forcément adulé, sinon on ne prolongerait pas la franchise. Et puis des fois qu’un jeune et ignare public ignorerait l’existence d’un film original, ça vaut le coup d’essayer de prendre sa place, sous couvert “d’amener ce jeune public à le découvrir”. Quand bien même on peut trouver que les épisodes 4, 5 et 6 de Halloween (le 3 est hors série) soient catastrophiques, Halloween H20 n’en est pas excusé pour autant, et ses prétentions hypocrites ne jouent pas en sa faveur.

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Ainsi donc, l’histoire se déroule 20 ans après les évènements survenus dans Halloween II. Le corps de Michael Myers a disparu, le Dr. Loomis a survécu à l’incendie mais est mort quelques années après (Donald Pleasence, décédé, aurait été ravi de voir ses participations oubliées… et pourtant le film lui est dédié). Laurie Strode s’est fait passer pour morte, elle a changé de nom et s’appelle maintenant Keri Tate. Elle dirige une école privée dans un endroit reculé de Californie, et son fils John qui vient de fêter ses 17 ans est un de ses élèves. De l’eau a donc coulé sous les ponts, mais Laurie n’est toujours pas parvenue à oublier les évènements d’Haddonfield, ce qui a provoqué le départ du père de John.

Confondant Laurie Strode avec sa Sidney Prescott de Scream, Kevin Williamson décide de mettre l’accent sur le trauma dont souffre l’héroïne. Environ une heure du film (sur une durée totale excédant à peine les 80 minutes, générique inclus !) est donc consacrée à l’étude répétitive des sentiments de Laurie, femme paranoïaque dont la névrose décuple à chaque fête d’Halloween. Le vingtième anniversaire de la tragique nuit où son frère Michael tenta de l’assassiner fait donc ressurgir ses vieux démons qui prennent la forme d’hallucinations ou de souvenirs survenant un peu partout. Tenez, là, juste là, dans la vitrine du magasin, n’est-ce pas le reflet de Michael ?!! Ah non, c’était juste une vision. Ouf. Relaxons-nous en mettant la radio. Ah, horreur ! Les Chordettes chantent “Mr. Sandman” ! Vite, éteignons ! Pendant que le spectateur s’ennuie sec, le film se contente donc de nous montrer que Laurie reste terrorisée à l’idée que son frère puisse ressurgir. Terrorisée mais pas folle : c’est à Halloween et non aux Griffes de la nuit que nous avons à faire, et il ne faudrait pas que la réalité se confonde avec les cauchemars. Williamson ne laisse même pas l’occasion au fantastique, au thriller ou à quoi que ce soit susceptible de faire frissonner d’approcher son histoire pompeusement psychologique. Également scénariste de la série Dawson, il préfère en appeler aux sentiments de son public adolescent en étudiant les répercussions du traumatisme de Laurie sur son fils John, incarné par le minet Josh Hartnett (premier rôle au cinéma… comme si le film n’avait pas assez de défauts comme ça). Puisque sa maman a peur d’un éventuel retour de Michael, il a peur. Et puisqu’elle a peur pour elle et pour les siens, elle se montre beaucoup trop protectrice et étouffe les envies de John, qui comme tous les gens de son âge a envie de s’amuser, par exemple en partant à Yellowstone pour son voyage scolaire. Mais sa maman veut pas : c’est dur. Quelle belle illustration petite-bourgeoise du mal être adolescent ! Thème privilégié des sitcoms, le conflit générationnel permet à Williamson de brosser son public dans le sens du poil en désignant d’emblée la mère comme fautive. Michael Myers cesse d’être l’incarnation du mal (voilà ce qui arrive quand on oublie le personnage du Dr. Loomis !) pour devenir le prétexte d’une difficile entente entre une mère et son fils ! Les prises de bec entre Laurie et John constituent donc l’enjeu majeur : la sœur de Myers parviendra-t-elle à vaincre ses vieux démons ? Devant le discours scandalisé d’un fils dans son bon droit (on dirait un auditeur de Skyrock qui explique ses problèmes à l’antenne), Laurie réfléchit et juge que 20 ans après, il est temps d’oublier, ne serait-ce que pour le bien-être de John. Elle accepte donc de le laisser partir, et elle révèle même sa véritable identité à son amant. C’est seulement alors que Michael Myers va revenir, et donc symboliquement le combat qui va se dérouler sera celui de Laurie contre ses vieux démons. Parce qu’il faut tout de même placer quelques morts, Williamson et ses sous-fifres imaginent que John n’est finalement pas parti et qu’il a préféré rester à l’internat à fêter Halloween pour la première fois de sa vie (son épanchement est aussi un gros plan drague pour attendrir sa copine !). Les amis de John et ceux de Laurie seront donc les victimes toutes désignées, assassinées sans grande imagination et dans un style de mise en scène tape-à-l’oeil qui est une insulte à John Carpenter. N’épiloguons pas non plus sur le comique de service LL Cool J, qui se prend un demi chargeur dans le bide, s’écroule raide mort en pissant le sang avant de réapparaître dix minutes plus tard en rigolant pour dire qu’il n’est que légèrement blessé. Halloween H20 n’a rien pour lui, même pas son Michael Myers dont le masque blanc ne reflète qu’un flagrant manque de charisme. La citation du Dr. Loomis évoquant le regard sans vie de Michael Myers est à l’opposé de ce que fait Miner du personnage, sur les yeux duquel il s’attarde parfois, soulignant son aspect un peu bovin. Heureusement, la citation est placée en début de film et le spectateur ne s’en souviendra pas forcément une fois Myers arrivé (en voiture). Quant aux amateurs de l’Halloween de Carpenter, ils en seront pour leurs frais, ayant assisté à un reniement total de leur film fétiche (et de ses séquelles) au profit de sa réappropriation thématique et graphique (le film adopte le look très lisse propre à ces oeuvres) par le scénariste de Scream et de Dawson. Comble de l’insulte, ce dernier ne manque pas de placer de la pub pour sa propre franchise, montrant un extrait de Scream 2 et reprenant une musique de Scream premier du nom. C’est à se demander si Williamson et Dimension Films ne tentèrent pas de plomber une franchise capable de faire de l’ombre à leur saga flambant neuve.

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6 réflexions sur “Halloween, 20 ans après – Steve Miner

  • A sa facon, Steve Miner aura été un maître de l’horreur, qui est passé totalement inaperçu pendant toute sa carrière, arrivant à concilier humour et horreur dans deux de ses plus grands films (House et Lake Placid). Il aura marqué le slasher durablement alors que paradoxalement ses oeuvres sont plus connues que lui même: il aura tout d’abord introduit le personnage de Jason pour la première fois dans Vendredi 13 chapitre 2 avant de l’iconiser dans sa suite avec son célèbre masque dans Vendredi 13 chapitre 3, il aura aussi participé aux 20 ans du film Halloween de John Carpenter, en réalisant Halloween H 20, modeste slasher mais qui fait dans l’efficace à défaut d’originalité, comme tentera de le faire le surestimé Rob Zombie. Ces deux films ne rendront pas son réalisateur plus célèbre. Au contraire, il restera dans l’anonymat en réalisant une comédie horrifique poilante avec Lake Placid, le crocodile faisant presque de la figuration, au profit de joutes verbales et jouissives entre le shérif bourru incarné par Brendan Gleeson et le professeur condescendant incarné par Oliver Platt. Il s’agira aussi de l’une des dernières apparitions de Bridget Fonda qui arrêtera sa carrière au cinéma pour se consacrer à sa famille.

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  • Je ne suis pas convaincu que Steve Miner mérite tant de louanges. Certes, il a beaucoup oeuvré dans le genre fantastique (mais pas que, comme le prouve l’improbable remake de Mon père ce héros) mais ses films marquent peu les esprits. Le masque de Jason marque davantage l’imaginaire collectif que la mise en scène du bonhomme, par exemple. Et pour un House effectivement sympathique, beaucoup de films passables voire rasoirs dont ce Lake Placid qui, écrit par David E. Kelley le créateur d’Ally McBeal et The Practice, noie dans un mélange de soap/sitcom le film de monstre qu’on aurait été en droit d’attendre.

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  • Ça reste pour moi un petit artisan. Il est un peu comme Tom Holland, il a contribué à populariser Vendredi 13, et Warlock dans une moindre mesure. C’est dommage de terminer sur un remake du Jour des morts-vivants qui n’a pas grand chose à voir avec le film de Romero et qui est plutôt assez moyen. Depuis c’est aussi dommage de le voir en pré retraite en tournant des épisodes de séries quelquonques comme Joe Dante et John Dahl.

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  • C’est oublier Blonde et dangereuse ! Et il semblerait à l’oeuvre sur un nouveau film d’horreur, The Exorcism at Lincoln High.

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  • Effectivement, Miner fait partie des seconds couteaux de l’horreur années 80/90, en compagnie de Tom Holland mais aussi de Anthony Hickox, Tom McLoughlin, Tommy Lee Wallace et de Mick Garris, réalisateurs qui ont fait quelques œuvres au plus sympathiques avant que leurs carrières ne se noient dans l’anonymat (sauf pour Garris, bien aidé par son réseau et par Stephen King). Et puisqu’il faut bien un crétin pour la faire, ce sera moi : des masters of horror “mineurs”…

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  • Ces petites mains assez anonymes, quand à coté on a de gros mastodontes comme Guillermo Del Toro, Sam Raimi, Peter Jackson, Robert Zemeckis, elles me font du bien, pas toujours des films de qualités, mais ca reste de bon petits plaisir. Dernièrement je suis tombé sur deux films réalisés par un réalisateur que je connaissais pas, Legion et Priest, le premier est un mélange de Terminator et Assaut et le second est une sorte de Judge Dredd avec un prêtre tueur de vampires.

    Ces deux films ont été jouissifs à regarder, bien rythmés, bien réalisés, avec de l’action, de l’horreur, du suspense. Ils ont été reçus avec indifférence et se sont plantés au cinéma. Le réalisateur Scott Stewart s’en est mieux sorti avec son histoire d’enlèvement extra-terrestre (Dark Skies) tous aussi bon, mais peine depuis à concrétiser ses films depuis 2013, tournant anonymement des épisodes de séries insipides.

    Scott Stewart, tout comme Louis Morneau (Hitcher 2, Retroaction, Joyride 2), et bien d’autres petits réalisateurs sont des petites mains qui offraient de bonnes séries B à budgets moyens mais pas suffisamment car elle ont fini par disparaitre aux profit de gros films comme les films de super héros et autres baudruches et de films à petit budget du style Blumhouse qui avec son modèle économique a mis sur la touche de nombreux réalisateurs de série B.

    Aujourd’hui Louis Morneau ne tourne plus et Scott Stewart réalise des épisodes télé médiocres, Blumhouse et Disney ont fait de gros dégâts, les films de 20 à 60 millions de dollars sont moins présents qu’auparavant et le résultat est souvent assez décevant.

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