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Halloween 6 : La Malédiction de Michael Myers – Joe Chappelle

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Halloween : The Curse of Michael Myers. 1995

Origine : Etats-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Joe Chappelle
Avec : Marianne Hagan, Paul Rudd, Donald Pleasence, George P. Wilbur…

Plus que la chute de popularité des slashers, des questions juridiques entravèrent la mise en chantier du sixième Halloween, pourtant amorcée à peine le cinquième volet sorti. Mustapha Akkad, producteur historique de la franchise, dut retarder le projet pendant cinq ans, le temps que Dimension / Miramax s’empare des droits de distribution de la saga. Une fois le projet Halloween 6 relancé, il fallut trouver un scénario dans l’urgence, puisque la date de sortie du film était déjà imposée. Le choix se porta sur le scénario de Dan Farrands, un fan de la saga qui avait déjà proposé sa création au producteur de Halloween 5 quelques années plus tôt. Et puis il fallut peaufiner l’histoire imaginée par Farrands, un peu plus ambitieuse que celle de la doublette Halloween 4 / Halloween 5, qui surfaient tous deux sur feu la mode du slasher (pas de bol, le renouveau ne viendra qu’un peu plus tard, avec Scream, produit par la même Dimension). Et c’est là que les ennuis commencèrent vraiment : entre un réalisateur modifiant le scénario d’origine à même le tournage, les changements décidés suite aux projections tests, la mort de Donald Pleasence avant que les nouveaux plans n’aient été tournés, les exigences du comité de censure et les ingérences du studio bien connu pour son manque de scrupules, Halloween 6 perdit de sa cohérence. A tel point qu’à ce jour, plusieurs versions existent, la plupart confidentielles. La “version producteur” est paraît-il celle qui se rapproche le plus de ce qui fut initialement envisagé, et serait la meilleure du lot. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas certain de la version visionnée pour la présente critique, même si mes soupçons se portent fortement sur la version sortie en salles (la seule a avoir été distribuée en France, seulement en VHS). Cette conception chaotique est quoi qu’il arrive dommageable pour un film qui cherche à la fois à relier d’une façon ou d’une autre tous les précédents films de la série (y compris le troisième) et à expliquer en détail l’histoire de Michael Myers tout en marquant un nouveau départ pour cette franchise essoufflée en apportant un renouveau de sa mythologie. Vaste programme, sur lequel on peut déjà trouver à redire en restant perplexe sur cette manie d’expliquer tout en long et en large, comme Farrands l’a fait. Halloween 6 est le prototype du film conçu par un fan, qui recherche coûte que coûte à trouver un sens à ce qui n’en a jamais eu dans l’esprit des concepteurs des films précédents.

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La Malédiction de Michael Myers, puisque c’est sous cet intitulé que le film fut vendu, pâtit déjà des défauts de son prédécesseur. Halloween 5 s’achevait sur la libération de Michael Myers, enfermé en cellule, par un mystérieux homme en noir arborant des signes cabalistiques sur son bras. Qui était cet homme ? Après que Farrands les eut contacté, ses homologues du film précédent crachèrent le morceau : personne ne l’a jamais su. Pour autant, l’enthousiaste scénariste resta soucieux de maintenir la logique. Il imagina donc une vaste légende celtique attribuant des “protecteurs” à Michael Myers, et attribuant par la même occasion une explication à l’acharnement psychopathe de Myers contre sa famille à chaque nouvelle fête d’Halloween. Il y a longtemps de cela, un démon celte imposa son chantage aux tribus (que ceux qui n’ont pas envie de connaître en détail la “malédiction” de Myers avant de voir le film passent au paragraphe suivant) : la désolation complète s’abattrait sur elles si un sacrifice n’était pas perpétré en son nom. Le sacrifice devait être celui d’une famille. Un enfant issu de cette famille devait devenir le réceptacle du mal, et la malédiction changerait de famille lorsque l’enfant aurait tué tous ceux de son sang. Michael Myers est bien entendu le fameux esprit du mal.
Chez les Myers, seule Jamie, nièce de Michael, a survécu. C’est là qu’un nouveau défaut issu de Halloween 5 se fait sentir. Le film de Dominique Othenin-Girard devait s’achever par l’enlèvement de celle qui n’était alors qu’une gamine par l’homme en noir qui venait de libérer son oncle de prison. La séquence ne fut pas insérée dans le montage final. Farrands la reprit malgré tout, et ouvre son film sur la séquestration de Jamie, qui s’apprête à accoucher d’un bébé convoité par la secte. Avec l’aide d’une infirmière, la jeune maman parvient à s’échapper avec son fils, qu’elle réussit à mettre en lieu sûr avant d’être assassinée par Michael Myers. Le bébé est plus tard récupéré par Tommy Doyle, qui bien des années plus tôt fut sous la garde d’une baby sitter nommée Laurie Strode, la nuit même où celle-ci fit la connaissance du tueur. Désormais hanté par le souvenir de Myers, Tommy contacte le Dr. Loomis pour l’aider à protéger le fils de Jamie… et celui de Kara Strode, nièce de la famille adoptive de Laurie, qui habite dans l’ancienne maison des Myers. Car une fois que la malédiction des Myers prendra fin, celle des Strode devra commencer.

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Voilà. Quoique, j’ai oublié de dire que le revenant Tommy Doyle loge chez une bonne femme louche dont le nom est mentionné dans Halloween 3. Ça fait tout de même beaucoup de choses pour un même film, surtout avec le bordel autour de sa création. Trop pour que tout se tienne avec cohérence. Ainsi, quelques trous énormes viennent plomber la tentative de donner une justification au personnage de Michael Myers. On ne comprend pas pourquoi la secte s’est emparée de Jamie et l’a mise enceinte (qui est le père, d’ailleurs, puisque l’enfant a été conçu alors que la nièce Myers était déjà séquestrée ?) alors que le but de Michael Myers est justement de supprimer toute sa famille. Du reste, on ne comprend même pas l’objectif de la secte : la malédiction n’a pas besoin d’elle pour se perpétuer. Sous prétexte de ré-employer des personnages aperçus dans les premiers films de la série, et parfois dans des rôles mineurs, Halloween 6 se lance dans des tirages de cheveux inimaginables, qui forcément n’aident pas à prendre au sérieux l’histoire de la malédiction celtique. Pourtant, quitte à donner une explication, celle-ci se tenait plutôt bien en réussissant à justifier Halloween, l’acharnement sur la famille Myers et “le mal absolu”. Mais rien à faire, tout va trop vite et les personnages débarquent comme des cheveux sur la soupe au point qu’aucun d’entre eux n’est suffisamment développé. Perdu au milieu de gens qui en savent long et qui se lancent dans de vastes entreprises (le complot est sans aucun doute inspiré de Rosemary’s Baby), Michael Myers n’a plus grand chose de menaçant. On finit par se dire qu’il est lui-même perdu au milieu de tout ce foutoir, et qu’il ne demandait qu’à rester un simple tueur des familles. Paradoxalement, là où Chappelle et Farrands cherchaient à accroître son aura en développant son aspect maléfique, ils ne réussissent qu’à créer le décalage entre “l’hénaurme” nature qu’ils lui inventent et la réalité des faits, c’est à dire celle du bon vieux Myers un peu bêta qui ne fait qu’assassiner. Car ce Myers-là n’est plus “la silhouette” qu’il était dans le premier film, c’est un simili Jason Voorhees tout en puissance (il n’a jamais été aussi costaud, et ses meurtres n’ont jamais été aussi sanglants, ce qu’on ne peut pas reprocher au film).
De son côté, le Docteur Loomis est tout autant débordé par ceux de son camp. Lui aussi semble un peu dépassé par cette soudaine frénésie scénaristique qui accompagne l’énième retour de Michael Myers. La rumeur veut même que Joe Chappelle ait supprimé certaines de ses scènes du fait qu’il les jugeaient d’une trop grande mollesse. Tommy Doyle, successeur désigné du bon docteur dans la défroque du combattant à la Van Helsing, est bien plus tonique que Loomis ne l’a jamais été, et le renouveau désiré par le scénariste de la série se profile ici nettement. L’oiseau de mauvaise augure qu’a toujours été Loomis laisse place à un jeune marginal dégourdi qui entraîne avec lui le film vers davantage d’action (quelques effets de réalisation typées vidéo-clip viennent moderniser la saga) au détriment de l’épouvante à la John Carpenter, que les prédécesseurs de Joe Chappelle avaient de toute façon toujours été incapables d’égaler. Cette nouvelle orientation, qui sera plus tard reprise par le catastrophique Halloween Resurrection, ne saurait donc être condamnée dans le cas présent, surtout que le film reste encore marqué par sa profonde déférence pour la saga originale et ne repose que sur la volonté de la redynamiser. Ainsi, contrairement à ses successeurs (je pense surtout au prétentieux h20, cette nullité opportuniste se prétendant suite directe de Halloween II), Halloween 6 reste encore attaché aux autres films de la saga, y compris les plus mauvais. Et puis il y a la présence de Donald Pleasence, dont la mollesse s’explique aussi par un état de santé déclinant qui fit de lui un vieillard à la voix cassée. Si son rôle n’est ici guère mis en valeur, on peut toutefois se féliciter qu’il n’ait pas fait de lui un vieux bouc sénile tout juste bon à répéter que Myers est le mal (scorie récurrente des précédents films, surtout du quatrième). Compte tenu de son état de forme, Pleasence ne pouvait guère faire mieux, et rendons donc hommage à son dernier baroud d’honneur dans la saga qui fit revivre sa carrière. Il s’agit de son avant-dernier film.

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En bon fan qu’il est, Dan Farrands a voulu voir trop grand. Son film ne manque pas de bonnes idées, ni de fausses bonnes idées, mais se révèle incapable de les gérer correctement, si tant est qu’il était possible de faire quelque chose de censé avec un matériau aussi foisonnant. C’est un véritable magma de secrets dévoilés, d’éléments anciens qui resurgissent ou de faits nouveaux qui étaient censés tendre des perches aux prochains films. Hélas, personne ne les saisira. A tout prendre, Halloween 6 aurait dû être le dernier film de la série. Moins bon que Halloween ou qu’Halloween 2 (voire que le cinquième), mais bien meilleur que le quatrième, le h20 ou le Resurrection, il offrait une porte de sortie un minimum honorable à Michael Myers, tout en étant le film qui de toute la saga est à la fois le plus novateur et celui qui est le plus respectueux (parce que bon, le coup de “revenir aux bases de Carpenter”, c’est bien joli, chaque nouveau réalisateur le revendique, mais concrètement, c’est très hypocrite).

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