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Devil Times Five – Sean MacGregor, David Sheldon

deviltimesfive

Devil times five. 1974

Origine : Etats-Unis 
Genre : Thriller horrifique 
Réalisation : Sean MacGregor, David Sheldon 
Avec : Gene Evans, Taylor Lacher, Joan McCall, Carolyn Stellar…

Deux couples se rendent dans une bâtisse en pleine montagne pour y parler affaire avec leur très peu sympathique boss Papa Doc (Gene Evans), accompagné de sa femme Lovely (Carolyn Stellar). Dans le même temps, pas très loin de la propriété, un bus sort de la route avec à son bord cinq gamins quelque peu psychopathes. Indemnes, les vauriens vont trouver refuge chez Papa Doc. Le téléphone est coupé, et les adultes doivent donc se résigner à héberger les enfants.

Pour plusieurs raisons, Devil times Five (aussi appelé The Horrible House on the Hill ou People toys, sauf en France où on ne l’appelle pas puisqu’il reste inédit) est un étrange petit film. La première de ces raisons est assez classique : Sean MacGregor, son premier réalisateur, le laissa en plan après n’avoir tourné qu’une quarantaine de minutes. Quoique novice derrière la caméra, son remplaçant, David Sheldon, fut formé chez l’American International Pictures où il occupa des tâches de production qui l’amenèrent plus tard à fréquenter bon nombre de plateaux de blaxploitations (mais aussi ceux de Bertha Boxcar de Scorsese, ou de Sœurs de sang de De Palma). Il se fera aussi un nom comme scénariste et comme metteur en scène à Broadway, en compagnie de son épouse Joan McCall, actrice dans Devil times Five et scénariste en devenir. Mais pour l’heure, il devait sauver le film du naufrage, et ce dans une situation d’urgence rendue inévitable par un trop grand délai entre le départ du premier réalisateur et la venue du second. Difficile pour un débutant. Sans surprise, la mission n’est pas vraiment réussie, puisque le film trahit grossièrement la nécessité de gonfler par deux une histoire minime. Devil times Five souffre d’un vide quasi abyssal étendu jusqu’à une vingtaine de minutes avant son dénouement. Nous avons ainsi droit à l’inévitable tranche de vie de tous les personnages adultes, regroupés autour d’un tyraillon vaguement mafieux, Papa Doc (Gene Evans, quand même deux Peckinpah au compteur), qui se trouve être le moins approfondi de tous les personnages. Son rôle consiste en gros à rabrouer tout ceux qui ont la mauvaise idée de l’approcher, ce qui conduit donc les autres personnages à réagir en fonction : Rick s’en fout et se plaît à faire râler le vieil emmerdeur tandis que sa femme (Joan McCall), par ailleurs fille de Papa Doc, essaie d’apaiser les tensions sans vraiment s’en montrer affectée. Ces deux-là sont les “héros” du film : non pas parce qu’ils apportent un plus à l’intrigue (ils sont d’une banalité navrante), mais tout simplement parce que ce sont eux qui ont le droit au plus de temps de présence à l’écran. A côté d’eux, nous trouvons Harvey, qui essaie de se faire bien voir et lèche le cul du chef, tandis que sa femme Ruth noie dans l’alcool son désespoir d’avoir une telle lopette en guise de mari. Le domestique Ralph (joué par le scénariste du film) est quant à lui un peu attardé et préfère parler à ses animaux. Ces relations n’évoluent pas et restent embourbées y compris lorsque les enfants ont fait leur apparition, rajoutant à la psychologie de bas étage tout un cortège de gamineries horripilantes.

Ces enfants meurtriers sont en fait des enfants agités comme il en existe tant, du genre à sauter partout, à brailler et à discuter de tout et de rien. Chacun est pourvu d’un trait de caractère distinctif : l’un d’entre eux se prend pour un militaire, un autre pour un futur acteur, une autre pour une bonne sœur, une autre est attirée par le feu et la dernière -la plus jeune- semble particulièrement sensible au sort des animaux. Tout cela trouvera plus ou moins écho dans les meurtres, qui apparaîtront ainsi comme le prolongement de ces jeux puériles. Les enfants auront donc le fin mot de l’histoire, tandis que toute la “psychologie” des adultes, c’est à dire la plus large partie du film, aura tourné indéfiniment à vide, buttant à l’occasion sur les grossières incohérences probablement imputables aux modifications amenées par l’arrivée de Sheldon au poste de réalisateur. Plusieurs choses ne font ainsi aucun sens et ne se sont retrouvées dans le film qu’au prix de cette fameuse nécessité de faire de Devil times five un long-métrage. On trouve ainsi des scènes totalement inutiles (un homme se lève pour répondre à un klaxon devant sa maison… et c’est tout, on passe à autre chose), d’autres qui soulèvent un conflit sorti de nulle part et qui ne sera plus abordé (la liaison passée entre Rick et Lovely), d’autres qui restent ambiguës (les enfants qui parlent d’un certain George, que l’on ne verra jamais…). Quoique la plupart de ces symptômes de remplissage soit anecdotique et ne fait que rajouter de la confusion à un film stérile, certains autres se révèlent assez amusants : ce sont principalement les scènes tournant autour de Lovely, la femme de Papa Doc incarnée par Carolyn Stellar. Il y a déjà une bagarre l’opposant à la femme de Rick, prétexte d’une futilité déconcertante pour faire s’arracher les vêtements à deux jeunes femmes, et il y a surtout la scène où la décidément très facétieuse Lovely s’amuse à demander au domestique attardé de se déshabiller pour mieux l’humilier. Jusque dans les meurtres, Lovely s’impose comme le seul personnage amenant un tant soit peu d’animation : elle meurt bouffée dans sa baignoire par les piranhas déversés par la plus jeune des enfants…dont l’interprète est à la ville la fille de Carolyn Stellar. Laquelle a également placé un autre de ses rejetons dans les cinq meurtriers en culotte courte, à savoir Leif Garrett, qu’elle poussait d’ailleurs au même moment à devenir un enfant chanteur, non sans un certain succès (éphémère, puisqu’aujourd’hui, entre deux ennuis avec la justice, il se fait surtout remarquer dans des émissions de télé réalité pour célébrités démodées). Les deux gosses se sont visiblement bien amusés à voir leur mère jouer la salope à l’écran ! Heureusement que Carolyn Stellar était là, car elle est à peu près la seule attraction pour le spectateur…

Les autres meurtres se font au mieux quelconques (un peu à la façon “farces et attrapes”) et au pire désespérément poussifs. Ainsi l’un des deux réalisateurs a-t-il réussi l’exploit de parachuter à mi-film un premier meurtre qui se fait encore plus lassant que les dialogues ineptes qui l’entourent. Là où l’intervention d’un meurtre “annonciateur” cherche généralement à susciter un regain d’intérêt pour une durée assez courte, celui-ci donne envie d’arrêter le film. Il s’agit d’un meurtre presque irregardable du fait d’une part de l’emploi d’un noir et blanc sur-saturé et d’autre part d’une diffusion au ralenti (voire au ralenti du ralenti). On ne voit rien, c’est interminable, et c’est avec soulagement que l’on retourne aux tristes réalités. Bien que moins pénibles, les autres meurtres souffrent également de superficialité, dont la moindre preuve n’est pas cet improbable arrêt sur image sur la réaction d’un des hommes devant le meurtre de sa femme. Guère convaincus par leurs propres effets, les réalisateurs semblent avoir hésité entre une tonalité comique amenée à la fois par les enfants joueurs et par les adultes débiles et un penchant pour le malsain représenté par l’innocence des gamins (une dualité également représentée dans une musique “double”, qui superpose marche militaire et mélodie enfantine). Comme souvent, le mélange fait rater les deux options, ce qui avec les divers défauts de continuité et les signes de remplissages éhontés conduisent donc à faire de Devil times five un film étrange, et pas franchement dans le bon sens du terme. Au passage, l’aspect “montagnard” de l’intrigue aura été totalement oublié, les réalisateurs ne s’en servant ni comme élément claustrophobique ni même comme simple moyen de donner un style visuel à leur film. Il n’y a ici vraiment rien à signaler : Devil times five est une petite production ratée, finalement plus amateur que certains autres films au budget encore moindre tournés au sein de cette décennie 70 pourtant propice à ce genre d’exercice.

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