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Spider Baby – Jack Hill

spiderbaby

Spider baby or, The Maddest Story Ever Told. 1968

Origine : Etats-Unis 
Genre : Comédie horrifique 
Réalisation : Jack Hill 
Avec : Beverly Washburn, Jill Banner, Lon Chaney Jr., Sid Haig…

Connaissez-vous le syndrome Merrye ? Non ? Et bien c’est normal, il n’a jamais été reconnu par les autorités médicales. Et d’ailleurs, comme nous le dit l’homme qui s’apprête à nous raconter l’histoire de la dernière génération de famille Merrye, ce syndrome n’existe plus. Il a disparu en même temps que ses derniers porteurs, qui a un certain âge ont commencé à psychologiquement régresser jusqu’à retourner en enfance et même au-delà, jusqu’à une période où l’humain était encore une bête sauvage. Orphelins, Elizabeth, Virginia et Ralph Merrye (respectivement Beverly Washburn, Jill Banner et Sid Haig) ont été confiés par leur père mourant à Bruno (Lon Chaney Jr.), le chauffeur de la famille. Leur vie se déroulait paisiblement jusqu’à ce qu’un avocat et sa femme ne débarquent au manoir en compagnie d’Emily et de Peter, une branche éloignée de la famille Merrye davantage attirée par l’héritage que par l’attachement familial.

Provisoirement éloigné de Roger Corman, Jack Hill n’en continue pas moins d’être influencé par son mentor. Spider baby s’inscrit dans le prolongement de Bucket of blood et de La Petite boutique des horreurs, ces comédies noires (et blanc) réalisées avec trois bouts de ficelles par l’immense Roger à l’aube des années 60. Également produit par des indépendants peu fortunés (tellement peu qu’ils firent faillite avant la sortie du film, la repoussant de quatre ans), Spider baby s’apparente à ses prédécesseurs avant tout par la distance prise par le réalisateur avec son sujet et qui se traduit dès l’entame du film par le procédé théâtral du présentateur venant nous raconter une histoire avec un sourire complice en coin. Il ne s’agit pas ici de prendre l’histoire au pied de la lettre, puisque tout y sera traité à la légère, plaçant la comédie au dessus de toutes les autres considérations. Concrètement, le côté macabre voire triste de cette famille en pleine dégénérescence sert d’appui pour insuffler une première dose de méchanceté décapante. C’est le rôle des trois enfants Merrye et celui de leur tuteur actuel, Bruno. Loin de prêter à la compassion, la maladie fait rire et se montre même attractive : Virginia, la “spider baby” du titre, est fascinée par les araignées au point de pratiquer le “jeu de l’araignée” dans lequel elle imite les arachnides pour immobiliser ses proies dans sa toile avant de se contorsionner jusqu’à eux pour planter son venin, ou plus précisément un couteau. Le premier meurtre, celui du facteur, impose d’emblée l’originalité du film en nous présentant l’un de ses personnages principaux sous un angle qui ne nous permettra plus d’avoir une vision “normale” de Virginia. Sa soeur Elizabeth est quant à elle l’incarnation de la petite fille sage, à ceci près que sa candeur transpire l’hypocrisie et l’envie de meurtre. Elle est en quelque sorte une version comique de tous les enfants criminels du cinéma. Le frère Ralph est pour sa part revenu à l’état sauvage, et Sid Haig (vieux complice de Jack Hill, puisqu’il jouait déjà dans The Host, film réalisé alors que Hill était encore étudiant) utilise son physique déjà impressionnant pour jouer les cinglés congénitaux. Quant à Bruno, il est le père de substitution qui prodigue un grand amour protecteur pour ses enfants timbrés. Les jeunes adultes retombés en enfance, le père solitaire et sentimental, tout ceci aurait pu virer au mélodrame, mais Hill préfère s’en amuser, tout comme Corman se riait de Walter Paisley l’artiste raté de Bucket of Blood ou de Seymour Krelboyne, l’amoureux très fleur bleue de La Petite boutique des horreurs. Pour ce faire, il insiste sur le fait que cette famille vit très bien comme ça, et qu’un ou deux meurtres de la part de ses enfants ne sont que des bêtises d’enfants qui ne méritent qu’une légère remontrance de la part d’un tuteur certes un peu trop laxiste. Le manoir délabré dans lequel vit tout ce petit monde s’apparente à une maison fantôme de parc d’attraction, avec quelques secrets macabres (le squelette du père mort qui a droit à sa propre chambre, l’oncle et la tante encore plus dégénérés remisés dans un sous-sol) qui ne dépareilleraient pas au sein de la famille Addams, dont la série télévisée fut d’ailleurs inaugurée l’année même où fut conçu Spider baby.

Autre source de satire, la présence de cet avocat et de cette parente opportunistes venus troubler la vie hors normes de ce qu’il reste des Merrye. Des gens superficiels, haïssables dès le premier coup d’œil que l’avocat rondouillard avec son cigare et que cette femme BCBG vaniteuse. Les voir placés face aux sympathiques timbrés et plongés dans leur mode de vie très spécial est une revanche certes facile mais très plaisante. On retiendra surtout une scène de repas où Sid Haig en profite pour se montrer, lui qui est un peu oublié par le réalisateur au profit de ses deux soeurs. Quant aux conjoints des deux opportunistes, ils semblent se fondre assez bien dans le mode de vie du manoir, et développent eux-même une part d’anormalité -leur goût pour le macabre- qui les poussent à flirter au nez et à la barbe de leurs conjoints respectifs, trop focalisés sur leur plan d’avenir pour y prêter attention. Pendant une assez longue période, Jack Hill se contente de ce postulat, ce qui créé un léger passage à vide auquel il met un terme avec délectation avec des meurtres là encore très originaux. Il replonge alors dans la comédie noire, rompant avec l’aspect “grand public” proche de La Famille Addams pour développer une immoralité qui fit quelque peu sensation à l’époque, ce qui valut au film de rester dans les mémoires au point de générer une adaptation sur les planches dans les années 2000 ainsi qu’un remake, encore actuellement en préparation. C’est qu’il ne se contente pas de quelques meurtres très inventifs qui aurait pourtant déjà suffit pour faire du film une réussite : il les mêle à un érotisme féroce, dû à la fois à cette bourgeoise passant toute la dernière partie du film en sous-vêtements à fuir ses assaillants et aux deux filles elles-mêmes, dont le comportement se montre sulfureux. En se prenant pour une araignée, Virginia rampe langoureusement sur une de ses victimes attachée dans sa “toile”, tandis qu’en jouant aux candides dans un corps d’adulte, Elizabeth se montre très aguicheuse. Mais là encore, Hill refuse de faire dans le premier degré : le comportement des deux filles laisse clairement entendre qu’elles ont pleinement conscience de ce qu’elles suscitent, un peu comme si le “syndrome Merrye” n’était qu’une ruse pour pouvoir se comporter ainsi. Quant à leur père adoptif, il n’en fait pas grand cas. Et puis de toute façon, les victimes féminines hystériques et en sous-vêtement n’aident pas à prendre tout cela au sérieux…

Quelque part, Spider baby fait la liaison entre l’humour noir des années 60 et la radicalité d’un film comme Massacre à la tronçonneuse (principalement dans son final frénétique). Sans le passage à vide de la moitié du film, ou plus exactement si la folie du premier et du dernier acte n’avait pas été interrompue, il y a fort à parier que le film de Jack Hill aurait été l’égal de La Petite boutique des horreurs. Cela aurait été également bénéfique à Lon Chaney Jr., qui aurait pu profiter de sa fin de carrière pour revenir sur le devant de la scène en jouant à l’image d’un Boris Karloff sur son image passée (qu’il ne se prive pas d’évoquer, d’ailleurs, notamment en poussant la chansonnette sur le générique de début, un sympathique cartoon horrifique).

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