Cérémonie mortelle – Howard Avedis
Mortuary. 1982.Origine : États-Unis
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Depuis la mort de son père, Christie Parson souffre de fréquentes crises de somnambulisme. Alors que les autorités avaient conclu à une mort accidentelle, la jeune femme reste convaincue qu’il s’agit d’un meurtre. Loin de partager ce sentiment, Eve Parson s’inquiète pour l’état de santé de sa fille, craignant qu’elle ne sombre dans la folie. Il en découle des tensions permanentes entre les deux femmes que même le dévoué Greg Stevens, le petit ami de Christie, est bien en peine d’endiguer. A cela s’ajoute l’impression persistante de la jeune femme d’être constamment suivie et épiée. Cet apparent délire de persécution prend une toute autre dimension à l’aune de la disparition de Jim au volant de la fourgonnette de Greg. Entre les fréquentes apparitions dudit véhicule sans l’ombre d’un Jim à l’horizon et les visites d’un mystérieux individu encapuchonné, Christie n’est pas loin de craquer. D’autant plus qu’elle apprend de la bouche de Greg que sa mère s’adonne à des séances de spiritisme. Tout cela aurait-il un lien avec la mort de son père ?
Le marché du slasher pourrait se résumer à cet adage légèrement remanié : lorsque les chats ne sont pas là, les souris dansent. Michael Myers et Jason Voorhees goûtant un repos bien mérité (le premier était appelé à ne plus revenir lorsque le second s’apprêtait un mettre un chapitre final à ses exactions), ce ne sont pas moins d’une quinzaine de slashers qui tentent de se faire une place au soleil en cette année 1983. Un embouteillage qui s’explique par l’incroyable rentabilité du genre. Tous ces films étant produits pour moins d’1 million de dollar, dégager un bénéfice – même minime – devient à la portée du premier venu. De Halloween, la nuit des masques, les producteurs avides de billets verts n’ont retenu que les résultats au box office et pas la réalisation au cordeau de John Carpenter. De nombreux néophytes ont ainsi pu se retrouver du jour au lendemain réalisateur de circonstance. Pour certains, l’aventure en restera là (Michael Elliot pour Les Jeux de la mort, John Grissmer pour Blood Rage) quand d’autres retomberont dans l’anonymat mais en laissant à la postérité l’amorce d’une franchise. Parmi eux, on retrouve Robert Hiltzik, auteur de Massacre au camp d’été (trois suites, et un reboot qu’il réalisera lui-même) et Charles E. Sellier Jr. à qui l’on doit Douce nuit, sanglante nuit (quatre suites). Howard Avedis n’aura pas ce privilège. Sorti aux États-Unis en septembre 1983, Cérémonie mortelle ne fera guère parler de lui, finissant directement dans les rayonnages des vidéoclubs en France. Plus opportuniste que réellement attaché au genre, ce réalisateur d’origine irakienne a essentiellement construit sa carrière américaine autour de thrillers sulfureux et érotiques. Propice à effeuiller ses comédiennes, le slasher ne pouvait que susciter son intérêt, bien que sur ce plan-là, Howard Avedis se montre plutôt timoré. De la nudité, il y en a, un peu, et surtout post-mortem sans jamais toucher du doigt le côté malaisant et morbide d’un Frissons d’horreur, par exemple. De manière générale, tout son film pâtit de sa frilosité et d’une ressemblance un peu trop marquée avec le déjà pas bien fameux Happy Birthday To Me du vétéran J. Lee Thompson.
Cérémonie mortelle s’ouvre sur une scène a priori anodine de farniente estivale au bord d’une piscine avant que l’irréparable se produise. Une scène qui se déroule au ralenti et dans une répétition de plans sous différents angles qui évoque la rémanence du souvenir. Un souvenir traumatique qui n’en finit plus de gâcher les nuits de Christie, laquelle revit sans cesse ce funeste événement dont elle n’a pas été témoin puisque dans la maison à ce moment précis. De cette incongruité naît l’incertitude quant à l’état de santé mentale de la jeune femme, corroborant ainsi les propos de sa mère. Cérémonie mortelle navigue toujours dans les mêmes eaux que Happy Birthday to Me, à ceci près que Christie ne compte jamais parmi les éventuels suspects. A cela une raison simple, celui-ci nous est révélé dès la deuxième séquence dans l’entrepôt funéraire où en dépit de quelques subterfuges de mise en scène, la présence de Bill Paxton sous la capuche noire ne fait aucun doute. Il est là, le malade mental. Un camarade de classe discret, amoureux contrarié et un peu vieux jeu qui s’amuse à tourmenter la jeune femme en tournant autour de sa maison, de préférence de nuit. Il s’affuble d’une sorte de tenue de procession, du même type que celle qu’arbore son père lors de ses séances de spiritisme, et qui contribuera à la popularité du Ghostface de la saga Scream, fer de lance du renouveau du slasher. Si on ajoute le maquillage blanc que Paul Andrews se tartine sur le visage, nous sommes en présence des seuls éléments du film qui feront école. Howard Avedis et son épouse Marlene Schmidt, créditée au générique en tant que scénariste, tentent néanmoins de s’émanciper de l’imagerie propre au slasher. Toute l’intrigue relève de l’intime, de tourments intérieurs que Christie et Paul arrivent plus ou moins à masquer. La figure du père occupe une place prépondérante dans leur existence. Par son absence dans le cas de la jeune femme et par son indifférence dans celui du jeune homme. Ce manque, physique pour l’une, affectif pour l’autre, conditionne leur rapport au monde. Depuis le décès de son père, Christie connaît des problèmes de libido, au grand dam de son petit ami, pourtant jamais avare d’attentions à son égard. Quant à Paul, il tente désespérément de se rapprocher de son père en jouant les élèves zélés, travaillant en marge de ses études dans l’entreprise de pompes funèbres paternelle. Il se force à être ce qu’il n’est pas pour un résultat nul puisque ses efforts ne provoquent que l’ire de son géniteur, jamais le dernier pour le rabaisser. Paul manque cruellement d’amour quand Christie peut compter sur les siens. Là sans doute se niche son déséquilibre même si le film fait peu de cas de la dimension psychanalytique du récit. Le terreau familial ne contribue pas à faire gagner Paul en épaisseur. Le personnage ne revêt d’intérêt que par la prestation survoltée de Bill Paxton, acteur encore débutant qui trouvera dans le genre fantastique au sens large le terrain de jeu idéal à l’expression de son talent. Cérémonie mortelle compte parmi ses deux incursions dans le slasher avec le téléfilm Deadly Lessons dans lequel il tournera l’année suivante.
Maintenant, encore faudrait-il pouvoir s’entendre sur ce que définit le terme slasher. Genre ultra codifié, le slasher repose en général sur un événement traumatique dont les répercussions peuvent se faire ressentir plusieurs années après, de préférence par de jeunes étudiants dans un contexte de préférence festif (vacances d’été, fêtes calendaires, remise de diplômes, …). Le tueur agit quant à lui masqué et développe un goût prononcé pour les armes blanches. Tous ces éléments se retrouvent à des degrés divers dans Cérémonie mortelle. Cependant, la manière dont Howard Avedis en use éloigne à mon sens son film du genre dont il se réclame. Le fait que l’identité du tueur nous apparaisse clairement dès le début joue pour beaucoup. Dépourvu de mystère, celui-ci n’est plus qu’un pantin au service d’un récit tellement balisé qu’il en empêche toute implication. Et comme le récit s’avère plutôt chiche en meurtres (ils se comptent sur les doigts d’une main et ne brillent pas par leur originalité), le slasher attendu cultive les déceptions. Un exemple parmi d’autres, les camarades de classe de Christie et Greg ne font que de la figuration, totalement étrangers aux événements. En réalité, Howard Avedis lorgne davantage du côté de l’horreur gothique. Ses nombreuses incursions à l’intérieur de la maison funéraire avec force détails sur les pratiques de thanatopraxie renvoient notamment aux travaux d’un baron Frankenstein ou du Dr. Robert Knox de L’Impasse aux violences. Mais le plus flagrant tient aux crises de somnambulisme de Christie, durant lesquelles elle erre dans l’immense demeure familiale. Vêtue d’un déshabillé vaporeux, elle semble sous l’emprise d’une force démoniaque, tel Dracula appelant à lui les victimes qu’il s’est choisies. Cela confère un soupçon d’érotisme auquel participe allégrement Lynda Day George, elle aussi affublée d’un déshabillé pour l’occasion, parcourant la maison à la recherche de sa fille en souffrance. Cela reste néanmoins de l’ordre du decorum. Howard Avedis n’exploite pas plus ces éléments que les séances de spiritisme auxquelles participe la mère de Christie, en compagnie d’autres femmes de la ville. Il se contente de lancer des fausses pistes dans un effort superflu puisqu’il grille ses cartouches d’entrée de jeu. De fait, rien ne vient nous sortir de notre torpeur. Le film demeure très sage dans tout ce qu’il entreprend, meurtres inclus, et souffre d’un trop grand sérieux. Non pas que l’absence de second degré soit regrettable, cette tendance est pour beaucoup dans le déclin du genre, mais un peu de fantaisie n’aurait pas été de trop. A une scène près, Paul Andrews s’en allant gaiement se recueillir sur la tombe de sa mère, rien ne vient sortir le film de ses rails. Et comme Howard Avedis ne se montre pas particulièrement adroit dans la construction du suspense, notamment tout ce qui tourne autour du jeu du chat et de la souris qu’entreprend Paul avec Christie, Cérémonie mortelle se maintient sans peine dans le bas du panier de l’offre de l’époque, pourtant riche en produits aussitôt consommés, aussitôt oubliés.
A mi-chemin entre le giallo et le slasher, Cérémonie mortelle peine à se constituer une identité propre. La présence d’une maison funéraire dans le récit n’apporte pas le soupçon de macabre en plus que nous pouvions espérer. Le film manque singulièrement de caractère, à l’image de ses personnages et de la mise en scène d’Howard Avedis. Loin d’être mémorable, il ne doit qu’à la présence de Bill Paxton d’avoir été exhumé des limbes par Rimini éditions, assorti d’un attrait jamais démenti pour la production horrifique des années 80. En tout cas pour les gens de ma génération qui ont grandi entre magazines spécialisés et vidéoclubs.