Warlock : The Armageddon – Anthony Hickox
Warlock: The Armageddon. 1993
Origine : États-Unis |
C’est pas souvent que dans une même semaine se produisent une éclipse de lune et une éclipse du soleil. Et heureusement, car durant les 6 jours séparant ces deux merveilles de la nature, Dieu est aux abonnés absents et Satan en profite pour essayer d’imposer son règne sur la Terre. Pour cela, pas de recette miracle mais une bonne organisation : il faut que son fils le Warlock renaisse depuis les entrailles d’une pauvre bougresse portant un certain pendentif maléfique, puis il faut qu’il s’active pour retrouver 5 autres pendentifs d’ici à l’éclipse solaire. Jusqu’ici, le monde a échappé à cet armageddon grâce à la vigilance de braves druides parvenant toujours à éviter que ces conditions soient remplies. Mais alors que les cieux sont favorables au retour du Warlock, les six druides actuels ne sont pas prêts. Déjà ils sont divisés : un d’entre eux a tourné le dos à sa destinée et un autre s’est improvisé héros, emportant la dague qui doit servir à tuer le Warlock. Or, cet intrépide n’a aucune chance de réussite puisqu’il n’est pas un druide combattant. Que font donc ces derniers ? Et bien, quoiqu’étant respectivement fils et fille de deux autres druides (dont celui qui ne veut plus entendre parler de prophéties), ils ne sont au courant ni de leur nature ni de l’histoire du Warlock. Et comme il leur faut mourir avant de réapparaître dotés de pouvoirs magiques qu’il leur faudra apprendre à maîtriser, on peut affirmer sans trop se tromper que les sentinelles de l’humanité sont franchement à la bourre.
Les gens de Trimark aussi sont à la bourre. Alors que les grandes vedettes du slasher sont tombées en désuétude, eux cherchent à imposer leur propre monstre (le Leprechaun, tout beau tout neuf) et récupèrent ceux des autres pour leur rajouter une unité au compteur (le Stepfather connaît ainsi sa troisième aventure, et le Warlock sa seconde). De leur côté, le réalisateur Anthony Hickox et le scénariste Kevin Rock ne sont jamais en retard d’une séquelle : Hellraiser III et Waxwork 2 pour l’un, Hurlements 6 et Philadelphia Experiment 2 pour l’autre. Les deux camps sont donc amenés à se rencontrer et, dans l’allégresse générale, à proclamer l’existence de ce Warlock : The Armageddon qui remet les compteurs à zéro en faisant l’impasse sur les évènements du premier film et sur le chiffrage du titre. C’est qu’il ne faudrait pas intimider les spectateurs qui n’ont pas vu le Warlock de Steve Miner. Mais il ne faudrait pas non plus se mettre à dos ceux qui l’ont vu et apprécié. D’où une certaine parenté narrative : ainsi le film commence comme son prédécesseur par un flash-back situé dans un passé lointain, ainsi envoie-t-il le Warlock à la chasse aux ingrédients magiques (des pages de grimoire en 1989, des pendentifs ici), ainsi a-t-il recours à une association entre la vieillerie et la modernité (les vieux druides et les deux jeunes combattants faisant écho au tandem anachronique). Et puis surtout, la personnalité du Warlock demeure globalement inchangée. Toujours interprété par un Julian Sands tout de noir vêtu, celui que Satan a finalement dû reconnaître comme fils entre les deux films se montre toujours aussi froid et austère. Un port aristocratique qui marque la solennité de sa cause mais qui n’exclut pas un sens avisé de l’humour noir appris à l’école Freddy Krueger. Cela passe par des répliques bien senties au moment opportun et par cette façon d’humilier les victimes non sans les avoir cordialement poussées à lui céder leurs précieux pendentifs (il ne peut les prendre de force). Vil tentateur, ce Warlock est bien le fils de son père.
Anthony Hickox, qui avant de se plonger dans le monde des séquelles avait conçu deux honnêtes comédies horrifiques (Waxwork et Sundown), se plait dans cet univers pince-sans-rire qu’il conçoit, un peu à la manière de Waxwork, en fonction d’univers bien distincts. C’est à dire que chaque victime présente des spécificités qui lui sont propres et qui seront exploitées jusqu’au bout par le Warlock et par le réalisateur, alliés en la circonstance puisque Hickox ne se prive pas de rendre parfaitement ridicules ceux que son personnage va mettre à mort. Le forain gérant d’un manoir hanté, la couturière en plein défilé, le collectionneur d’art plein aux as et quelques autres parfois tourmentés uniquement pour le plaisir, tous sont menés par le bout du nez par le Warlock qui exploite leur univers pour les conduire à la faute et les exécuter de manière tout à fait originale en faisant ressortir leurs vices respectifs. Cerise sur le gâteau et première véritable différence avec le premier film, tout cela se montre en plus généreusement gore, avec mention particulière à la scène de naissance du Warlock, qui à elle seule ressemble plus à du Hellraiser que le Hellraiser III que Hickox venait juste de pondre. Alors qu’il se faisait plus ou moins voler la vedette par le couple de héros dans le premier film, le Warlock prend ici sa revanche et se montre un méritant héritier de Freddy Krueger sachant aussi apporter sa touche personnelle, la Trimark réussissant là où elle avait échoué avec son poussif Leprechaun.
Niveau horrifique, rien à dire : cette séquelle est même meilleure que l’original. En revanche, l’équilibre dont Miner avait su faire preuve est rompu par ce choix saugrenu de cloisonner d’un côté le Warlock et de l’autre ses adversaires. Non pas que ce choix soit intrinsèquement mauvais, même si on est en droit de préférer une intrigue en un seul bloc menée tambour battant comme dans le film de Miner, mais encore faudrait-il que les deux parties s’équivalent. Ce qui, excepté pour les quelques affreux effets spéciaux numériques employés dans l’une comme dans l’autre (Hickox fait de toute évidence mumuse avec ce jouet flambant neuf), est loin d’être le cas, avec tous ces gentils druides passant leur film à papoter et à préparer le combat final. Ainsi, Hickox alterne entre les réjouissantes scènes du Warlock et celles, nettement plus plates, des personnages censés le combattre et qui servent en fait à développer une pseudo mythologie à la fois simpliste et ampoulée, pleine de codes aussi rigides qu’inutiles dont les personnages se doivent de nous faire part avant de se préparer à la tant attendue explication finale. C’est d’un laborieux ! Entre l’évocation des tenants et des aboutissants, la mort nécessaire et la résurrection d’un premier druide combattant, l’explication qui s’ensuit, puis rebelote pour la deuxième combattante dont le père doit d’abord être convaincu et patati et patata… Voici une exposition qui se traîne du début à la fin, et qui s’alourdit en plus d’une romance typique des séries B produites à destination des adolescents. Car en plus de devoir se faire à l’idée de leur condition de druides combattants qui avant la prochaine huitaine auront dû sauver le monde en venant à bout du fils de Satan, les deux jeunes que sont Kenny et Samantha s’aiment en secret, mais ne peuvent vivre leur amour au grand jour faute de l’approbation du paternel de Samantha, le druide renégat devenu pasteur. Et puis il y a le caïd du coin qui a des vues sur elle, tant et si bien qu’elle ne sait plus trop si elle veut partir pour la grande ville avec Kenny sitôt les examens finis. Et re-patati et re-patata.
Sirupeux à souhait, avec dialogues confondant de bêtise et même une scène de tendres baisers nocturnes dans un cimetière sous une pluie de feuilles mortes. Et dire que R.G. Armstrong, glorieux second couteau d’Hollywood et d’ailleurs, est l’un des druides servant de nounou à ces deux exécrables héros. Probablement un peu honteux de le réduire à ça, Hickox se rappelle du concept de Waxwork et trouve tout de même le moyen de lui rendre un petit hommage en guise de dédommagement. Il lui taille au débotté une scène trempée dans le western (celle de la confrontation avec le Warlock), genre dans lequel il s’est particulièrement illustré sous les ordres de Sam Peckinpah. Au passage le réalisateur, qui doit décidément être un homme fort amical, pour ne pas dire un émule de Mick Garris, recycle sa Paula Marshall d’Hellraiser III en la portant à la tête d’affiche et invite aussi Zach Galligan, héros de Waxwork, à faire un caméo… comme il l’avait déjà fait dans Hellraiser III. Mais ce ne sont pas ces copinages ou clins d’œil qui permettront d’oublier que Warlock : The Armageddon n’avance que sur une jambe, celle du Warlock qu’on aurait vraiment aimé voir triompher dans les plus brefs délais. Il y avait pourtant les prémices d’un échappatoire à cet égarement : l’animosité des habitants du patelin envers le père de Kenny et les autres druides, perçus -ô cruelle ironie !- comme des adorateurs de Satan responsables des sinistres présages qui s’accumulent. Hickox tenait là l’occasion de pimenter un peu la vie de ses personnages de gentils gagas au lieu de nous pondre un improbable mélange entre les Rocky (le coup de l’entraînement accéléré) et de la triste série Buffy qui n’avait pas encore vu le jour. Mais hélas, non seulement il ne fait strictement rien de ses villageois bigots qu’un rien suffit à faire taire mais il en ressort en plus une autre occasion de s’apitoyer sur le pauvre Kenny, qui vit plutôt mal la mauvaise réputation familiale. Et du coup, Warlock : The Armageddon de continuer en film unijambiste alors qu’il aurait pu se contenter d’un pied-bot.