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Leprechaun – Mark Jones

leprechaun

Leprechaun. 1993

Origine : Etats-Unis
Genre : Fantastique
Réalisation : Mark Jones
Avec : Warwick Davis, Jennifer Aniston, Ken Olandt, Mark Holton…

Le vieux O’Grady est bien content : il est retourné dans son Irlande natale en deuil, et il en est revenu riche du pécule d’or volé à un leprechaun. Il aurait pourtant dû savoir que l’océan Atlantique n’était pas de taille à arrêter le nabot celtique. A peine a-t-il eu le temps d’annoncer la bonne nouvelle à sa femme que celle-ci est assassinée par le Leprechaun (Warwick Davis). C’est tout juste si O’Grady a le temps d’emprisonner le farfadet dans une caisse scellée par un trèfle à quatre feuilles avant de subir une attaque. Dix ans plus tard, Tory Reding (Jennifer Aniston) emménage avec son père dans la maison des O’Grady. L’un des trois gars (dont un gamin) chargé de retaper la bâtisse enlève le trèfle de la caisse, et le Leprechaun est libéré. Il n’en démord pas : il veut récupérer son or !

En 1993, la mode des petits monstres enfantés par Gremlins et éduqués par Freddy Krueger est sur le déclin. Qu’ils officient seuls ou en groupe, leur âge d’or semble révolu, au moins pour un temps. Chucky a provisoirement regagné son emballage, les Critters se sont paumés dans l’espace, la chasse d’eau va bientôt être tirée sur les Ghoulies, les Trolls ont été discrédités par l’italien Claudio Fragasso…. Il n’y a guère que les jouets de Empire / Full Moon pour continuer à squatter les rayonnages des vidéos-clubs (là où ils sont apparus pour la première fois). C’est dans ce contexte que débarque Leprechaun, film marchant ostensiblement sur les pas de Chucky et qui apparaît pourtant à bien des égards comme le film des premières. Première réalisation pour le scénariste Mark Jones. Premier rôle au cinéma pour Jennifer Aniston, qui dès l’année suivante verra sa cote de popularité exploser avec la série Friends (comme quoi, ce n’est pas le cinéma qui lui a rendu service). Première entorse au plan de carrière de Warwick Davis, qui jusqu’ici n’avait surtout joué que les gentils nains dans des films de fantasy. Et puis bien entendu premier film d’une saga dont la vitalité demeurera toujours un mystère, tant le premier film, censé être l’initiateur de qualité après lequel vont en vain courir les séquelles, est déjà d’un niveau affligeant.

Reprendre une créature celte aurait pu être une idée judicieuse, si Mark Jones s’en était tenu au véritable cadre folklorique des leprechauns. Hélas, il a fallu qu’il la déplace aux Etats-Unis, la dénature pour en faire un énième monstre rigolard et la mette en scène dans un déluge d’imbécilités crasses. Bien que son Leprechaun reprenne les principales caractéristiques de la mythologie celte, c’est à dire la taille, le penchant pour l’or, la malice et le goût du travail bien fait (le Leprechaun est cordonnier de profession), rien ne semble vraiment authentique. La taille est respectée, mais le faciès est adapté aux exigences d’un film d’horreur, le penchant pour l’or est exagéré au point de se demander si le Leprechaun ne serait pas un fervent admirateur de Ronald Reagan plutôt que le gardien du trésor des fées qu’il est censé être, la malice se transforme en méchanceté de série B et la cordonnerie ne sert qu’à amener quelques gags (jeter des chaussures au Leprechaun pour se procurer un peu de répit, le temps pour le nain de cirer tout ça). Ajoutons à cela des choses liées au Leprechaun mais dont le sens est complètement transformé : l’arc-en-ciel au pied duquel apparaît le fameux or du Leprechaun n’a plus rien à voir avec le Leprechaun lui-même, si ce n’est qu’il indique le lieu où se trouve son or. Le trèfle à quatre feuilles n’est plus un de ses accessoires vestimentaires mais bien l’équivalent de ce qu’est le crucifix pour les vampires…

Bref, nous sommes dans une version hybride du Leprechaun, inventée vaguement à partir du farfadet mythologique, et plus fortement à partir de ses représentations commerciales américaines assaisonnées par les emprunts à Chucky et par des nécessités propres au film (l’histoire du trèfle). Loin de se différencier par son passif culturel, le Leprechaun n’est en fait qu’un tueur comme il en existe tant. Il compte même parmi les plus insupportables, probablement bien aidé il est vrai par le doublage français. Son rire strident accompagnant toutes ses apparitions, ses réparties sans imagination, ses simagrées incessantes, et même jusqu’à sa façon de faire (conduire un tricycle, une voiturette, s’amuser en skate-board ou avec un bâton sauteur) fait de lui un sale gosse friqué plutôt qu’une créature mythologique. Il va sans dire qu’au milieu de ses pitreries, il n’y a plus guère de place pour les meurtres. Ses victimes sont rares et n’ont aucun rôle à jouer dans l’intrigue, si ce n’est pour le vieil O’Grady… qui meurt en hors-champ. A noter que Leprechaun est un cas d’école prouvant que dans le cinéma d’horreur, les scènes violentes restent dépendantes de ce qui les environne. Ainsi, prenez une énucléation en gros plan comme ici. Immergée dans une atmosphère noire, cette scène aurait très bien pu devenir repoussante (par exemple, le Maniac de William Lustig fonctionne sur ce créneau). Mais ici, au milieu d’un film jouant la carte du comique, et la jouant fort mal, elle devient totalement inoffensive. C’est du grand-guignol raté.

On ne saurait cela dit réduire Leprechaun à son seul lutin saoulant et à sa petite poignée de meurtres quelconques. Comme dans toute série B horrifique, nous devons aussi subir la présence envahissante d’une poignée de “gentils”, tout en sachant qu’ici, pas un ne devra mourir. Parce que ce petit groupe est constitué d’un enfant, d’un attardé, d’une fille et d’un bellâtre. Aucun ne répond au profil habituel de la victime, et le père de la fille se retrouve très tôt à l’hôpital. Pas grand chose à dire sur le bellâtre, assimilé au futur copain de la fille, qui n’est là que pour faire valoir ses muscles dans les épreuves qui les confrontent au Leprechaun. Ne nous attardons pas non plus sur le gamin, du genre débrouillard grande gueule. Par contre, la fille, jouée par Jenifer Aniston, mérite une attention un peu plus grande. Si les deux premiers personnages nommés ne sont que des clichés que l’on finit par ne plus remarquer tellement ils sont insignifiants, elle en revanche apporte son eau au moulin de la médiocrité du film. Incarnation de la pouffiasse mâcheuse de chewing-gum, se plaignant de venir vivre loin des grands magasins et des endroits à la mode (elle ne reste qu’à cause du bellâtre), scandalisée par la vision d’une araignée, donneuse de leçons et sujette aux sautes d’humeur, elle est pourtant capable de montrer un esprit d’initiative qui fait d’elle “le cerveau” là où son bellâtre est “les bras”. Mark Jones semble avoir hésité à faire d’elle un sujet de moqueries que le Leprechaun aurait pris un malin plaisir à humilier (ce qui nous aurait rappelé Gremlins) ou une héroïne standard. Cette hésitation, ou bien ce mélange raté, aboutit à un personnage ni drôle ni sympathique, et par conséquent agaçant. L’attardé mental (de pacotille vu les clichés qui le caractérisent lui aussi) souffre aussi d’une dualité mal calculée. Avec lui, Jones cherche à la fois à inspirer la pitié et le rire. C’est un paradoxe : ou bien le réalisateur prend le parti de se moquer de son attardé (comme certains autres personnages, surtout le gosse, qui agit à son égard comme un adulte), ou bien il veut faire naître la compassion… Mais il ne peut faire les deux, sous peine d’échouer dans l’une et l’autre des possibilités. C’est effectivement ce qui se passe. Enfin nous ne sommes plus à un échec près… Leprechaun en est truffé. Parasitant l’ennui légitime que l’on ressent devant un film où il ne se passe rien (ce n’est rien d’autre qu’un cache-cache typique des slashers, sans la vigueur des meurtres) avec des pointes d’humour lourdingues, Mark Jones a non seulement réalisé un bien mauvais film, mais il est en outre coupable d’avoir démarré une franchise dont le seul mérite est d’être relativement mal distribuée. C’est du joli !

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