CinémaDocumentaire

Fritsud ja blondiinid – Arbo Tammiksaar

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Fritsud ja blondiinid. 2008

Origine : Estonie 
Genre : Documentaire / la paille et la poutre 
Réalisation : Arbo Tammiksaar 
Avec : Tõnu Aav, Uldis Lieldidz, Algimantas Masiulis, des extraits de vrais films…

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Une fois n’est pas coutume, commençons par la note d’intention de ce documentaire dont le titre signifie littéralement “nazi et blond” : « […] la plupart des méchants nazis dans les films de guerre soviétiques étaient joués par des acteurs baltes. S’ils furent choisis essentiellement pour leur physique, les conséquences furent « politiques». En personnifiant le stéréotype du méchant nazi, ces acteurs baltes contribuèrent à véhiculer l’idée que les baltes étaient pro nazi […] ». Diantre.
Le générique commence par une succession d’extraits de films de guerre soviétiques censés illustrer les propos suivants (entre autres) : « … beauté aryenne, bourreau nazi, bombes sexuelles blondes et sadiques… », qui pourraient faire croire qu’une forme de nazisploitation soviétique a existé avec ses Ilsa et ses Salon Kitty (à première vue on est assez loin de la note d’intention). Oui sauf qu’à l’écran on voit des officiers quinquagénaires et bruns dont les uniformes laissent à penser qu’ils incarnent en effet des nazis mais dont le sadisme se limite à éructer des ordres et dont le sex appeal m’a échappé (y compris pour le seul personnage féminin et blond, et borgne, incarné par une Eve Kivi entre deux âges).
Suivent des images contemporaines de trois septuagénaires, dont le plus âgé ne semble pas en grande forme (de fait il nous quittera en cette année 2008), cadré n’importe comment. Ce sont les trois « vedettes » du documentaire, un par république balte, qui se rendent à une réunion d’acteurs vétérans (réunion à l’instigation des promoteurs de ce documentaire) où seront attribués des prix aux meilleurs interprètes baltes d’officiers nazis (une cérémonie factice précisons-le). La réunion a lieu dans un palais baroque, sis dans la campagne lettone, pavoisé aux couleurs de l’Allemagne nazie et de l’Union Soviétique (sans commentaire), où nos plus ou moins fringants septuagénaires sont accueillis par des serveurs et figurants habillés en tenues féminines de la Hitlerjungen ou en soldats de la Wehrmacht. Plus tard, les séances de photos seront interrompues par un touriste allemand « J’ai vu des drapeaux à croix gammée… vous savez c’est interdit chez nous… et puis je me suis dit ça doit être une reconstitution historique ».

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Bref, ce documentaire, très maladroit dans sa forme et dans son propos, va alterner (en proportions égales) extraits de films, commentaires sur le cinéma de guerre soviétique avec intervenants filmés en gros plans et images contemporaines de nos trois pieds nickelés retraités. Soyons clairs, les extraits de films de guerre sont le principal (voir le seul) intérêt de ce documentaire, surtout qu’il s’agit pour la plupart de métrages inconnus voire inédits en Europe occidentale. Hélas, ces extraits ont une furieuse tendance à se ressembler à cause de l’angle du documentaire (des scènes d’officiers allemands s’adressant à la population ou à des prisonniers), sans pour autant que l’on puisse tirer de conclusions sur leurs qualités. On peut malgré tout reconnaître trois films célèbres (d’autant plus facilement pour les deux premiers qu’il font partie des rares a être commentés), Alexandre Nevski, L’Arc en ciel de Donskoï et Requiem pour un massacre. Alexandre Nevski étant utilisé pour illustrer les excès de la propagande anti-allemande (on voit la scène où les teutoniques jettent des nourrissons dans les flammes). On pourra aussi voir quelques séquences particulièrement intrigantes et réussies qui donnent envie de découvrir le film dont elles sont extraites (en particulier celle du bunker d’observation durant une attaque de blindés, où un jeune officier s’amuse avec un chien en plastique qui fait pouet-pouet).
Les interviews d’intervenants divers sur le cinéma de guerre soviétique, venant en contrepoint ou en commentaire des extraits, ne sont pas des plus intéressantes puisqu’elles tournent rapidement en rond, en ne développant que deux points : « c’est de la propagande pas très réaliste » et « c’est du cinéma d’action à grand spectacle dépourvu de réflexion ». A la limite, seules les anecdotes ou points de vue de nos trois vétérans présentent un intérêt, même si c’est par leurs maladresses (« Les femmes lettones, ou estoniennes, ont un très bon souvenir des officiers allemands »).

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Venons en au message véhiculé par ce documentaire, à savoir que les russes sont xénophobes anti-baltes, que ce sentiment de xénophobie a été créé par les soviétiques en assimilant dans l’inconscient collectif les baltes à l’envahisseur nazi, que le cinéma russe a puissamment participé à entretenir ce sentiment et que les acteurs baltes étaient réduits pour sortir des frontières de leur petites républiques à jouer des officiers nazis. Mouais. Petite digression : les trois pays baltes culturellement et historiquement sont loin de constituer un bloc homogène, les assimiler comme le fait ce documentaire n’a pas plus de sens qu’assimiler le Danemark et la Finlande, je vais malgré tout faire comme si, tout en considérant que ce qui suit concerne sans doute plus les lettons et les estoniens que les lituaniens.
Concernant donc les sentiments anti-baltes, supposés, des russes, je serais tenté de dire qu’ils ne doivent pas être plus forts que le sentiment anti-russe chez les baltes (qui transparaît clairement dans certain entretiens), qu’ils sont surtout le fait de rapports conflictuels entre leurs états et que ces sentiments n’affectent apparemment pas les rapports entre les individus. Maintenant, ça reste une impression subjective au vu de ce documentaire, qui donne aussi involontairement l’impression (sûrement fausse) que les « baltes » font preuve d’une regrettable indulgence vis-à-vis du nazisme. Concernant la place des acteurs baltes dans le cinéma soviétique, il suffit de regarder les filmographies respectives des trois protagonistes pour se rendre compte qu’ils jouèrent toutes sortes de rôles (même si le défunt lituanien Algimantas Masiulis était des trois le seul acteur de premier plan) et que l’élément déterminant qui les a amené à être souvent choisis pour incarner les soldats allemands (ils sont tous les trois polyglottes, s’exprimant parfaitement en russe) est leur capacité à imiter l’accent tudesque.
Ajoutons que contrairement à certains propos dans ce documentaire, s’il y eut relativement peu d’acteurs allemands jouant les officiers nazis dans des films soviétiques, ce n’est pas parce que les acteurs de l’ex Allemagne de l’est refusaient de jouer ces rôles, mais uniquement pour des raisons budgétaires (pour toutes les coproductions impliquant la RDA, les rôles d’allemands étaient joués par d’authentiques allemands) ; et que des acteurs baltes jouèrent aussi des résistants anti-nazis.

Bref, il n’y a pas que le titre de ce métrage qui est mensonger, et sous couvert de documentaire sur les films soviétiques de la seconde guerre mondiale se cache une sorte de pamphlet russophobe se plaignant de la xénophobie des russes. La paille et la poutre, mais après tout faut-il s’en étonner à une époque où, par exemple, les islamistes osent se plaindre (en occident) d’un manque de tolérance. « Les cons ça osent tout c’est même à ça qu’on les reconnaît ».

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