CinémaPolar

Streets of Blood – Charles Winkler

Streets of Blood. 2009.

Origine : États-Unis
Genre : Bien après la tempête
Réalisation : Charles Winkler
Avec : Val Kilmer, Curtis “50 Cent” Jackson, Sharon Stone, Michael Biehn, Jose Pablo Castillo, Brian Presley.

En ce mois de février 2006, la ville de La Nouvelle-Orléans porte encore les lourds stigmates de l’ouragan Katrina. Les gangs, eux, continuent d’essaimer dans les quartiers, les rivalités entre les différentes ethnies prenant un tour de plus en plus sanglant. Dans ce contexte, la police locale est à cran, et certains de ses membres jamais bien loin d’une bavure. Celle-ci intervient lorsque deux jeunes inspecteurs flinguent un revendeur de drogues qui se révèle être un agent fédéral infiltré. Flanqué de son nouveau partenaire Stan Johnson (Curtis “50 Cent” Jackson), l’inspecteur Andy Deveraux (Val Kilmer) tente malgré tout de garder la tête froide. A cette guerre des gangs s’ajoute désormais la présence pesante du FBI qui par l’intermédiaire de l’agent Michael Brown (Michael Biehn) cherche à coincer des flics corrompus en mettant la pression sur le service dont fait partie Andy. Bien décidé à faire les choses à sa manière, ce que lui reproche en creux la psychologue de la police Nina Ferraro (Sharon Stone), Andy entraîne son partenaire dans un nettoyage drastique des rues de la ville.

Il fut un temps – les années 90, pour ne pas les nommer – où la presse aurait fait ses choux gras d’une association Sharon Stone – Val Kilmer en tête d’affiche d’un film. C’est un peu ce qu’il s’était passé à la sortie de L’Expert de Luis Llosa où pour beaucoup, le film semblait se résumer à la scène d’amour sous la douche entre les deux stars, Sharon Stone et Sylvester Stallone, propice à tous les fantasmes. Mais en 2009, qui s’intéresse encore à Sharon Stone et Val Kilmer ? En manque de rôles intéressants, la première a finalement renoué avec le personnage de Catherine Tramell dans un Basic Instinct 2 qui aurait dû en rester au stade de la blague de fin de soirée. Quant au second, à force d’échecs cuisants au box-office et d’un comportement de plus en plus ingérable sur les tournages, il a petit à petit sombré dans les tréfonds du direct-to-video, n’émergeant que par la grâce de quelques participations dans des productions plus huppées (Alexandre, Déjà vu). Si l’on ajoute la présence de Michael Biehn, au nom moins ronflant mais qui renvoie aux heures de gloire de James Cameron (à partir de Terminator 2, la carrière du réalisateur “visonnaire” se résume à gonfler ses budgets pour masquer la pauvreté de ses histoires), Streets of Blood prend des allures de réunions des AA, pour Artistes Anonymes. Ce qui convient parfaitement à Avi Lerner, personnage qui gravite de longue date dans le milieu du cinéma et qui depuis la création de Millennium Films en 1996 s’appuie sur des acteurs et des actrices sur le déclin pour conférer un standing à peu de frais à ses productions. Une méthode qui a fait ses preuves, et qui lui a depuis permis d’obtenir quelques succès sur grand écran dans le domaine de l’action, notamment grâce à Sylvester Stallone (les trois Expendables, John Rambo) ou Gerard Butler (La Chute de la Maison-Blanche, La Chute de Londres, La Chute du président).

Produit exclusivement pour le marché de la vidéo, Streets of Blood ne peut guère capitaliser sur le nom de son réalisateur. Fils de Irwin Winkler, producteur historique de la saga Rocky et également réalisateur à ses heures perdues, Charles Winkler marche sur les traces de son père. Il occupe ainsi un poste de producteur pour Rocky Balboa et Creed II quand il ne passe pas lui-même derrière la caméra, notamment pour donner une suite filmée à l’économie de l’une des dernières réalisations paternelles (Traque sur internet 2.0, suite tardive et tournée en Turquie du Traque sur internet avec Sandra Bullock). Loin d’être un cador dans sa partie, il compte tout de même une curiosité, le film d’horreur Delirium, sorte d’accident de parcours dans une carrière dominée par la médiocrité. Et il ne faut pas longtemps pour se rendre compte que Streets of Blood ne viendra pas s’ajouter à cette exception. Sur le strict plan de la mise en scène, le film s’avère dégueulasse. Encore impressionné par le style “sur le vif” popularisé par la série New York Police Blues (12 saisons entre 1993 et 2005), Charles Winkler tente de faire pareil et en abuse plus que de raison. Il n’y a que lors des scènes dans le bureau du docteur Nina Ferraro que l’image se stabilise un peu. Pour le reste, le film est un festival de plans caméra à l’épaule, d’angles de prises de vue tarabiscoté et de montage cut. En outre, il se permet quelques fantaisies lors de flashbacks annoncés systématiquement par un effet de zoom, et dont l’image se retrouve noyée dans une sorte de maëlstrom de couleurs saturées. A cela s’ajoute une photographie sans identité qui achève de rendre l’expérience visuellement pénible. Le film ne cherche même pas à rendre hommage à la ville dévastée, se contentant d’images d’archive des dégâts causés par l’ouragan Katrina en préambule, avant d’enchaîner avec des plans tournés en studio. Les personnages s’ébattent dans des lieux totalement impersonnels (un parc, un entrepôt, des bâtiments désaffectés, etc) qui ne disent pas grand chose de ce que les habitants viennent de vivre. Il ne suffit pas de filmer deux-trois maisons dans un état de délabrement avancé pour saisir l’horreur et le désarroi qui se sont emparés de la ville. Charles Winkler se fiche bien du sort des habitants et ne filme une rue animée qu’à l’occasion de distiller un peu de folklore facile avec ces musiciens de jazz qui jouent sur le trottoir. La Nouvelle-Orléans qu’il dépeint n’est peuplée que de gangs, de dealers, de consommateurs de drogues et bien sûr des inspecteurs de police qui tentent de mettre de l’ordre dans tout ça. On ne sent pas, en outre, un attachement particulier des personnages pour leur ville. Stan Johnson est un transfuge de Chicago, venu là pour gagner en galons, quand Pepe Vasquez ne cherche qu’à améliorer son quotidien en faisant plus que des infidélités à la légalité. Et pour l’enfant du pays Andy Deveraux, il convient d’effectuer en priorité le ménage dans son service où certains de ses collègues paraissent trop enclin à jouer les indics pour les fédéraux. Avec des flics comme ça, les néo-orléanaises et néo-orléanais ont du souci à se faire.

Le choix de situer l’intrigue à La Nouvelle-Orléans tient uniquement à la réputation peu flatteuse de sa police, connue pour être l’une des plus corrompues du pays. Une image que le passage de l’ouragan Katrina a encore contribué à ternir. Suite à la catastrophe, les abandons de poste ont été légion et le New Orleans Police Department a été discrédité après sa tentative de couvrir la bavure de certains policiers, coupables d’avoir tiré et tué deux hommes désarmés. Streets of Blood se fait l’écho de cette situation, que le Capitaine Friendly, loin de l’ignorer, résume ainsi : “Ils sont coupables d’être sous payés et d’être tombés dans cette brigade”. Une manière d’honorer son patronyme tout en justifiant son impuissance. Nous avons donc affaire à des personnages tous pourris mais à des degrés divers. Il y a les irrécupérables comme Pepe Vasquez et son partenaire Barney Balantine. Le premier se comporte comme une petit-frappe des quartiers, en encore plus dangereux puisqu’il a la Loi de son côté. Tuer de sang froid, voler de la dope et de l’argent sale, tout ça ne le dérange absolument pas. Au contraire, il prend un pied monstrueux à agir ainsi. Son compère n’est qu’un faible. Un suiveur un peu benêt et à la gâchette facile que l’insigne rend trop sûr de lui. Ils représentent ce mal qui gangrène la police locale et sape son image. Avec Andy Deveraux et Stan Johnson, nous sommes dans un registre différent. Leur tort tient principalement à leur inclination à agir en dépit du règlement, passant outre des procédures administratives jugées trop contraignantes. Eux aussi n’en font qu’à leur tête tout en conservant une certaine probité. Ils ne touchent pas à l’argent sale. Charles Winkler nous dépeint une police tout en duplicité jusqu’à l’échelon fédéral, jamais en reste lorsqu’il s’agit d’organiser des coups fourrés. Il ne développe pourtant aucun propos critique. Cet incessant double-jeu ne sert qu’à nourrir l’intrigue de rebondissements éculés. Il filme ces flics comme des cowboys prêts à nettoyer la ville de ses éléments perturbateurs sans jamais questionner leur attitude. Les personnages ne sont guère fouillés, à l’image du duo Vasquez – Balantine, limité à leur côté chien fou. Déjà desservi par le jeu emprunté de Curtis Jackson, le détective Johnson se caractérise uniquement par sa famille et un profond respect envers son partenaire. Seul le personnage d’Andy Deveraux a droit à davantage d’égards. Déjà, le Dr. Nina Ferraro lui paie des coups à boire en dehors des heures de service, tout en l’informant à demi-mot des agissements des fédéraux. Ce qui n’est pas donné à tout le monde. Et puis il y a ce lourd héritage paternel qu’il porte comme un fardeau. Ce père flic vu comme un héros et dont la mort non élucidée pèse sur son quotidien. Enfin, à en croire les conclusions du docteur parce que dans les faits, Andy ne jure que par son partenaire. Dépourvu de toute vie sociale en dehors de ses heures de service (il travaille non-stop, ça n’aide pas), il fait de sa relation à son partenaire la pierre angulaire de son existence. Peu importe qu’il travaille seulement depuis 6 mois avec Stan, et qu’au fond il le connaisse si peu. A partir du moment où il est devenu son partenaire, c’est devenu à la vie, à la mort. Cela confère un côté pathétique au personnage que Charles Winkler tente de faire passer pour de la droiture morale poussée à l’extrême.

Dire qu’on s’ennuie ferme devant le spectacle proposé relève de l’euphémisme. Streets of Blood ne propose rien d’un tant soit peu intéressant, voire ne serait-ce que divertissant. La guerre des gangs évoquée dans le résumé se règle en deux fusillades, piètrement filmées, et le nouveau caïd n’est qu’un rouleur de mécaniques sorti tout droit des Gypsy Kings. Loin d’apporter une quelconque plus-value, la rencontre entre Sharon Stone et Val Kilmer pâtit de l’inutilité du personnage du docteur, juste bon à épaissir à grands traits la personnalité du flic taciturne. Sans elle, le film serait le même. Et au moins la comédienne n’aurait pas eu à déplorer un énième mauvais film au sein de sa filmographie.

3 réflexions sur “Streets of Blood – Charles Winkler

  • Quand tu vois dans le casting 50 cents, tu sais à quoi t’attendre. Le seul coté positif c’est voir Val Kilmer avant que sa gorge soit foutu par son cancer.

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  • Sa présence dans Top Gun : Maverick semble aller dans le sens d’un mieux au niveau de sa santé. Pour ce qui est de sa carrière, en revanche…

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  • Est ce qu’il peut parler, c’est la question que je me pose ? Val Kilmer est un acteur que j’ai découvert dans Willow, un film de fantasy que j’ai vu enfant et qui m’a subjugué, au point de le revoir plusieurs fois, ce qui n’est pas le cas de l’autre truc chiant en trois parties qui est sortie et que tout le monde a l’air d’adorer.

    Val Kilmer est un acteur que je suivais de loin, et qui jouait souvent dans des films peu intéressants, hormis quelque exceptions: Kill me again, L’Ombre et la proie, Planète Rouge, Spartan, Profession Profiler, mais qui est responsable de sa propre déchéance, ingérable et insupportable sur les tournages, il va vite passer dans les films DTV.

    Aujourd’hui, il peut plus tourner, je crois, mais un retour est peut être toujours possible.

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