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Solitaire – Greg McLean

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Rogue. 2007

Origine : Australie 
Genre : Légers remous 
Réalisation : Greg McLean 
Avec : Michael Vartan, Radha Mitchell, Sam Worthington, John Jarratt…

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Avides de sensations fortes, des touristes bravent la chaleur, les moustiques et la rudesse des autochtones pour prendre part à une croisière le long d’une rivière peuplée de crocodiles, dans un coin reculé d’Australie. Tout se déroule pour le mieux, à une altercation près avec des gens du cru, lorsqu’au moment du retour, des fusées de détresse sont repérées. Contre l’avis général, la capitaine du bateau Kate Ryan décide d’aller voir de quoi il retourne. Sur place, un crocodile attaque le bateau, les contraignant à se réfugier sur un îlot. Un abri pour le moins précaire puisque promis à la marée.

Greg McLean n’est pas homme à chercher la facilité. Au moment de l’étape importante que constitue la réalisation d’un second film, à fortiori après un premier effort plutôt remarqué, le réalisateur de Wolf Creek se lance dans le toujours délicat film d’agression animale. En bon australien, il choisit de tirer partie de la faune locale pour s’intéresser à un crocodile particulièrement vindicatif. Le crocodile et le cinéma ont rarement fait bon ménage, la faute le plus souvent à une utilisation hasardeuse du saurien, auquel s’ajoute le recours à des effets spéciaux loin d’être à la hauteur, qu’ils soient à base d’animatroniques, de baudruches ou en images de synthèse. D’ailleurs, de cette dernière évolution technologique découle un tombereau de films à base d’animaux géants dont le crocodile n’est pas le moins représenté. Pour la seule année 2007, Solitaire, qui s’intitule désormais Eaux Troubles en vidéo, voisinait avec Black Water, à la vocation plus réaliste, ou encore Supercroc, production fauchée autant au niveau budgétaire que sur le plan des idées.

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Fort d’un budget nettement plus conséquent que pour son premier film, Greg McLean évite néanmoins toute folie au moment du casting. Sans être des perdreaux de l’année, ni Michael Vartan (Cursus Fatal, la série Alias), ni Radha Mitchell (Pitch Black, Melinda et Melinda) ne constituent des têtes d’affiches attractives. Pas plus que Sam Worthington, dont l’explosion médiatique allait survenir un an après suite à la déferlante Avatar. La principale force d’attraction du film réside davantage dans la capacité de Greg McLean à s’affranchir d’un genre archi rebattu, comme il avait su si bien le faire avec Wolf Creek, distillant un peu de sensibilité au survival. Or sur ce point, Solitaire déçoit autant qu’il surprend, dans le mauvais sens du terme.
Construit à la manière d’un film catastrophe, le récit nous présente succinctement les différents occupants de l’embarcation (un couple, une famille, un veuf –joué par John Jarratt, le tueur de Wolf Creek– une célibataire, un apprenti photographe, le héros, la navigatrice… et son chien), le tout dans un contexte attendu d’autochtones peu accueillants. Durant cette première partie, Greg McLean prend son temps, épousant le rythme languissant de l’embarcation glissant au fil de l’eau, prétexte à la mise en valeur des somptueux paysages qui ont abrité le tournage. Certains caractères s’esquissent à la faveur de l’irruption impromptue de deux locaux bouffis d’ennui sans que la péripétie ne fasse véritablement sens. Contrairement à ce qu’elle laisserait envisager, la menace humaine qui pourrait peser sur les passagers s’illustrera de manière moins manichéenne, teintée d’égoïsme et de lâcheté. Face à la bête déchainée, la peur, ou du moins la manière dont celle-ci va régir les actes de chacun, constitue le principal ennemi des naufragés. De manière arbitraire – certains personnages ne servent strictement à rien, pas même d’en-cas pour le crocodile – Greg McLean illustre ce moment où la graine de discorde vient à germer, brisant l’unité factice du groupe dans un chacun pour soi suicidaire. Ce sont les passages qu’il réussit le mieux, insufflant une réelle tension qui atteint son acmé lors de la traversée à la corde. Tant qu’il maintient la menace à un niveau collectif, amplifiée par quelques élans individualistes, le film remplit son office. Quant au crocodile, il en use de manière judicieuse, le dévoilant juste ce qu’il faut et toujours dans le souci de surprendre.
Et soudain, patatras ! Greg McLean a la mauvaise idée d’éparpiller les survivants pour se concentrer uniquement sur le personnage de Pete McKell, rédacteur d’articles pour un magazine consacré au voyage, et sa destinée héroïque. Le fragile équilibre entre tension et horreur qu’il était parvenu à atteindre sur cet îlot submergé par les flots vole irrémédiablement en éclat au profit d’un banal affrontement entre l’homme et la bête. Le suspense se fait alors plus évident, et ne craint pas de faire dans l’outrance, jusqu’à cette amorce de partie de cache-cache entre Pete et le crocodile. Il y a là une volonté évidente de consacrer plus de temps au saurien, filmé sous toutes les coutures en dépit d’effets spéciaux pas franchement concluants dès qu’il s’agit de le montrer en mouvement (hors de l’eau, s’entend). La tare habituelle de ce genre de production n’est donc pas évitée, et se double d’une fin confondante de conformisme, ponctuée d’un bon mot qui jure avec l’ambiance plutôt grave entretenue jusque là.

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Film globalement décevant, Solitaire relève du faux pas pour un réalisateur encore en devenir. A force d’indécision, oscillant en permanence entre naturalisme et film d’horreur conventionnel, ce deuxième essai reste le cul entre deux chaises, ne captant l’attention que par bribes entrecoupées de bâillements. Depuis, loin de rassurer, Greg McLean a joué la sécurité en réalisant Wolf Creek 2, pour ensuite s’aventurer en terres nord-américaines avec son dernier né, le thriller surnaturel The Darkness, dont la sortie est attendue dans le courant de l’année. Un film pour lequel il retrouve Radha Mitchell et bénéficie du concours du toujours parfait Kevin Bacon. Ce qui fait déjà une bonne raison de se laisser tenter.

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