CinémaComédie

On a volé une bombe – Ion Popescu Gopo

onavoleunebombe

S-a furat o bomba. 1961

Origine : Roumanie 
Genre : Comédie cartoonesque 
Réalisation : Ion Popescu Gopo 
Avec : Iurie Darie, Liliana Tomescu, Haralambie Boros, Eugenia Balaure…

Un type qui cueille la seule petite fleur d’une prairie désespérément rase voit débouler un hélicoptère et des véhicules remplis d’étranges soldats à la tête couverte d’un seau fendu au niveau des yeux pour faire visière… Bizarre. Embarqué, il est remplacé par quelques types à chapeau melon dont l’un, visiblement une huile, s’installe dans un fauteuil posé dans la prairie et regarde aux jumelles un militaire droit dans ses bottes posté à côté d’un minuscule téléviseur. Un avion largue une bombe et le champignon qui se forme lorsqu’elle touche le sol et explose nous permet de comprendre facilement qu’elle est atomique.
Le modeste cueilleur est relâché et tout le monde s’en retourne à la ville, y compris les sinistres gangsters qui, au loin, surveillaient tout cela depuis leur véhicule. Cette bande assez nombreuse (ils sortent au moins à 10 de l’arrière d’une petite voiture) investit un laboratoire de l’armée (ou quelque chose d’approchant) et y vole… une bombe ! La même que la précédente, atomique et tout, prête à péter à la gueule de celui qui la porte s’il lâche le sac dans lequel il la transporte. Responsabilité lourde qui rend tremblantes et molles les paluches des forbans qui, en s’enfuyant perdent leur mallette nucléaire qui atterrit dans les mains… du flâneur à la fleur…

Étonnant film que celui-ci puisque, outre son histoire, volontairement hénaurme, aucun des personnages n’y profèrera la moindre parole audible. Film sans paroles, donc, mais non sans son, la musique y jouant un rôle très important et rythmant l’ensemble, tel un cartoon live en quelque sorte. Toutes les séquences offrent leur lot d’humour visuel et parfois sonore, jouant sur les trognes des uns et des autres et sur leurs comportements, tout cela contrebalancé par une poésie douce incarné par le marcheur à la bombe et par la belle contrôleuse des transports urbains, qui se pare parfois des ailes d’un ange lorsqu’elle lui sourit.
C’est parfois très réussi, le premier quart d’heure, en particulier, est très intriguant avec ces soldats ridicules au casque-seau et au fusil ressemblant bougrement à des carabines à eau. Ça l’est parfois moins, comme lorsque le réalisateur se lance dans une bagarre générale avec lancers de tartes à la crème, hommage au burlesque du début du cinématographe, d’accord, mais hommage trop long et surtout vu et archi-vu.

Inégal donc et, surtout, trop long. Difficile de tenir le rythme sur la durée d’un long-métrage quand ni paroles ni même cartons ne viennent renforcer l’intrigue, très ténue. Cependant, Ion Popescu Gopo vient de l’animation et ça se voit. Sa parodie d’un monde où la bombe prend de plus en plus d’importance et fait peur (on n’est pas très loin de la crise des missiles de Cuba, qui interviendra fin 62 et ressemblera à un bras de fer à enjeu explosif, ni de la sortie de Docteur Folamour qui traitera un peu du même thème) met en scène des apprentis sorciers d’un côté (l’autorité suprême qui, dans l’ombre, dirige tout cela mais finalement ne maîtrise pas tout ; les voleurs de bombes, puissance concurrente ? simples gangsters ? qui ne sont pas fichus de conserver leur otage atomique) et le petit peuple de l’autre, innocent et doux rêveur (le « héros » et son petit ange, les habitants des quartiers pauvres), petit peuple qui gagnera néanmoins à la fin, dans une séquence étonnante où la bombe sera… mais chut ! ne révélons pas tout.

Ce qui est bon, donc, dans ce film : les acteurs, souvent bien dans leurs rôles, et parfois vraiment ridicules, comme le chef des bandits qui danse en jouant à cache-cache avec sa femme rondouillarde ; certaines séquences, très imaginatives, mais parfois totalement déconnectées du film, je pense en particulier à ce passage dans un cinéma diffusant un film de monstre où le passant solitaire, rien qu’en regardant les images du film punaisées dans le hall, entend les cris des victimes et saisit toute l’intrigue ; le côté décalé, qui commence dès les premières images et ne cessera qu’avec le mot fin ; les petites touches poétiques qui parsèment le film et lui donnent par moments un autre relief ; la musique, bien sûr, de Dumitru Capoianu, donnant le ton de cette comédie aux accents parfois jazzy. Ce qui est moins bon par contre : la durée des séquences, souvent trop longues et le côté décalé qui, au bout d’un moment, ne surprend plus et lasse même un peu.
Au final, on a donc un film original, certes, mais qui nous laisse partagés. On pense en le voyant aux films gaguesques du temps du muet, mais aussi à Jacques Tati (dont Les Vacances de Monsieur Hulot m’avait fait un peu le même effet, contrairement à Jour de fête). On peut penser aussi aux films beaucoup plus récents de Dominique Abel et Fiona Gordon (Rumba par exemple), dont le burlesque poétique joue un peu dans la même catégorie. Mais le sentiment général reste un peu mitigé, même si on est très loin du navet, dont la bombe a un peu la forme ; à la fois enthousiaste et désappointé, conquis et déçu, le spectateur d’On a volé une bombe reste sur sa faim, heureux néanmoins d’avoir pu découvrir une véritable curiosité, même si elle ne tient malheureusement pas toutes ses promesses.

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