Maniac Cop – William Lustig
Maniac Cop. 1988.Origines : États-Unis
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Une série de meurtres particulièrement brutaux ponctue depuis peu les nuits new yorkaises. Un nouveau tueur en série ? Peut-être, mais d’un genre nouveau alors, puisque d’après des témoins, il s’agirait d’un agent de police en uniforme et à la carrure impressionnante. Dépassée, la police tente de taire les événements jusqu’à ce qu’une journaliste relaie l’affaire, provoquant une vague de psychose parmi les habitants. La panique est telle qu’un officier, Jack Forrest, est inculpé sur la base de simples présomptions, coupable idéal pour apaiser la population. Heureusement pour lui, l’inspecteur McCrae ne croit pas en sa culpabilité. En menant l’enquête, il découvre que l’assassin ne serait autre que l’agent Matt Cordell. L’ennui, c’est que son dossier le déclare mort depuis quelques années déjà…
L’heure de la récréation a sonné pour William Lustig. Après Maniac et Vigilante, deux films bruts de décoffrage, le réalisateur s’accorde un peu plus de légèretés avec Maniac Cop, mélange de “psycho killer” et de polar. Mais ne vous y trompez pas, même plus léger, son cinéma se conjugue toujours avec morts violentes et ambiance sale et urbaine. Toutefois, il nous offre ici son œuvre la plus immédiatement accessible, modèle parfait de la série B décomplexée et parfaitement assumée. Rien que le casting brille comme un hommage au cinéma de genre. Les vieux briscards Tom Atkins (Fog, New York 1997, Halloween 3), Richard Roundtree (Les Nuits rouges de Harlem, Épouvante sur New York), William Smith (New York ne répond plus, Ça va cogner, L’Aube rouge), auxquels s’ajoutent les jeunots Laurene Landon (Armés pour répondre, La Vengeance des monstres) et Bruce Campbell (Evil Dead 1 et 2, Mort sur le grill), confèrent une patine authentique au film. Loin d’être un esthète de la mise en scène, William Lustig ne cherche pas à sublimer ses comédiens. Il est plus sensible aux “tronches” qu’aux gravures de mode, les premières véhiculant intrinsèquement plus de bagages que les secondes. Lui qui affectionne particulièrement la concision, ce genre d’acteurs lui offre l’opportunité de caractériser rapidement ses personnages sans se perdre en vains développements. Promenant un air las et semblant porter sur ses épaules toute la misère du monde, Tom Atkins n’a aucun mal à nous faire croire aux antécédents dépressifs de son personnage. Il en va de même de Bruce Campbell, dont les mésaventures s’accommodent fort bien de la bêtise crasse affichée par Ash, le rôle emblématique de sa carrière. Compte tenu de ses antécédents, le voir dans les emmerdes jusqu’au cou coule de source. Et puis le bougre n’a pas son pareil pour interpréter les ahuris de service ne comprenant pas grand-chose à ce qui leur arrive. En ce qui les concerne, William Lustig s’amuse à brouiller les pistes, laissant penser pendant une bonne partie du film que le personnage incarné par Tom Atkins sera le héros du film. Or à mi-parcours, c’est le flic accusé à tort joué par Bruce Campbell qui le devient. Enfin, quand je parle de héros, je me plie aux conventions linguistiques plus qu’aux faits. Dans les faits, nous avons donc avant tout à faire à des personnages faillibles, se débattant avec leurs imperfections, plutôt qu’à des parangons de vertu tellement lisses qu’ils en deviennent d’un triste ennui. Certes, les figures du flic dépressif et adultère ne sont pas follement originales. Néanmoins, celles-ci se posent en reflet de la figure moins monolithique qu’il n’y paraît du Maniac Cop avec laquelle l’inspecteur McCrae et l’officier Jack Forrest partagent bien des similitudes.
De son vivant, Matt Cordell avait la réputation d’être un bon flic, aussi respecté par ses pairs qu’il était redouté de ses supérieurs du fait d’une trop forte inclination à user de son arme de service. Aux yeux des édiles, son côté expéditif renvoyait une trop mauvaise image de la profession qu’il convenait de policer. Son incarcération résultait donc d’un choix politique de la part de ses supérieurs, toujours prompts à protéger leurs arrières, quitte pour cela à sacrifier l’un de leurs subordonnés. Matt Cordell se pose donc en victime d’un système un brin faux-cul, cautionnant les actes des agents de police tant que ceux-ci ne provoquent pas des remous dans la presse. Et ce sont justement ces remous dans la presse, et donc dans l’opinion publique, qui entraînent l’arrestation arbitraire de Jack Forrest. Il serait donc à même de comprendre les sentiments qui ont pu animer Matt Cordell au moment de la « trahison » de ses supérieurs. On peut d’ailleurs regretter que William Lustig ne creuse pas davantage dans cette direction, tout comme il est dommage qu’il ne joue pas plus à fond la carte de la psychose populaire engendrée par la présence du Maniac Cop en ville. Ces deux griefs sont les corollaires de la recherche d’efficacité du réalisateur, qui trop soucieux de tourner un film allant droit à l’essentiel en arrive à occulter les nombreuses pistes amorcées par le scénario de son compère Larry Cohen. Néanmoins, ces impasses ne suffisent pas à ternir le plaisir pris devant cette bande habilement troussée. En outre, Maniac Cop bénéficie d’un humour souvent noir, voire potache, principalement lors d’un générique qui singe avec délectation les préparatifs de Rambo dans Rambo 2, ce grand succès des années Reagan.
Avec Maniac Cop, William Lustig signe en quelque sorte son Inspecteur Harry à lui, dont Matt Cordell pourrait être le pendant post mortem. Et s’il restera toujours davantage reconnu pour avoir réalisé Maniac, il aura néanmoins contribué avec Maniac Cop à donner au cinéma fantastique l’une de ses dernières figures originales.