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Les Rescapés du futur – Richard T. Heffron

rescapesdufutur

Futureworld. 1976

Origine : États-Unis
Genre : Séquelle sans gravité
Réalisation : Richard T. Heffron
Avec : Peter Fonda, Blythe Danner, Arthur Hill, Stuart Margolin…

Après avoir été au coeur de l’actualité après le massacre d’une cinquantaine de clients par des robots devenus incontrôlables, le parc Delos a rouvert et a beaucoup de choses à faire oublier. Cela passe par une intensive campagne de promotion. Si le monde romain et le monde médiéval sont toujours présents, Westworld, où le massacre a commencé, est abandonné. Il a été remplacé en grandes pompes par le monde du futur, où les clients peuvent profiter d’une technologie révolutionnaire leur permettant de skier sur la neige rouge de Mars, de jouer avec des hologrammes ou de prendre du bon temps avec des hôtes ou hôtesses programmés pour satisfaire aux besoins lubriques. Comme cette nouveauté ne suffit pas à elle seule à réhabiliter l’image de Delos, le conseil d’administration a pris la décision d’inviter les grands de ce monde et d’ouvrir ses coulisses à la presse. Parmi les reporters conviés se trouvent la célèbre présentatrice télé Tracy Ballard ainsi que son ancien amant Chuck Browning, de la presse écrite. Ce dernier fut peu avant contacté par un ancien salarié de Delos lui promettant des révélations fracassantes. Il fut assassiné avant de lui communiquer, ce qui a eu pour effet de rendre Browning particulièrement suspicieux. Flairant l’entourloupe derrière l’apparente transparence du cadre de Delos qui leur sert de guide, il est bien décidé à lui fausser compagnie et à trouver l’anguille sous roche.

Partie pour tourner la séquelle de Mondwest, la MGM changea finalement son fusil d’épaule et préféra opter pour L’Âge de cristal, cédant ses droits à l’American International Pictures de Samuel Z. Arkoff mais plus de James H. Nicholson, parti chez 20th Century Fox. La firme indissociable du Roger Corman réalisateur, et encore aujourd’hui associée aux micro-budgets, avait alors procédé à une augmentation de capital afin de pouvoir sortir des films un chouïa plus huppés et surtout plus en phase avec le nouvel Hollywood. C’est dans cette logique que s’explique la récupération d’un projet lancé par une major hollywoodienne, et peut-être même aussi l’embauche du réalisateur et des scénaristes, qui avaient tous en commun l’ambition de rompre avec la monotonie télévisuelle dans laquelle ils s’encroutaient. L’un des scénaristes, Mayo Simons, pouvait même s’enorgueillir récemment d’avoir été derrière l’intriguant Phase IV de Saul Bass. Quant à la tête d’affiche, Peter Fonda, son heure de gloire s’éloignait mais un rebond restait alors encore toujours envisageable. Bref, chacun plaçait un certain espoir dans cette séquelle de Mondwest abordée avec suffisamment de confiance pour ne pas se sentir obligé de reproduire le même schéma que le premier film. Michael Crichton, auteur de Mondwest, a été apparemment tenu à l’écart. Du concept de parc d’attraction avant-gardiste dans lequel sont recréés des mondes historiques où les robots sont définitivement là pour se soumettre au client-roi, il ne subsiste plus grand chose. Les mondes romains et médiévaux sont à quelques fugaces plans près absents, et le nouveau, le fameux Futureworld, est vite oublié après avoir permis quelques plans d’effets spéciaux ronflants reproduisant assez bien la stratégie commerciale agressive de Delos. L’évocation du premier film se retrouve essentiellement sous forme de clins d’œil largement dispensables : l’évocation orale du drame, la projection des images d’archives (en fait des scènes du film de Michael Crichton) et surtout une scène de rêve filmée par la technologie de Delos dans laquelle l’héroïne rêve d’un flirt avec le mémorable ancêtre du terminator qu’incarnait Yul Brynner dans le premier film et qu’il incarne encore ici. Ce rêve n’a aucun rôle à jouer si ce n’est de faire revenir Brynner -dont il s’agit du dernier film, auquel il fut contractuellement contraint de participer- et d’envoyer une mise en scène psychédélique qui se retrouve aussi à plusieurs autres endroits du film, utilisant notamment ce qui passe pour être le premier emploi de CGI au cinéma (prolongeant la tradition du premier film, qui lui est censé avoir utilisé les premières images digitales). Sans jamais se justifier d’ailleurs. Ce n’est que de la poudre aux yeux voulant vaguement insuffler un peu de couleur à un film qui dans sa véritable nature est d’une austérité peu engageante. C’est que le véritable sujet des Rescapés du futur se trouve ailleurs et finit malgré tout par rejoindre les préoccupations de ce passionné de technologie et de conspirations qu’était Michael Crichton.

Le “techno-thriller”. Un terme barbare mais qui évoque bien ce qu’est le film de Richard T. Heffron, c’est-à-dire un produit culturel typique du Watergate (Fonda fut donc aussi embauché comme icône de la contre-culture opposée aux manigances nixoniennes) placé sous les oripeaux de la science-fiction. Mais comment mener à bien cet alliage entre d’un côté le nécessaire réalisme et de l’autre le besoin de titiller la fibre ludique ? Si quelqu’un trouve la réponse qu’il en fasse part à qui de droit, car personne sur Les Rescapés du futur ne semble l’avoir trouvée. Le complot, s’il ne fait aucun doute, se résume à bien peu de choses. Non pas qu’il manque d’ambition -ce serait même tout l’inverse : il est digne de la mégalomanie d’un méchant des James Bond époque Moonraker-, mais il pêche par manque de ramifications, suivant son petit bonhomme de chemin sans anicroche, bien planqué dans le cœur du parc. C’est bien là le problème d’un complot mené sous des auspices privés : une fois que le patron tout-puissant a donné son feu vert, plus rien ne s’oppose à lui. Surtout lorsque ses cadres sont eux-mêmes des robots. Alors oui, il y a éventuellement quelques simples employés bien intentionnés, mais encore faut-il que ceux-ci ne soient pas refroidis prématurément (comme celui qui a contacté Chuck Browning), ou bien tout simplement qu’ils soient au courant de la machination, même superficiellement (ce qui n’est pas le cas de celui qui prêtera main forte à l’opiniâtre journaliste). Parce que dans le cas contraire, celui employé par Heffron, la barbe… Bien piètre successeur de ses collègues du Washington Post qui mirent à jour le Watergate, Chuck Browning se promène au hasard des rébarbatifs couloirs de l’usine interne à Delos plus qu’il n’enquête à proprement parler. Il ne parviendra à ses fins que d’un seul coup, lorsque Heffron aura décidé que ses vadrouilles n’ont que trop duré et qu’il est temps d’amorcer l’atterrissage. Quant à la collègue et bonne copine, incarnée par Blythe Danner, mère de Gwyneth Paltrow, elle est encore pire : une véritable potiche même pas utilisée à des fins sexy. Sa relation avec Browning s’avère sans intérêt aucun, les anciens amants se comportant l’un avec l’autre comme s’ils formaient un vieux couple. Alors certes, on échappe donc à la romance bas de gamme, mais on échappe en fait à tellement de choses que l’ennui finit par s’imposer. Et ce malgré les fameuses séquences psychédéliques mentionnées plus haut, et malgré la gratuité imbécile de certaines scènes (en patrouillant à l’aveuglette, Browning et Ballard sont poursuivis par des samouraïs échappés du prochain monde prévu par Delos). Au mieux, certaines scènes de toute évidence destinées à meubler pourront laisser des regrets, comme la visite du westworld du premier film laissé à l’abandon, ou encore l’amitié profonde entre le gentil ouvrier et un robot archaïque laissé pour compte.

Dans les allées d’une usine, un journaliste sans panache découvre qu’il est dangereux de laisser le monopole de la haute technologie à des trusts surpuissants. Voilà qui pourrait bien résumer la soporifique séquelle de Mondwest qui ne semble en lien avec ce dernier que pour justifier son statut de séquelle et profiter ainsi de son aura. Il ne serait pas étonnant d’apprendre que Les Rescapés du futur soit né d’un projet autonome rattaché au film de Crichton qu’après l’acquisition par AIP des droits de Mondwest. Personne ne sortira grandi de l’aventure, et l’échec retentissant de l’éphémère série lancée quelques années plus tard (Beyond Westworld, cinq épisodes tournés, trois diffusés !) fera oublier les parcs Delos jusqu’à leur réapparition à la télévision prévue pour 2015.

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