Le Sous-sol de la peur – Wes Craven
The People Under the Stairs. 1991.Origine : États-Unis
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Le jeune Fool, 13 ans, part procéder avec deux brigands confirmés au cambriolage de la maison des propriétaires du taudis familial, duquel lui et sa famille sont en passe d’être expulsés. Mais la maison, de funeste réputation, cache bien des surprises au trio, qui n’imaginait pas que la monstruosité de leurs “victimes” atteignait de telles proportions : le sous-sol leur sert de prison pour les cambrioleurs, les représentants et autres infortunées personnes ayant eu maille à partir avec le couple dégénéré (en réalité un frère et une soeur). L’homme et la femme sont de plus en quête de l’enfant idéal, et ils séquestrent Alice, adolescente maltraitée et en permanence terrifiée. Son seul ami est le Cafard, un des jeunes du sous-sol ayant réussi à s’évader de la prison et qui depuis erre dans les murs. Fool, seul survivant du trio, aura pour tâche de s’échapper de cet enfer, si possible avec un butin suffisant pour permettre à sa famille de subsister, et si possible en compagnie d’Alice…
Après La Colline a des yeux bien des années plus tôt, Wes Craven se base une nouvelle fois sur un fait divers pour livrer un film d’horreur qui prend tout de même beaucoup de liberté avec la réalité, poussant assez loin le concept (très alléchant malgré tout) de la simple séquestration. Craven se rapproche beaucoup de Twin Peaks, et du reste il engage pour tenir les rôles des deux méchants deux des acteurs formant un couple dans la série de David Lynch, à savoir Everett McGill et Wendy Robie. Tous deux se révèlent excellents et parviennent à apparaître comme des gens en apparence normaux mais cachant une folie qui ne demande qu’à ressurgir dans les situations les plus propices. Leur mentalité est à vrai dire semblable à la façon dont la maison est construite : une maison en apparence bourgeoise, qui se révèle être un véritable charnier pour qui l’explore de fond en comble, jusqu’à son coeur, le sous-sol (est-ce un hasard si le trésor financier de cette famille y sera caché ?), qui n’a pas grand chose à envier à l’usine désaffectée d’un Freddy Krueger ou à la tanière de la famille “Mie-de-Pain” de La Colline a des yeux. Craven fait de sa maison un monde à part, qui ne fait en réalité que singer ce qu’on attend qu’elle soit : une paisible habitation luxueuse et tranquille. A ce titre, il y a osmose entre elle et ses propriétaires, et l’exploration menée par Fool révélera les secrets assez abominables de cette famille montrueuse, qui atteindront leur paroxysme dans la cave, où les “gens du sous-sol” vivent comme des bêtes, se nourrissant des cadavres laissés par le couple (lui-même un peu cannibale également). Craven retrouve là les thèmes qui avaient fait tout le succès de La Dernière maison sur la gauche et de La Colline a des yeux : les familles sauvages.
Ici, le traitement est tout de même beaucoup moins brutal, puisque le film n’oppose pas deux familles radicalement différentes qui finissent par se rejoindre dans la violence. Fool ne sert en réalité qu’à nous révéler la psyché de ce couple consanguin, et le personnage est de plus rendu plutôt inoffensif par sa nature même (un brave gamin, courageux et débrouillard, se permettant quelques remarques comiques… un peu le Macauley Culkin de Maman j’ai raté l’avion en version prolétaire). On pourra le reprocher à Craven, et il est vrai qu’il eut été un peu plus audacieux de présenter un héros moins “positif”… les deux complices de Fool auraient très bien pu faire l’affaire). Mais en tout cas il n’échoue pas à illustrer la barbarie secrète de la maison et de ses occupants. Avec une très belle photographie, avec la BO et les bruitages inquiétants (les cris venant des murs ou du sous-sol), il entretient en permanence l’attention des spectateurs, immergés dans l’atmosphère du film comme Fool l’est dans la maison. Celle-ci regorge de pièges, de passages secrets et de coins laissés à l’abandon qui ne contiennent que les rebus de la vie menée par le couple McGill / Robie. Et Fool, au moins sert-il à cela, nous plongera là dedans à un rythme soutenu, devant également beaucoup au sadisme du personnage de Everett McGill, qui avec son costume sado-masochiste de chasseur, avec son fusil dont il n’hésite pas à se servir, avec son fidèle dobermann gueulard, ne prend jamais de repos… Le Cafard et Alice, eux, un peu comme Fool, ne seront là que pour permettre au scénario d’avancer, prouvant une nouvelle fois que si Craven sait très bien utiliser ses personnages négatifs, il ne sait en revanche pas gérer ses “gentils”, se contentant ici de grossiers stéréotypes misérabilistes. Il est vraiment dommage que le réalisateur ait ainsi cédé à la facilité, rapprochant son film des séries B stériles de son époque, alors que par ailleurs beaucoup de choses contribuaient, elles, à l’inscrire dans le prolongement des excellents premiers films de Craven, dans les années 70. Le Sous-sol de la peur est un bon film, il contient même d’excellents moments permettant d’oublier, ou d’excuser, un criant manque de réalisme (les gens du sous-sol sont cloisonés par une seule mince paroi de bois, le couple a fait disparaître plein de monde sans jamais avoir été inquiété par la police, l’architecture de la maison laisse assez de place entre les murs pour que le Cafard puisse y vivre de façon autonome…). Mais il n’égale pas les meilleurs films de Craven. On serait cela dit contents, de nos jours, que le cinéaste revienne à un tel niveau de qualité…
Le Sous-sol de la peur a été un des films qui m’a fait tomber de haut. La jaquette avec ce crâne surplombant une maison aux allures sinistres m’a fait fantasmer sur un film génial. Et au final, ça a été décevant. La menace rôdant dans les couloirs de cette sinistre maison, se constitue que d’un couple aux allures cartoonesques, dont la menace s’étiole au fil du film, jusqu’à devenir complétement ridicule. Les deux autres menaces sérieuses étant cette maison labyrinthique et un chien redoutable qui en fera baver à notre héros. Le film vire dans le drame avec ces enfants séquestrés sans pouvoir voir la lumière du jour mais dont le maquillage enlève toute empathie. Et la dernière partie part dans une sorte de revanche des enfants qui se débarrassent de leurs parents plus ridicules qu’autre chose, échouant à créer un malaise, ce film me fait plus penser aux Goonies qu’a un film d’horreur sérieux.