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La Dernière maison sur la gauche – Wes Craven

dernieremaisongauche

The Last house on the left. 1972

Origine : États-Unis 
Genre : Drame 
Réalisation : Wes Craven 
Avec : Sandra Cassel, Lucy Grantham, David Hess, Fred J. Lincoln…

Pour son premier film, Wes Craven, ex professeur de philosophie ayant tout plaqué pour aller faire du cinéma à New York, se voit demander par son producteur Sean S. Cunningham de réaliser le film le plus effrayant qui soit. Le résultat sera un remake particulier d’un film d’Ingmar Bergman, La Source, transposé de la Suède médiévale à l’Amérique contemporaine du début des années 70. Craven reprend à peu près la même histoire de jeune fille assassinée (Mari), puis vengée par ses parents après que les assassins aient fort inconsciemment trouvé refuge dans la maison de leur victime. A cela, il ajoute dans la première partie du film la présence d’une seconde fille, Phyllis, amie de Mari.

Point de reflexions métaphysiques, ici : Craven joue uniquement la carte de la bestialité qui n’était que soulevée par Bergman. Là où la Karin de La Source était violée et assassinée dans la foulée, le calvaire de Mari et de Phyllis est long, pénible et humiliant. Craven ne dispose pas de beaucoup de moyens (40 000 dollars de budget), mais l’aspect amateur de son film sert le réalisme de l’intrigue, sans aucun artifice de photographie et assez granuleux. Il n’est pas étonnant que le film ait dans certains pays été exploité comme un snuff. Les acteurs se révèlent tous extrêmement inspirés : Mari, la bourgeoise “peace and love” se retrouve paralysée par cette situation en totale rupture avec sa vie habituelle, tandis que Phyllis, fille des quartiers, subit passivement mais avec courage. Quant aux assassins en eux même, ils sont au nombre de quatre : Junior, un jeune réduit à l’état de larbin par son père Krug, qui le drogue volontairement pour s’assurer de sa fidélité ; Sadie, une femme plutôt ouverte que l’on sent néanmoins un peu emportée là-dedans malgré elle ; Weasel, obsédé maniaque du couteau ; et enfin Krug, incarné par un génial David Hess (également auteur des musiques du film) ultra-violent, cynique, sadique et barbare. Les humiliations sont avant tout d’ordre sexuel (viol) mais ne se privent pas non plus de torture en bonne et due forme qui si elle a certes été nettement dépassée en terme de cruauté par des oeuvres plus récentes reste malgré tout assez dérangeante, et ce grâce au décalage entre le monde “peace and love” des deux victimes (surtout Mari) et la réalité à laquelle elles sont confrontées. La Dernière maison sur la gauche s’inscrit dans un cinéma américain concentré sur le cauchemardesque et le brusque retour à la réalité politique et sociale de l’Amérique : l’idéal hippie incarné par l’insouciante Mari est laminé par la violence, celle que l’on trouvait alors principalement lors de la guerre du Vietnam et qui des dires mêmes du réalisateur inspira beaucoup son scénario pour toute sa crudité et son manque de considération pour les victimes, vues comme du bétail par leurs bourreaux. En effet, le retour à la réalité est dur pour cette génération du “Peace and Love” que Craven avait préalablement pris soin de présenter lors d’une exposition bucolique dans laquelle les deux filles se laissaient aller à leurs préoccupations adolescentes, sans se soucier une seconde des réalités. Le peace and love n’était qu’un leurre, et plus dur est le calvaire des filles, plus Craven démontre que le retour sur terre fait mal.

La seconde partie du film, consacrée à la vengeance des parents de Mari, assez libertaires à l’origine, démontrera que les bons bourgeois eux-mêmes ne sont pas épargnés par cette sauvagerie qui n’est pas l’apanage des assassins mais qui sommeille en chacun des personnages. La confrontation entre les parents et les assassins apparaîtra ainsi comme une véritable guerre, comme le début d’une aigreur venant totalement mettre un terme à cette innocence pacifiste rêvée à la fin des années 60. Le coup d’envoi d’une nouvelle ère où le doute, la suspicion et la résignation ont pris le dessus. Les quelques résidus de l’idéalisme hippie sont traînés dans la boue et rendus par Craven avec une ironie très marquée, avec ces deux flics bon-vivants et incapables, qui se croyaient à l’abri de la barbarie et qui ne sauront donc pas réagir aux événements, d’autant plus que tout autour d’eux les isole (les hippies en camionnette qui se moquent d’eux, tout comme la vieille paysanne et son fourgon à poulets) et leur confère un certain côté burlesque façon “Laurel et Hardy” qui donne un cachet humoristique particulier et à vrai dire très acide à un film qui s’il est truffé de défauts techniques (quel montage atroce ! le calvaire du début est haché par les scènes des parents qui s’inquiètent chez eux, principal échec d’un montage qui posa bien des problèmes à Craven) est précurseur d’une vague horrifique qui surfera sur le même thème et qui aboutira à ce qui est aujourd’hui reconnu comme l’âge d’or du cinéma d’horreur, une époque de modernisation et de radicalisation du genre qui continue à marquer les esprits jusqu’à aujourd’hui.

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