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Le Dévastateur – Max Kleven

devastateur

Ruckus. 1981

Origine : Etats-Unis 
Genre : Action 
Réalisation : Max Kleven 
Avec : Dirk Benedict, Linda Blair, Richard Farnsworth, Jon Van Ness…

Kyle Hanson (Dirk Benedict) est un ancien des forces spéciales américaines au Vietnam. Depuis son retour au pays, il erre de ville en ville comme une âme en peine. Son allure crasseuse et ses manières de vagabond lui valent l’inimitié des populations. Arrivé dans un patelin quelconque, il est toutefois considéré autrement par Sam Bellows, le puissant homme d’affaire du village, qui souhaite l’interroger au sujet de son fils, porté disparu au Vietnam et qui appartenait également aux forces spéciales. L’adjoint au shérif est alors censé prendre contact avec Hanson. Sauf que manque de chance, l’adjoint au shérif se trouve être le chef des rednecks de la ville, et il ne rechigne jamais à recourir aux bras de ses amis pour intimider les indésirables. Évidemment, Hanson en prend ombrage et après ses coups de tatane il peut être sûr que les beaufs ne le laisseront pas tranquille. Et tant qu’à faire, puisqu’il est de toute façon l’ennemi public numéro 1, autant en profiter pour compter fleurette à Jenny Bellows (Linda Blair), la veuve du fils disparu de Sam Bellows.

Bien que dix années séparent le livre First Blood de son adaptation avec Sylvester Stallone, le concept de l’ancien du Vietnam peinant à se réintégrer dans une société ingrate n’a pas mis bien longtemps à être remarqué par Hollywood. Les droits du livre de David Morrell ont été achetés peu de temps après la publication du roman, et la sortie tardive du film de Ted Kotcheff n’est due qu’à des complications de production. Entre-temps, Le Dévastateur ne doit pas être le seul film à avoir grillé la politesse à Rambo, sorti un an et demi plus tard. Il serait donc aussi hâtif de penser que le film de Max Kleven est un plagiat du Stallone (ce que l’on croirait pourtant de prime abord) que de dire qu’il s’agit d’une pauvre série B sur le dos de laquelle Hollywood a fait son beurre. Quand l’on regarde autre chose que ces considérations commerciales, il s’agit avant tout du support parfait pour un ex-cascadeur s’initiant à la réalisation pour le cinéma. Après avoir passé l’âge des roulés-boulés, Max Kleven devint un coordinateur de cascades assez réputé, travaillant notamment sur le Rollerball de Jewison, puis un réalisateur de seconde équipe en charge des séquences d’action, là encore sur Rollerball. Quelques années après Le Dévastateur, il devint un collaborateur régulier de Robert Zemeckis et travailla à partir de là au même poste sur plusieurs grosses productions telles Robin des bois, prince des voleurs, Batman le défi ou encore Spider-Man. Il va sans dire que sa carrière de réalisateur / scénariste fit long feu aussitôt après Le Dévastateur, film qui témoigne -un peu- de son aptitude à tourner des scènes d’action et -beaucoup- de sa vision créatrice limitée, pour être gentil.

Pas grand chose à dire sur les scènes d’action, incluant pour la plupart un quota d’explosions relativement spectaculaires compte tenu du budget étriqué. Le summum du film, qui ne se ferait d’ailleurs probablement pas remarquer dans une production à gros budget, est toutefois concentré dans les scènes motorisées, poursuites en voiture et / ou en moto, qui n’ont rien d’exceptionnelles mais sont correctement réalisées et ne sentent pas le frelaté comme dans le premier Andy Sidaris venu. Ce qui est même un peu regrettable. Car en cascadeur consciencieux, Kleven a fait avec les moyens du bord, se limitant à ce qu’il était capable de faire pour un résultat décent. De son côté, Sidaris ne s’embarrasse pas de telles preuves de professionnalisme pour ses films d’action : il y va franchement, quitte a utiliser de grossiers mannequins en mousse. Ses films sont donc remplis d’action non-stop… mais il est vrai qu’il fait passer la pilule avec énormément de second degré, et qu’il est prêt à traîner une réputation de faiseur de nanar. Plus frileux, Kleven joue sur un autre terrain. Mais lequel ? Il ne le sait pas lui-même, et c’est bien là le soucis. Second degré, simple légèreté, ou sérieux papal, le film alterne et ne trouve jamais sa voie. Avec leurs plans foireux rendant systématiquement ridicules toutes leurs rodomontades, les rednecks ne sont clairement pas à prendre au sérieux. L’un deux, parlant à la façon de Max la menace (ce qui est peut-être une tare du doublage français… ou pas, vu que l’acteur est du genre démonstratif) pourrait même être parodique. La musique, aux relents country, fait même songer aux villageois du 2000 Maniac de Herschell Gordon Lewis, c’est dire si l’on est tenté de prendre tout ça à la légère. Mais dans ce cas, pourquoi accentuer aussi exagérément le pseudo-héroïsme du troufion Hanson ? La confrontation de ces deux styles ne rime à rien. Surtout que Hanson lui-même est un paradoxe ambulant. Capable de se montrer débonnaire, principalement lorsqu’il casse du redneck un sourire béat aux lèvres, il peut également se révéler autant voire plus grave qu’un John Rambo en vadrouille. Ce qui lui confère un certain côté parodique, cette fois totalement involontaire. Éviter de montrer son visage trop tôt, faire de lui un véritable porc (au niveau de crasse qu’il affiche en début de film, ce n’est même plus un vagabond, ni un clochard), faire ressurgir ses souvenirs du Vietnam lorsqu’il se retrouve en cellule, l’envoyer s’appliquer des peintures de guerre avant le dernier combat, tout cela, en plus d’être particulièrement lourd (y compris pour Dirk Benedict, qui n’a pas forcément les épaules pour), cadre fort mal avec la nature de ses ennemis graveleux. Au moins les flics de Rambo justifiaient-ils un minimum l’icônification du héros, autant là…

Tant de fanfaronnades pour une poignée de péquenots est peut-être un peu exagéré. D’où la mauvaise idée d’alterner différents tons. En fermant les yeux sur le fait que certains de ces écarts aient lieu avant leur rencontre, on pourra à la rigueur arguer que Hanson cherche à impressionner sa belle par son côté mystérieux et son habileté à se débrouiller (en plus de lui rappeler son mari). Mais ça serait omettre que cette amourette reste puérile (emmener le gamin et sa mère à la fête foraine entre deux bagarres avec des rednecks), et donc par nature peu en phase avec notre soi-disant guerrier brisé. Ce qui nous amène donc à considérer le sujet social du film, portant sur la difficulté de réintégration des anciens soldats. Un sujet très vite abandonné par le réalisateur, qui oublie bien vite que le shérif et dans une moindre mesure le riche industriel beau-père du personnage de Linda Blair (par ailleurs totalement transparente) étaient au départ censés rencontrer Hanson, ce qu’ils ne feront jamais. Ils passent leur film en atermoiements, à demander à l’adjoint d’agir un peu, mais pas trop, et à suivre tout ça avec un train de retard. Bref, aucun constat social là-dedans, les ambitions de Kleven ayant été aspirées par son envie de tourner un film d’action viril dans lequel le spectaculaire réduit par contrainte serait épaulé par des rodomontades fumeuses tant chez le héros que chez les rednecks. Et Kleven de prouver que son truc, ce n’est pas le scénario, ce n’est pas la vision d’auteur, ce n’est pas son sens de l’humour, mais c’est l’action brute. Saluons donc la sage décision qui fut la sienne de se mettre prioritairement (mais pas seulement, puisqu’il commet encore de temps à autres quelques films personnels) au service d’autres réalisateurs, en principe capables de le chaperonner.

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