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Cosa Nostra – Terence Young

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The Valachi Papers. 1971

Origine : Italie 
Genre : Policier 
Réalisation : Terence Young 
Avec : Charles Bronson, Lino Ventura, Joseph Wiseman, Angelo Infanti…

Certes, Le Parrain et Le Parrain II sont incontestablement les meilleurs films traitant de la Mafia en Amérique, ceux qui ont constitué l’influence essentielle de tous les films de gangsters qui allaient suivre. Mais rien n’aurait été possible sans les témoignages de Joe Valachi recueillis par le sénateur John L. McClellan et utilisés par le journaliste Peter Maas dans sa biographie de Valachi. Ce dernier fut en effet le tout premier membre de la Mafia à briser la fameuse loi du silence et à révéler en pleine lumière les méthodes de fonctionnement de la Mafia. Conçu à peu près à la même époque que le premier Parrain, Cosa Nostra n’est autre que l’adaptation du livre de Peter Maas et reprend ainsi les vrais noms cités par Valachi ainsi que les vraies situations vécues par les organisations mafieuses depuis l’entrée de Valachi dans le milieu, à la fin des années 20.
Pourtant, un film n’est pas un livre, encore moins lorsque le livre servant de support ne relève pas de la fiction. C’est ainsi que le réalisateur Terence Young et ses scénaristes optèrent pour une narration sous forme de flash-back, procédé pour le coup ingénieux puisqu’il permet également d’aborder le contexte du témoignage de Valachi. Le film démarre ainsi lorsque Valachi (Charles Bronson) est envoyé dans la même prison que Vito Genovese (Lino Ventura) et ses hommes. De toute évidence, ceux-ci veulent la peau de leur ancien collègue, coupable à leurs yeux de les avoir trahi. Bien qu’en prison, Don Vito reste un homme puissant et ses contacts dans les milieux policiers et judiciaires lui valent bien des égards. On ne donne ainsi pas cher de la peau de Valachi. Le seul moyen pour lui de survivre serait d’accepter de témoigner auprès d’un agent du FBI. C’est ainsi que Valachi se mettra à table…

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Pour un spectateur du vingt-et-unième siècle, la Mafia n’a plus beaucoup de secrets. Les révélations de Valachi, aussi instructives qu’elles puissent avoir été à l’époque, n’apparaissent aujourd’hui plus que comme un catalogue sommaire (le film ne dure que deux heures, bien peu face aux six heures des trois Parrain cumulés) des étapes de la vie d’une organisation mafieuse. De la guerre des gangs durant laquelle Valachi s’est lié à l’organisation d’un des chefs belligérants du nom de Maranzano à la paix suivie d’une annexion des différentes familles au même nom de Maranzano, des complots à la tête de la “Famiglia” à l’exil en Italie d’un successeur potentiel, des complots préparés en douce aux débats sur les activités commerciales de l’organisation, il n’y a pas à proprement parler de grandes surprises. Témoin passif car ne demeurant malgré ses diverses promotions qu’un “soldat” au service d’une hiérarchie très fortement marquée, Valachi raconte cette histoire avec une certaine distance. Puisque le film découle du témoignage d’un homme cherchant avant tout à adoucir ses sanctions pénales, on peut d’ailleurs se demander à quel point Joe Valachi a atténué certains aspects de sa propre participation aux crimes commis. L’homme qui joue son rôle, Charles Bronson, traverse en tout cas le film comme si il avait été malgré lui amené à faire des choses qu’il ne souhaitait pas voir perpétrées. Bien qu’il se livre lui aussi à des meurtres, il n’est en rien comparable à Vito Genovese et à ses lieutenants, les vraies têtes pensantes. Le film va même plus loin en inventant de toute pièce une scène de castration sur l’un des amis de Joe ayant assuré d’un peu trop près la protection de la femme du chef, malgré justement les mises en garde de Joe.
Cela dit, malgré ce personnage de soldat côtoyant quasiment de façon intime les pontes de la Mafia sans jamais jouer de rôle autre que celui d’homme de main (et effectivement, Valachi n’était pas une “huile”), malgré ses étapes convenues, Cosa Nostra reste un film très instructif. On ne saurait lui reprocher d’avoir utilisé des ficelles éculées, puisque le film fut fait avec une claire intention documentariste sur des époques charnières de la mafia. Celle de la prohibition, d’abord, avec ses mafieux vieille école représentés par Maranzano, italien jusque dans l’âme ne tolérant aucun étranger dans l’organisation, restant très à cheval sur la morale (refusant ainsi le trafic de drogue), étant très porté sur l’aspect solennel des choses (la cérémonie d’initiation) et prenant volontiers modèle sur Jules César, son idole. Cette époque touche à sa fin dans les années 30, lorsque la jeune génération incarnée par Lucky Luciano et Vito Genovese prend le pouvoir, déclenchant de vrais bains de sang, des vendettas personnelles, mettant sur pied le trafic de drogue et n’hésitant pas à ourdir de sombres complots pour accéder à leurs fins : le pouvoir et l’argent en cascade. Le crime reste, mais les valeurs changent et la mafia de perdre son code de l’honneur, obsolète. Il n’y a alors plus que des guerres larvées, de la paranoïa et des hommes cherchant à tout prix à reprendre les choses en main personnellement (suite à la fin de la guerre des gangs avec l’assassinat de Joe Masseria puis avec celui de Maranzano, les leaders se succèdent sans stabilité aucune).

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Cette succession d’évènements trouve écho dans son contexte réaliste (prohibition, guerre) et, en plus de son aspect toujours très ludique pour les amateurs de films policiers, permet également au spectateur de confronter cette vision historique de la mafia avec celle qu’il a reçu dans les films, très proche. Un respect des faits assez rare pour être signalé.
La cerise sur le gâteau arrive lorsque cessent les flash back, et lorsque l’on retrouve l’instant présent, avec le témoignage de Valachi. Des aveux fracassants obtenus par des manipulations politiques d’ampleur, à peine plus dignes que les moyens utilisés par la mafia. Nous replongeons là dans les années 50, avec ces politiciens et ces juristes plus prompts à regarder la surface des choses que leur côté humain, plus intéressés par les révélations sensationnelles que par l’auto-critique qui pourrait découler d’une analyse concrète des choses.

Cosa Nostra, si il reste très loin du Parrain (il faut dire que son objectif est assez différent), peut au moins se targuer de présenter la réalité de différentes époques de pratiques mafieuses, replacées dans leur contexte. S’intéressant bien moins aux humains que Coppola (qui avec ses films-fleuves pouvait se le permettre), et ce malgré ses excellents acteurs, Terence Young réalise tout de même une sorte de résumé de tous les films de mafia, sur lequel s’appuiera Coppola lui-même pour Le Parrain 2.

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