CinémaHorreur

Ça – Tommy Lee Wallace

ca

It. 1990

Origine : Etats-Unis
Genre : Épouvante
Réalisation : Tommy Lee Wallace
Avec : Tim Reid, Jonathan Brandis, Brandon Crane, Emily Perkins…

Adapter Stephen King, cela va de soit, surtout après plus d’une décennie d’adaptations fructueuses, mais entre ses nouvelles trop courtes pour soutenir un long-métrage et ses pavés inadaptables dans une durée standard de 2 heures, la tâche n’est guère aisée. Et pourtant, ce serait bien dommage de ne pas profiter de tous les romans de King, véritables pains bénis pour les producteurs de tous poils. Pour le cas des nouvelles, une fois mise de côté l’option du film à sketchs, il n’y a pas 36 solutions : il faut broder. Ce que fit Fritz Kiersch en 1984 avec Les Démons du maïs. Qualitativement, le film ne restera pas dans les mémoires (encore qu’il connu plusieurs séquelles, capitalisant plus sur le nom de King que sur le film de Kiersch), mais d’un point de vue opportuniste, il donna le coup d’envoi à tout un tas de films réécrivant les histoires de King, pour un résultat souvent médiocre. Le cas des pavés est un peu plus complexe. En la matière, Tobe Hooper fit figure de précurseur avec Salem, pourtant loin d’être le plus volumineux roman de l’auteur, mais porté au petit écran pour une mini-série de 3 heures, éditée et remontée pour tomber à 1h30 en vidéo (ce remontage est la seule version des Vampires de Salem à circuler en Europe). Cette expérience resta sans lendemain jusqu’en 1990, année d’adaptation de Ça, roman incontournable de Stephen King (et peut-être son meilleur). Le téléfilm, d’une durée de 3 heures, confié aux bons soins de Tommy Lee Wallace, poulain de John Carpenter, fut le point de départ de toute une vague d’adaptations télévisuelles. Suivront Les Tommyknockers, Le Fléau, Les Langoliers, un nouveau Salem etc… Bien que les réactions de Stephen King à toutes ces transpositions demeurent pour la plupart inconnues, on peut tout de même affirmer qu’il n’a pas été échaudé par le principe des téléfilms, puisqu’il utilisera lui-même le média pour refaire sa propre version de Shining, confiée à son ami Mick Garris, qui tournera également Désolation pour le petit écran. La démarche de Ça a porté ses fruits, et le film demeure une date dans la longue histoire de King à l’écran.

En 1990, la petite ville de Derry est en proie à des meurtres et à des disparitions d’enfants. Le coupable ? Ça ! Également appelé Grippe-sous le clown, entité séculaire réapparaissant tous les 30 ans pour se nourrir des marmots et de leurs peurs. A sa dernière apparition, en 1960, une poignée de gamins connus sous le sobriquet du “club des paumés” en était venus à bout avant de faire la promesse qu’ils reviendraient si d’aventure Ça venait à réapparaître. Parmi eux, Mike Hanlon (Tim Reid), seul d’entre eux à être rester à Derry. Et puisque les meurtres ont repris, il ne peut faire autrement que de rappeler ses anciens camarades pour s’en aller une fois de plus combattre le mal logeant dans les égouts de la ville.

Avec plus de mille pages au compteur, Ça est un des plus gros romans de King. S’appuyant sur sa propre expérience de gamin orphelin de père, sans cesse déraciné et par conséquent plutôt marginal, il y recréait des sensations d’enfance, partagées entre la difficulté de s’intégrer, le plaisir de former un groupe d’amis unis par leurs différences et le sentiment de totale liberté éprouvé en ces âges sans responsabilité au moment des vacances estivales. Une certaine nostalgie transparaissait à travers les pages. Et bien sûr, il y créait Grippe-sous le clown, incarnation de toutes les peurs enfantines, incomprises des adultes. Accessoirement, il créait aussi la ville de Derry, qui en un livre s’imposait déjà comme l’équivalent de Castle Rock, tant son passé et son présent étaient décortiqués sous toutes leurs coutures (une fois Castle Rock détruite dans Bazaar, Derry la remplacera dans l’œuvre de King, décidément incapable de situer ses livres ailleurs que dans des petites villes). Que reste-il de tout cela dans le film de Tommy Lee Wallace ? Soyons francs : pas grand chose. Grippe-sous ne donne aucunement l’impression d’être intimement lié à la ville et à sa funeste histoire comme l’était son alter-ego littéraire, et plus que les modifications factuelles nécessaires (même si les séquences les plus malsaines, les plus gores ou les plus sexes passent à la trappe, ce qui est regrettable, il fallait bien faire des choix pour ne pas arriver à 10 heures de métrage) c’est bien la convivialité et le regard sur l’enfance, deux éléments essentiels au roman, qui manquent à ce téléfilm. Pourtant, Tommy Lee Wallace et son scénariste Lawrence D. Cohen (déjà initié à King, puisqu’il écrivit Carrie en compagnie de De Palma) ont fait tout ce qu’ils ont pu. Ce manque ne saurait en fait être attribué à autre chose qu’au besoin de ne pas dépasser le temps imparti. Intelligente, la gestion de la narration navigue entre passé et présent, consacrant un flash-back de 1960 à chacun des membres de feu le “club des paumés” à chaque appel individuel passé en 1990 par Mike Hanlon. Mis bout à bout, ces longs flash-backs retracent la naissance du club jusqu’à sa séparation, après avoir vaincu Ça. Si il y a bien une certaine osmose entre les sept gamins, cela découle davantage de leurs déboires commun avec Henry Bowers et sa bande de caïds que de leur union dans la lutte contre Ça. Dans leurs flash-backs respectifs, chacun d’entre eux se remémore sa première rencontre avec le clown. Et c’est à peu près tout, à part quelques autres flash-backs un peu plus loin dans le film. Hormis pour la descente finale dans les égouts, il n’y a presque pas d’expérience commune contre lui. Bill le bègue, Ben le gros, Beverly la fille, Richie le binoclard, Eddie l’asmathique, Stan le juif et Mike le noir ne font qu’échanger leurs expériences individuelles et préparer leur coup final, sans que le clown ne semble plus que ça être après eux, ni eux après lui. Vraiment dommage, car la menace pesant sur eux aurait certainement pu développer leur solidarité et leur amitié et en faire des personnages bien plus attachants, comme ils l’étaient dans le livre, et à défaut de revisiter le passé de Derry comme le faisait King, cela aurait accentué l’emprise du monstre sur la ville. La présence de Ça s’en trouve réduite, ce qui est un crève-cœur quand l’on voit l’efficacité de chacune de ses apparitions. Surgissant toujours dans les endroits où il ne devrait pas être, le monstre incarné par l’excellent Tim Curry est probablement l’un des plus impressionnant spécimen depuis le Freddy Krueger des Griffes de la Nuit. Il est aidé en cela par la mise en scène de Wallace, qui n’a pas fréquenté Carpenter pour rien, par un humour très noir et par des effets spéciaux et de maquillage aux petits oignons (les différentes transformations subies par son visage, que ce soit pour sa dentition ou pour ses blessures dans le combat final, sont parfaites). Nombreux sont les films à avoir tenté de rendre inquiétante la présence d’un clown, mais aucun n’arrive à la cheville de Ça. Ce qui a conduit le téléfilm de Wallace à être considéré par divers sondages d’opinion américains comme étant l’un des films les plus effrayants jamais tournés. Sans aller jusque là, il est vrai que ce téléfilm en remontre à beaucoup de pseudos films d’épouvante.

Cependant on ne saurait dire que la partie “adulte” de 1990 soit au même niveau. Devenus adultes, les membres du club des paumés reviennent à Derry et rencontrent une nouvelle fois le clown, toujours individuellement, ce qui prolonge l’aspect “enchaînement de scènettes” des flash-backs composant la majorité de la première partie. Les apparitions de Ça sont toujours aussi inspirées, mais pour le coup, le film se met à patiner sévèrement. Il n’y a plus le bénéfice de la découverte, de la formation du club des paumés, et Wallace peine à rendre vraiment convaincantes ces retrouvailles passées sous le signe de la nostalgie. C’est l’une des conséquences du manque de vécu commun des personnages face à Ça. Dans son roman, King pouvait compter sur l’émotion des retrouvailles, ce que Wallace peut difficilement faire, compte tenu de la maigreur des souvenirs. Entre outre, le manque de temps lui joue là aussi des tours, empêchant réellement les liens de se ressouder, d’où la sensation que certains personnages sont plus importants que d’autres (Mike et Bill). La nostalgie devient dès lors très surfaite et à vrai dire, tous les personnages devenus adultes nous indiffèrent. L’osmose qui existait entre les enfants, déjà mince, n’existe plus. Seul Ça reste fidèle à lui-même… jusqu’à ce dénouement catastrophique, simpliste, bourré de clichés et démythifiant pourtant ce monstre qui avait à lui seul su faire vivre le film, même dans ses moments les plus mous (la partie des adultes).

Le bilan est fort mitigé pour ce téléfilm rebaptisé “Il” est revenu à la télévision française. Entre les quelques erreurs commises par Wallace et les contraintes de temps qui malgré le format de mini-série se font cruellement ressentir, l’adaptation est loin de valoir le roman. Reste un téléfilm honnête, qui compte tenu de la frilosité du petit écran (pour l’époque) et de la grande difficulté d’adapter un roman aussi riche, s’en sort admirablement à plusieurs niveaux, à commencer par celui de Grippe-sous. Wallace pouvait-il vraiment faire mieux ? Difficile à dire. On en aura peut-être une meilleure idée lorsque la seconde adaptation, annoncée en mars 2009 et prévue pour 2011, verra le jour.

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