Blair Witch – Adam Wingard
Blair Witch. 2016.Origine : États-Unis
|
Cela fait maintenant 15 ans que James vit dans l’obsession de savoir ce qui est réellement advenu de sa sœur, portée disparue depuis qu’accompagnée de deux amis, elle s’est aventurée dans la forêt de Blair. La mise en ligne sur Youtube d’une vidéo issue du documentaire qu’elle tournait alors lui donne l’impulsion nécessaire pour se lancer à son tour dans un périple en forêt. Accompagné de trois amis, il part retrouver 666 à Burkitsville, pseudonyme derrière lequel se cache la personne qui a retrouvé et mis en ligne ladite vidéo. Sur place, il fait la connaissance de Lane et de sa compagne Talia. Deux drôles de zigs qui exigent de les accompagner dans leur quête. Sans ça, ils refusent de les emmener sur les lieux de leur découverte. Après une brève concertation d’où il ressort qu’ils n’ont guère le choix s’ils ne veulent pas rentrer chez eux gros-jean comme devant, ils acceptent. C’est donc un groupe de six personnes qui amorce une randonnée périlleuse dans la forêt de Blair, endroit rendu sinistre par les multiples légendes macabres qui y sont rattachées.
La lecture de ce résumé fleure bon le réchauffé. Et pour cause puisque ce Blair Witch participe de nouvelle tendance du cinéma américain d’amalgamer suite et remake en un film souhaitant brasser le plus large spectre possible. Il convient d’attirer une nouvelle génération de spectateurs tout en titillant la fibre nostalgique chez ceux qui ont connu et apprécié le film original. Sauf que les données ne sont plus les mêmes. Lorsque sort en 1999 Le Projet Blair Witch, auréolé du label Sundance, le festival du cinéma indépendant américain porté et créé par Robert Redford, la surprise est totale. Fort d’une habile campagne promotionnelle qui essaime sur un web encore balbutiant avec la création d’un site dédié, le film attire les foules en leur proposant une expérience inédite. Produit pour une misère, à l’échelle de l’industrie, le faux documentaire d’Eduardo Sanchez et Daniel Myrick devient un petit – sachons raison garder – phénomène de société, moins pour ses qualités cinématographiques que pour sa grande rentabilité. Le petit film venu de nulle part qui rafle la mise au nez et à la barbe des grosses machineries hollywoodiennes offre une bouffée d’oxygène bienvenue au sein d’une industrie de plus en plus formatée, laquelle ne tarde en général pas à s’emparer du phénomène pour l’exploiter jusqu’à la lie. Dans ce contexte, qu’une suite soit entreprise dans la foulée relève de la logique la plus élémentaire. En revanche, Le Projet Blair Witch tardera à faire école. Si le film a connu son lot d’ersatz, des polissons The Erotic Witch Project de John Bacchus et The Bare Wench Project de l’infatigable Jim Wynorski aux inévitables parodies The Bunk Witch Project ou encore The Blair Clown Project, il faudra patienter près d’une décennie pour que le found-footage refasse vraiment parler de lui avec des titres comme [Rec], Cloverfield et surtout la machine à fric Paranormal Activity produit par Blumhouse. Dans l’intervalle, même des cinéastes chevronnés comme Brian De Palma (Redacted) et George Romero (Diary of the Dead) se seront essayés à l’exercice, sans néanmoins réussir à convaincre sur un procédé qui relève davantage du gadget bon marché que d’une manière pérenne de faire du cinéma.
A l’heure où la série des Paranormal Activity en est à sa cinquième itération (six, si on compte le spin-off Paranormal Activity : The Marked Ones), ce Blair Witch revisité tient tout à la fois du produit anachronique et opportuniste confié aux bons soins d’un réalisateur encore vert, et vaguement remarqué à l’occasion de son Home Movie You’re Next, Adam Wingard. Comme de bien entendu, celui-ci se présente comme un fan de la première heure du Projet Blair Witch, au point d’avoir arpenté moult forêts un caméscope à la main afin de faire “comme si”. Faire comme si résume finalement bien le cœur du projet. A en juger par le soin maniaque qui a présidé à la reconstitution de la maison de la sorcière, et qui se trouve au cœur du supplément le plus notable de l’édition dvd, Adam Wingard et son complice Simon Barrett ne souhaitaient surtout pas brusquer les fans. Un choix timoré mais finalement compréhensible quand on connaît l’extrême sensibilité de ces gardiens autoproclamés du temple. Pour les spectateurs de la première heure, ce Blair Witch ne présente donc aucune surprise notable, suivant scrupuleusement la trame de son modèle. Pour la majorité d’entre eux, les changements tiennent aux progrès technologiques accomplis depuis 1999. Ainsi, un drone, des caméras oreillettes avec GPS intégrés, une caméra infra-rouge voisinent avec les talkies-walkies et un bon vieux caméscope des familles sans qu’Adam Wingard n’en fasse un usage particulier. Le drone lui offre simplement la possibilité d’aérer sa mise en scène par de brefs plans aériens et se trouve au cœur d’une péripétie de l’intrigue sans que cela n’apporte quoi que ce soit en terme d’idée de mise en scène. Il colle tellement à son modèle que cela lui ôte tout recul sur ce qu’il filme. De ce point de vue, le postulat de départ et la manière dont James est caractérisé souffrent d’un manque de cohérence. Toujours suivant cette lubie de rayer les films qui ne leur conviennent pas, Blair Witch se présente comme la suite directe du premier au grand dam de Blair Witch 2 : Le Livre des ombres, coupable de ne pas avoir généré autant d’argent que son modèle tout en pointant du doigt les dérives d’un tel engouement. Le film d’Adam Wingard tente donc de nous faire avaler que ce n’est que tout récemment que James a pris connaissance des images du documentaire de sa sœur grâce à la mise ligne de celles-ci sur internet. Des extraits qui agissent comme un déclic car au détour d’un plan, il a aperçu le reflet de Heather dans un miroir. Oubliant que lesdites images datent de 15 ans, il se persuade qu’elle est encore en vie sur cette seule base. A l’aune de ce point de départ, il apparaît donc tout disposé à croire en l’incroyable en général et à la légende de la sorcière en particulier. Or il suffit de quelques colifichets pendus aux arbres découverts à la sortie de la tente pour qu’il prenne peur et, encouragés par ses compagnons, renonce à sa quête de toujours. Il se comporte comme un novice, ou plutôt comme les personnages du film original alors qu’au contraire, il devrait être psychologiquement mieux préparé.
Pas à une énormité près, Adam Wingard révèle également une note d’attention follement originale, inscrire son film dans la lignée de Massacre à la tronçonneuse. Il y a comme ça des titres incontournables qui le temps aidant sont devenus de véritables produits d’appel. A l’écran, cela se traduit par l’éviction de James lors du dénouement au profit de Lisa, laquelle subit une poignée d’épreuves avant de le retrouver. Pas suffisant pour en faire l’égale des scream queens d’antan. Le mélange de folie pure et d’une atmosphère poisseuse et morbide si caractéristique du film de Tobe Hooper reste bien évidemment une vue de l’esprit. Adam Wingard tente bien de créer un climat conflictuel par l’adjonction d’un troisième couple pas très clair sur ses motivations mais cela reste au stade de la chamaillerie. Tous les protagonistes demeurent désespérément civilisés. Présentés comme des nerds en puissance et amateurs de musique metal (ho la la, les vilains péquenots infréquentables !), il faut avouer que Lane et Talia ont un mode de pensée bien à eux. En somme, ils estiment malin de s’adonner à la mascarade pour mettre en lumière ce qu’ils croient vrais. Et que dans le même mouvement ils puissent nourrir la colère de la sorcière à leur égard ne semble guère les émouvoir. A leur suite, le film s’ouvre néanmoins à un peu d’inédit à base de failles temporelles. Mais toujours sous couvert de fidélité, le réalisateur en fait peu de cas, nous privant de toutes les images qu’ils auraient pu tirer de leurs mésaventures au profit de celles, plus communes, du quatuor d’amis. Cela lui suffit simplement à justifier de manière roublarde que le récit se déroule en permanence de nuit dans son dernier tiers. Et comme sur le terrain de la peur, Adam Wingard ne fait que reprendre les recettes de son modèle, le spectaculaire en plus, sans s’appesantir sur le folklore qu’il évoque, ce Blair Witch version 2016 sombre rapidement dans les tréfonds de l’ennui.
Il n’y avait rien à attendre ni à espérer d’un tel projet et c’est bien ce que Adam Wingard nous a offert, rien. Tabler sur un titre reconnu (une marque ?) pour amasser de l’oseille se sera avéré un bien mauvais calcul. Là où Blumhouse parvient toujours à fédérer un groupe de fidèles autour de ses photocopies, Lionsgate se plante dans les grandes largeurs. Blair Witch n’est pas un film honteux dans la forme mais par la paresse qu’elle induit. Adam Wingard pensait à tort que le temps était venu de revenir dans la forêt de Burkitsville alors qu’il s’agit typiquement du genre d’expérience qui ne se vit qu’une fois.
Bonne critique du film. J’ai bien aimé la référence à Blair Witch 2 le livre des ombres qui anticipait l’exploitation financière du premier film par ce remake/suite, ce qui comme vous l’avez souligné était un mauvais calcul.
Pour ma part, l’ayant vu au cinéma, le film ne m’a pas fait peur. Je n’ai pas ressenti la perte de repères qu’ont les personnages dans le film original, à ne plus retrouver leur chemin. Je ressentais leurs angoisses alors que dans ce film, je me sentais en dehors de ce qui pouvait leur arriver. En plus de l’introduction de quota minoritaire via un couple rendait l’expérience plus factice. Il faut attendre la dernière partie sous la pluie avec la cabane pour que le niveau du film soit un peu rehaussé. Les éléments hostiles, la pluie, le vent et les branches poussent à se réfugier dans cette cabane mais elle parait tellement sinistre et glauque, que l’on y sent le danger, et que paradoxalement c’est en restant à l’extérieur que l’on est plus en sécurité. Ce qui est pour moi la plus grande réussite du film.
Le reste du film fait dans l’anecdotique. On a du mal à s’y accrocher, les personnages sont tellement pas intéressants que je ne prenais même pas la peine de lire parfois les sous titres tant le déroulement de l’histoire était prévisible. Et les quelques changements par rapport à l’original sont tellement mineurs qu’ils apportent rien au film.
A ce compte là je vous recommande le film, le rituel de David Bruckner ou quatres hommes pour se changer les idées après la mort de l’un de leur amis, vont s’aventurer dans la foret, au risque eux aussi de s’y perdre.