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Bermudes : Triangle de l’enfer – Tonino Ricci

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Bermude : la fossa maledetta. 1978

Origine : Italie / Espagne / Mexique 
Genre : Fantastique / Horreur 
Réalisation : Tonino Ricci 
Avec : Andres Garcia, Janet Agren, Arthur Kennedy, Pino Colizzi…

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Six mois après la disparition du navire sur lequel il officiait, Andres Montoya (Andres Garcia) réapparaît. Il ne se souvient absolument pas de ce qui s’est passé. Un médecin fort avisé lui conseille de prendre un peu de vacances, qu’Andres choisit de passer à Saint Domingue, non loin du Triangle des Bermudes où il avait disparu. Plongeur expérimenté, il compte prendre du bon temps avec sa copine Angelica (Janet Agren) et son ami Enrique, si possible en évitant son frère Ricardo (Pino Colizzi) qui en son absence s’est un peu trop rapproché d’Angelica. Et pour joindre l’utile à l’agréable, Andres accepte la forte somme d’argent promise par Mr. Jackson (Arthur Kennedy), un mafieux désirant récupérer des documents gisant dans un avion au fond de l’eau. L’argent n’a pas d’odeur, pense-t-il. Grosse erreur ! Non seulement le mafieux va le tromper, mais en plus Andres va trouver dans les abysses un début d’explication aux manifestations provoquées par le Triangle des Bermudes.

Il ne reste aujourd’hui pas grand chose de l’engouement cinématographique pour le Triangle des Bermudes. En son temps, c’est à dire à la fin des années 70, cette mode avait généré quelques ersatz à la suite du succès des Grands fonds, signé Peter Yates en 1977 d’après un roman et un scénario de Peter Benchley, auteur des Dents de la mer. Avec son histoire de requin, Benchley avait eu la chance que son livre soit soutenu par l’industrie cinématographique en vue de son adaptation, qui comme chacun sait fit un triomphe et constitua une intarissable source de plagiats plus ou moins discrets. Mais si Les Grands fonds fut un succès commercial, il n’égala pas les records de Spielberg et ne passa pas à la postérité. A succès moindre, retombées moindres, y compris dans le microcosme de la repompe cinématographique. Les films prenant pour cadre le Triangle des Bermudes ont été fort moins nombreux, demeurèrent sans lendemain et aucun de ses représentants ne s’est imposé dans les esprits. L’italo-espagnol Bermudes : Triangle de l’enfer pas plus que les autres, et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Son réalisateur, Tonino Ricci, n’est pas des plus réputés et ses acteurs peinent à soutenir la comparaison avec les grands noms du cinéma bis italien qui vivait ses dernières belles heures. Il faut dire à leur décharge qu’aucune occasion ne leur est offerte pour se distinguer, ni un profil psychologique fouillé (mais cela va de soit), ni même une certaine latitude pour exprimer qui son sens de l’action, qui son humour, qui ses charmes etc etc… Nager et tenir un flingue, c’est toutes les qualifications que Ricci leur a demandé. Et pourtant, le scénario aurait nécessité des personnages autrement plus étayés que ces tristes pantins. Car n’ayant probablement pas trop d’idées sur la façon d’exploiter le Triangle des Bermudes dans les limites de son budget et de son imagination, Ricci s’en va gaiement diviser son film en trois intrigues, bien entendu très mal proportionnées et très mal reliées.

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La pire de toute est certainement l’histoire amoureuse, qui justifie la présence d’un personnage, Ricardo, frère du héros Andres, qui n’a d’autre rôle que provoquer un dilemme amoureux que Ricci ressort des cartons quand il n’a vraiment plus rien à montrer. C’est à dire que le brave Ricardo a dû accepter de laisser Angelica à son frère miraculeusement réapparu, et forcément, ça le mine un peu. Rares sont les apparitions de Ricardo, elles doivent se limiter à deux ou trois, mais à chaque fois le sujet de son désarroi amoureux revient sur le tapis à grand renfort de sous-entendus. Ce n’est pourtant pas ça qui rend cette partie “sentimentale” aussi mal foutue : c’est sa tendance à ne concerner qu’un seul personnage (parce qu’Angelica s’en fout, et Andres ne parle même pas à son frère) encore plus inutile que les autres et à tomber comme un cheveu sur la soupe. A vrai dire, il m’est venu à l’esprit que la VHS était tronquée, mais non, après vérification ça ne semble pas être le cas. En fait de sous-intrigue, nous devrions parler de sous-sous-intrigue.
A l’inverse, l’histoire du mafieux voulant récupérer ses documents est une sous-intrigue qui prend le pas sur l’intrigue principale. Du moins au niveau du temps consacré à l’écran. Car Ricci n’a rien à dire là dessus non plus : Jackson agit pratiquement seul, on ne sait pas quelle est la nature des documents recherchés, quelle est son organisation etc… Aucune donnée sur lui ne nous est donnée, ce qui n’aide pas à prendre au sérieux sa sous-intrigue, déjà plombée par de grossières invraisemblances (le mafieux obligé de recruter deux badauds, l’avion qu’il attendait abîmé pas loin des côtes sans que la tour de contrôle ne s’en soucie, et l’incapacité caractérisée de cet hurluberlu à se débarrasser de quelques clampins sans envergure comme Andres, Angelica et Enrique). Bref, tout cela a été fait dans un seul but : gagner du temps pour faire de Bermudes : Triangle de l’enfer un long-métrage. Ricci n’a même pas essayé de dissimuler ce fait, criant lorsque l’on assiste à plusieurs reprises au spectacle de Jackson braquant son arme sur ses deux plongeurs, les obligeant à rester sous l’eau, et donc à découvrir… l’intrigue principale, en principe. C’est à dire l’origine de la malédiction du Triangle des Bermudes, au delà d’une fosse aquatique. Notons que le mélange du côté polar (avec musique funky) et de la science-fiction comme elle est ici abordée (avec musique planante) n’est pas du meilleur effet. C’était prévisible, et on se demande comment Ricci a pu y avoir recours.
Est-ce encore une fois le signe d’une imagination en berne (ce qui expliquerait ces sous-intrigues fumeuses) ou celui d’une volonté de se ranger aux côtés des œuvres aussi fascinantes que 2001 l’Odyssée de l’espace ou Rencontres du troisième type, difficile à estimer, mais toujours est-il que Ricci veut faire dans le mystérieux. Maintenir le spectateur dans l’attente à coup de séquences contemplatives censément poétiques, dont certaines n’ont d’autre but que de montrer à quel point les forces tapies au fond du Triangle sont puissantes. Je pense notamment à une scène dans laquelle les convives d’un bateau -que nous ne connaissons pas- sont tous amenés à se jeter à l’eau comme une bande de lemmings suicidaires. L’aspect fantastique s’impose dans cette scène via une poupée macabre se mettant à saigner dans l’eau, on ne sait trop pourquoi. C’est mou, ça n’a aucun sens, c’est encore du remplissage, mais le fantastique confère à cette scène un certain charme que l’on ne retrouve pas lorsque ce sont nos “héros” qui sont attirés par les grands fonds. Et ceci parce que le fantastique y est totalement absent. A la place, le réalisateur se fait insistant sur le côté “nature et découverte” de la plongée sous-marine. A quelques maquettes près ces séquences sont bien réalisées, certes, mais autant regarder les films du commandant Cousteau, au moins enrichissants d’un point de vue scientifique. Même les éléments se voulant étranges peinent à sortir de la léthargie… Par exemple les requins, qui se contentent de dormir en groupe au fond de l’eau. C’est bizarre, certes, mais pas cinégénique pour un sou. A des lieues du monolithe de 2001 ou des lumières de Rencontres du troisième type. Et c’est pourtant ce que l’on aura de plus croustillant à se mettre sous les yeux jusqu’à un final qui ne nous en dévoile pas plus (une sorte de cité aquatique entraperçue et une image incompréhensible faisant vaguement penser… aux bonshommes représentés sur les feu rouges pour piétons). Tout ça pour ça ! Par contre il y aura le réveil des requins, qui amèneront un certain côté “Dents de la mer” avec des effets gores guère convaincants et surtout un montage anarchique. Il aura fallu se farcir une heure vingt de vide abyssal pour finalement se voir refuser tout début de réponse et plonger dans un sous-genre que Bermudes : Triangle de l’enfer promettait de ne pas traiter. C’était même ce qui faisait son principal mérite. Ricci s’est moqué du monde, tout simplement. Son film se passe de commentaires et devrait aussi se passer de visionnage.

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