CinémaScience-Fiction

Yor, le chasseur du futur – Antonio Margheriti

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Il mondo di Yor. 1983

Origine : Italie / France / Turquie 
Genre : Heroic fantaisiste 
Réalisation : Antonio Margheriti 
Avec : Reb Brown, Corinne Cléry, Luciano Pigozzi, John Steiner…

Fier comme un paon et fort comme un turc dans ses bottines en poils de mammouth, Yor le chasseur (Reb Brown) déboule fortuitement en pleine forêt où il sauve la plantureuse Kalaa (Corinne Cléry) et son protecteur limité, le vieux Pag (Luciano Pigozzi), des griffes d’un tricératops mutant. Invité à rester à la fête de la tribu, il les sauve encore une fois, cette fois des sauvages hommes bleus venus exterminer le monde. Désormais assisté par ces deux compagnons, il peut reprendre la quête sur ses origines, que Kalaa imagine similaires à celles de cette étrange femme rencontrée auprès d’un peuple du désert glacé, et qui arbore le même médaillon que Yor. Après maintes pérégrinations avant et après avoir rencontré la blonde en question, il s’avèrera que Yor a quelque chose à voir avec la civilisation du futur dirigée depuis son île isolée par l’infâme Overlord, dont les funestes intentions, si elles venaient à réussir, risquent bien de saccager la permanente de notre héros.

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Bien sûr qu’il n’est pas compliqué de faire de Yor une mini série de trois heures et demie ! Non pas parce que le film de Margheriti est adapté d’une bande dessinée italo-argentine et qu’il y aurait plein de choses à incorporer au récit, mais justement parce que de récit il n’est pas question. Yor, le chasseur du futur n’est qu’une suite de péripéties sans importance jusqu’au final dans la cité du futur, où les origines de Yor sont vite dévoilées et où la lutte contre le grand méchant (dont nous n’avions pas entendu parler jusque là) peut enfin commencer. Ce qui fait que seules une vingtaine de minutes semble raconter une histoire. Antonio Margheriti, également co-scénariste, ne s’est pas encombré de scrupules. Il est évident que son film mange à tous les râteliers, de Conan le barbare à La Guerre des étoiles en passant par La Guerre du feu, par les films de mondes perdus inspirés par Conan Doyle et même discrètement par le post-apocalyptique, mais il n’en a conservé que des éléments esthétiques ou des postulats qui ne l’engagent à rien. Il y a même fort à parier que la bande dessinée de Juan Zanotto et Ray Collins a encore moins fourni de grain à moudre à cet ersatz de scénario englué dans le cinéma bis italien du début des années 80. Période de films ridicules si il en est, qui ironie de l’histoire cinématographique sont immédiatement identifiables à l’écran, en photo, en musique (on a ici droit à un infâme titre new wave chantant le monde de Yor) ou encore sur les rayonnages de vidéo-clubs (ou plutôt dans les étals de vide-greniers, puisque les éditions DVD sont malheureusement rares) entre leurs modèles du moment, avec lesquels ils voulaient pourtant se confondre. Ces films ont en commun une certaine hardiesse les poussant à se prendre au sérieux alors qu’ils prennent l’eau de toute part. C’est encore le cas ici, avec des costumes soit préhistoriques (les peaux de bêtes sont de sortie) soit futuristes (les androïdes d’Overlord avec leurs armures de Dark Vador) qui en eux-mêmes sont déjà à la limite du ridicule, et qui le deviennent avec les acteurs qui les portent. Reb Brown, l’interprète de Yor, ne joue pas particulièrement mal. Il est dans la tradition des acteurs à gros bras cherchant à lancer leur carrière en Italie. A ce titre il est comme beaucoup de ses collègues du même profil : plus monolithique que véritablement mauvais comme peut l’être un Mark Gregory (les deux Guerriers du Bronx, films qui par ailleurs sont emblématiques du fourvoiement du cinéma populaire italien). Il est en fait très mal dirigé, ce qui l’amène à traverser le film sans charisme aucun dans son costume saugrenu et à réciter des répliques pompeuses cherchant à faire naître de grands sentiments. Sauf que sans scénario et avec un personnage principal hors sujet, la médiocrité du film n’en est que davantage accentuée. Un retour de bâton prévisible.
Du côté des autres personnages du film, c’est là encore la Bérézina. Il n’aura pas fallu longtemps à Corinne Cléry pour passer de la relative lumière de la James Bond girl dans Moonraker (certes le plus douteux de tous) à l’ombre des cavernes italo-turques, où elle parvient sans cesse à se mettre dans de sales draps et à freiner Yor dans la quête de ses origines. C’est à peu de choses près sa seule utilité : celle d’un boulet à traîner, en outre capable de crises de jalousie vite oubliées histoire de relever un peu le goût de leur fade histoire d’amour, elle-même née d’une nécessité purement académique (il est impensable de faire un semblant d’épopée sans donner une copine au héros, sinon il ne pourrait pas montrer son bon fond en déclarant sa flamme). Pag, le protecteur de Kalaa avant l’arrivée de Yor, vaut un peu mieux en ce sens qu’au moins lui participe aux combats au lieu d’en être l’involontaire élément déclencheur. L’expérimenté Luciano Pigozzi ne s’en sort pas trop mal, mais à bientôt 60 ans et avec son physique de Peter Lorre il souffre de son accoutrement primitif et de certaines choses que lui demande un Margheriti pour le coup pas très malin. Notamment le coup du Pigozzi trapéziste. Déjà qu’un Stallone Rambo à 60 ans est sujet à polémiques, alors un Luciano Pigozzi acrobate…
Le reste du casting joue aux utilités, et il est inutile de s’y attarder. Dans le fond, seuls Yor et Overlord sont utiles. Mentionnons quand même la tribu des hommes bleus, des sauvages crasseux tellement velus qu’on peine à distinguer ce qui est leur vêtement de ce qui est leur système pileux. C’est la touche de la co-production turque, qui en fournissant les acteurs pour ces rôles ô combien gratifiants vient rappeler que la Turquie a plus qu’a son tour produit des films hautement fantaisistes.

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Pour ce qui est la quête de Yor en elle-même, ou du moins de la route prise pour la mener à bien, et bien disons que tout y est fort convenu. Les batailles entre hommes préhistoriques n’ont par définition pas recours à des armes particulièrement méchantes, et Margheriti nous lasse un peu avec ses bagarres répétitives, parfois traversées par des fulgurances venues de son esprit de toute évidence peu lucide (genre du deltaplane avec le cadavre d’un ptérodactyle). La présence de dinosaures remplit d’ailleurs le quota de créatures fantastiques, quoiqu’il ne faille pas s’attendre à la magie des effets spéciaux de Ray Harryhausen. Le style est rigide, l’animation de créatures est très laborieuse et, signe qui ne trompe pas, le réalisateur ne les filme que rarement en plein cadre. Au début du film, nous trouvons tout de même une scène d’énucléation assez gore sur le tricératops, ce qui aurait pu laisser penser que Margheriti nous réservait un film un peu plus moderne que cette fausse épopée qui dans le fond ne diffère guère d’un peplum, mais hélas ce moment de bravoure est sans lendemain. En temps que mini-série, comme il fut prévu, Yor, le chasseur du futur ne veut pas choquer les familles et se tient bien sagement à l’écart de toute violence explicite. Soit de ce qui avait pourtant contribué à sauver plus d’un film italien à l’époque, et même avant.
A vrai dire, le film n’est pas vraiment marrant. Il ne correspond pas trop à la réputation faisant de lui un grand moment de comique involontaire. Si ce n’est pour quelques scènes éparses, tout y est trop terne pour faire naître l’amusement, et derrière toutes les répliques grandiloquentes, derrière les bons sentiments qui vont de soi, on sent que le réalisateur n’est pas concerné par son sujet, au contraire d’un Enzo Castellari qui avec ses Guerriers du Bronx avait fait un film coloré jusqu’au criard et riche en action improbable. Le seul moment qui se rapprocherait de ce style est bien entendu l’épisode de la cité du futur, où nos trois sauvages débarquent de leur jungle pour déjouer les plans maléfiques d’un méchant à la pointe de la technologie, mais même là le soufflé retombe assez vite faute d’un rythme véritablement entraînant. Le potentiel comique était indéniablement là, mais pour fonctionner, il ne suffit pas d’étaler un look au rabais. Cela requiert une implication que l’on ne retrouve pas ici. Yor, le chasseur du futur est tout simplement un film foutraque, légèrement ennuyeux, auquel sur le même créneau de sous-Conan on préférera sans hésiter Dar l’invincible de l’américain Don Coscarelli.

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