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Extrême préjudice- Walter Hill

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Extreme prejudice. 1987

Origine : États-Unis
Genre : Action
Réalisation : Walter Hill
Avec : Nick Nolte, Powers Boothe, Michael Ironside, Maria Conchita Alonso…

A la frontière mexicaine, dans la petite bourgade de Benrey, le Texas ranger Jack Benteen tente de circonscrire l’imposant trafic de drogue qui transite par sa juridiction. A la tête de ce trafic se trouve Cash Bailey, un ami d’enfance, qui se terre à Mexico à l’abri des représailles de la justice américaine. A cette lutte aux relents fratricides se mêle bientôt un groupe de mercenaires dirigé par le major Paul Hackett, dont la mission consiste à éliminer le trafiquant. Jack Benteen et Paul Hackett sont amenés à collaborer, et tous se lancent bientôt à l’assaut du refuge de Cash Bailey en terres mexicaines. L’extrême préjudice se lavera dans le sang.

Walter Hill est ce qu’on appelle un cinéaste de la testostérone. Rares sont ses films où les personnages féminins servent à autre chose qu’à jouer les utilités. Lui, ce qu’il affectionne par-dessus tout, c’est la bonne vieille amitié virile et la lutte de l’homme contre un environnement hostile. Devenu roi du buddy-movie avec 48 heures, Walter Hill retrouve Nick Nolte pour un film plus sec et moins porté sur un humour qui repose sur la confrontation de deux personnages que tout oppose. Avec Extrême préjudice, il paie son tribut à l’un de ses modèles avoués -Sam Peckinpah- pour lequel il avait écrit le scénario de Guet-apens. Située à la frontière du Mexique, l’action s’apparente à celle d’un western contemporain avec son lot de hors-la-loi, de mercenaires et bien sûr de shérifs, et dont le final nous renvoie à l’œuvre matricielle du grand Sam : La Horde sauvage. Et, au-delà de cette scène emblématique reprise ici sans grande imagination et, disons-le tout net, avec un manque flagrant d’efficacité (il ne suffit pas de reprendre le Mexique comme théâtre de l’action et user de ralentis pour égaler la science du maître), c’est le film en entier qui se teinte des influences de cette œuvre emblématique.

Tout d’abord, il y a cette relation amour – haine qui lie Jack Benteen et Cash Bailey. Ils sont les deux faces d’une même pièce qui ne serait pas tombé du même côté pour l’un et l’autre: côté pile (la justice) pour Jack, côté face (le crime) pour Cash. Les deux hommes ont fait les 400 coups ensemble du temps de leur jeunesse, partageant tout, y compris les femmes. Une telle complicité ne s’oublie pas comme ça du jour au lendemain, et les deux hommes, bien qu’aujourd’hui opposés, ne peuvent passer outre. Leur vieille amitié les met en porte-à-faux avec leur fonction, laissant percevoir chez chacun d’eux une faiblesse que personnifie Sarita, une chanteuse mexicaine. La jeune femme a d’abord fréquenté Cash, avec lequel elle a vécu une idylle intense et passionnée. Avec lui, elle a touché du doigt la vie de princesse dont elle rêvait, disposant de tout le luxe qu’elle souhaitait à condition d’être peu regardante quant à la provenance de l’argent. Mais leur histoire a tourné court, Cash refusant de s’engager plus avant avec elle. Elle s’est alors retrouvée dans les bras de Jack avec qui elle s’est installée, vivant une relation houleuse du fait de l’ombre persistante de Cash sur leur couple. Une ombre avec laquelle Jack a toujours dû composer et qui le mine inexorablement. Vivre avec Sarita, c’est se débattre en permanence avec les souvenirs que la jeune femme a conservés de sa précédente idylle. Jack laisse alors deviner qu’un fort sentiment d’infériorité vis-à-vis de Cash l’assaille et l’empêche de goûter au bonheur de vivre avec la femme qu’il aime. Et il faudra que Sarita parte rejoindre Cash pour que Jack, nourri par une haine tenace, se décide enfin à traverser la frontière pour ramener son vieil ami à la justice de son pays. Ce n’est plus tant le Texas ranger qui agit que l’homme meurtri, mû par une féroce envie d’en découdre et de s’imposer une fois pour toute dans le cœur de Sarita. Mâchoires serrées, le regard d’acier, Jack Benteen forme un bloc monolithique que même la mort de son collègue et ami, le shérif Hank Pearson, ne parvient pas à faire ciller, incarnant jusqu’au bout la loi dans toute sa rigidité. Acteur plus subtil qu’il n’y paraît, Nick Nolte réussit le tour de force de nuancer son personnage à l’occasion d’un bref regard empli de tendresse qu’il jette à l’attention de Sarita alors que celle-ci dort paisiblement, seul moment où son moi véritable arrive à s’exprimer. Principal enjeu dans la lutte qui oppose Jack et Cash, le personnage de Sarita ne représente pas le principal enjeu du film. Dés lors, il ne faut pas s’étonner de la voir cantonnée à la fin du film au seul statut de femme en détresse qui s’abrite derrière les bras musclés de son homme.

Extrême préjudice joue sur deux registres : la confrontation Jack – Cash d’une part, et le microcosme incarné par les mercenaires d’autre part. Cela donne parfois la curieuse impression d’assister à deux films en un, l’un plus rétro et l’autre s’inscrivant dans la mouvance de films plus récents comme Les Chiens de guerre avec ces hommes sans attaches qui mènent de périlleuses missions aux quatre coins du globe. Tous officiellement morts, ils n’ont plus d’autre raison de vivre que celle de se vouer corps et âme à leur pays. Ils forment une véritable famille dont les liens reposent avant tout sur une grande discipline et le respect aveugle des ordres qu’on leur soumet. Privés d’une existence au sens administratif du terme, ils sont aussi dépourvus de tout libre arbitre. Ils ne sont plus que des pions anonymes dont la disparition n’affectera que les membres même de l’équipe. Pas franchement utile au récit, la bande de Paul Hackett sert en quelque sorte à brouiller les pistes puisqu’on ne sait pas vraiment ce qu’elle fait là. Certes, les dialogues nous indiquent que le major et ses hommes sont là pour éliminer Cash Bailey mais ils perdent un peu trop de temps à Benrey pour que les choses soient aussi simples. En fait, leur présence ne semble se justifier que par la fusillade finale, ces mercenaires constituant les acteurs idéaux pour ce genre de scène. Au passage, cela donne l’occasion à Walter Hill de se doter d’un casting haut en couleur avec des « tronches » telles que Michael Ironside, qui n’a aucun mal à incarner l’autorité ; William Forsythe, toujours partant pour les rôles de fou dangereux (Il était une fois en Amérique, Justice sauvage, celui avec Steven Seagal) ; ou encore Clancy Brown, très remarqué l’année précédente dans Highlander sous les traits du Kurgan. Et tout ce beau monde de s’en donner à cœur joie dans le registre de la bande de durs qui n’a peur de rien, et certainement pas de mourir pour des broutilles. La voilà la fameuse horde sauvage du film, sauf que du fait de la présence de Jack Benteen, jamais elle n’acquiert la dimension de sa devancière et c’est dans l’indifférence générale qu’elle se fera décimer. Présentés comme de simples mercenaires, ils mourront comme tels, se voyant privés de tout aspect tragique, sacrifiés sur l’autel du spectaculaire et de l’hommage que Walter Hill a voulu rendre à son aîné. Se plaçant loin derrière les œuvres phares de son auteur (Les Guerriers de la nuit et Sans retour), Extrême préjudice marque un certain essoufflement dans sa carrière, qui se prolongera par la suite de manière nettement plus prononcée.

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