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Le Combat ordinaire, tome 1 – Manu Larcenet

Le Combat ordinaire. 2003

Origine : France
Genre: Drame
Dessins : Manu Larcenet
Scénario : Manu Larcenet
Editeur : Casterman

Marco a quitté la région parisienne pour s’installer à la campagne. Photographe reconnu, il prend une année sabbatique, ne supportant plus de « photographier des cadavres exotiques ou des gens en passe de la devenir ».

Marco est un névrosé, son psy nous l’apprend dès les premières pages. Mais Marco désire arrêter la thérapie, estimant qu’il n’en a plus besoin. Il rend ensuite visite à son frère qui vit dans la banlieue parisienne. Ce dernier vit avec Naïma, infirmière de nuit. Puis Marco se rend chez ses parents. Sa mère s’inquiète de le savoir sans travail, et son père, ancien ouvrier sur les chantiers navals, est victime de la maladie d’Alzheimer.

Marco est un solitaire. Dans sa campagne, il aime les promenades avec son chat Adolf, appelé ainsi car il est méchant. Il réfléchit à son histoire, à son existence, à ses relations avec ses parents et les gens en général. Victime de crises d’angoisses, il essaie d’affronter son quotidien avec le peu de motivation qui en résulte.

Puis il rencontre Emilie, jolie vétérinaire qui va remettre en question le quotidien d’un homme plus attiré par la solitude que par la vie à deux.

Le Combat ordinaire est une œuvre exceptionnelle. Larcenet réussit là à retransmettre avec un talent qu’on ne lui connaissait pas les émotions ambigües d’un homme mal dans sa peau, toujours à la limite de la dépression, réfléchissant à ce qu’il est et pourquoi il l’est. Marco est un homme usé, usé par son travail et les horreurs dont il a été le témoin, mais aussi usé par son passé, par son incompréhension de la vie. Sa vie se résume à aller vers ce qui lui semble le plus simple. Alors quand Emilie souhaite vivre avec lui, qu’ils emménagent ensemble, cette solution ne lui semble pas la plus facile. Pourquoi changer quelque chose quand tout va bien ? Voilà d’où vient le problème principal de Marco. Il n’aime pas le changement, il ne le comprend pas, il ne comprend surtout pas son utilité. Ainsi, il est incapable de s’engager.

Avec ce premier tome, Larcenet traite de thèmes qui lui sont chers. Lui qui s’était fait connaître chez Fluide Glacial avec des titres moins sérieux (dans la forme, mais qui dans le fond s’avéraient plus complexe qu’il n’y paraissait), offre à ses lecteurs une BD mettant en scène bon nombre de ses questionnements. Bien évidemment, il ne peut s’en cacher, il y a une part d’autobiographie dans cette histoire, mais c’est la facilité avec laquelle il construit une histoire hyper réaliste et un personnage central dans lequel beaucoup pourront se retrouver, que cette BD s’avère être une œuvre de cœur. Difficile de ne pas adhérer à ce livre, difficile de ne pas s’identifier à ce personnage ou d’avoir de la compassion. De plus, Larcenet n’hésite pas à placer son histoire dans un contexte historique particulier, celui des élections présidentielles de 2002 qui voit Le Pen arriver au second tour.

Enfin, en quatrième de couverture, Larcenet nous explique que « C’est l’histoire d’un photographe fatigué, d’une fille patiente, d’horreurs banales, et d’un chat pénible ». Cela résume assez bien une BD qui raconte le combat ordinaire de n’importe quel Français. On se bat tous au final contre des petites choses très banales lorsqu’on les met dans un contexte plus pénible. Ainsi, comment un photographe qui a vu les pires horreurs, ne peut-il pas culpabiliser de ses petites angoisses, de ses petits combats, de son combat ordinaire ?

Au niveau du dessin, Larcenet reste dans son style assez simpliste qui s’appuie beaucoup sur les émotions des personnages. De plus, il insère dans sa BD des planches de photos (dessinées) où son style est bien plus dépouillé. Ces images faisant office de photos plongent le lectorat dans les pensées les plus profondes et dans les angoisses les plus banales de Marco.

A n’en pas douter, une des œuvres les plus riches de ce début de siècle. Une histoire touchante et surtout très humaine. Une quête de soi traitée avec mesure, donc sans jamais trop en faire.

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