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La Planète des singes (série TV) – Stanley Hough

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Planet of the Apes. 1974

Origine : Etats-Unis 
Genre : Science-fiction 
Création : Stanley Hough 
Avec : Ron Harper, James Naughton, Roddy McDowall, Mark Lenard…

La Planète des singes n’est plus. Disons qu’elle a explosé, mais qu’elle a donné naissance à deux petits satellites : deux séries télévisées, espacées d’un an l’une de l’autre, et comptant pour l’une 14 et pour l’autre (en fait un dessin animé) 13 épisodes. Chacune a vécu sa vie indépendamment, et chacune revisitait l’univers de la saga cinématographique -essentiellement le premier film- dans une sorte de “reboot” avant l’heure, bien que certains fans avides de continuité essaient tant bien que mal de placer chaque production dans un ordre chronologique cohérent. La première série qui nous intéresse ici se situerait ainsi entre Les Évadés de la planète des singes et La Planète des singes, et marquerait un précédent très antérieur à la venue de Taylor et de son équipage. Pour preuve, les évènements de la série se situent à une époque où les humains disposaient encore de la capacité de parler. D’autres, très certainement perplexes face à l’évocation dans le premier épisode d’une précédente venue d’astronautes sur la planète des singes, préfèrent avoir recours à l’explication bien facile de la dimension parallèle. Pour ma part, je n’y vois rien de tout cela, mais juste une série ne devant pas être assimilée à la “ligne officielle” de la saga cinéma. Il faut dire que la série n’aura guère eu le loisir de fournir des indices… Faute d’avoir su convaincre les téléspectateurs, seuls 14 épisodes ont été tournés (dont un ne fut à l’époque même pas diffusé) sur les 20 qui avaient été prévus, et on ne sait même pas comment tout cela se termine. Sans compter qu’on ne peut pas vraiment dire que la série faisait mine de vouloir construire sa propre mythologie, alors de là à s’associer aux cinq films…

Une navette spatiale s’écrase sur la planète des singes. A son bord, trois hommes, dont un est déjà mort. Les deux autres, Alan Virdon (Ron Harper) et Peter Burke (James Naughton), sont recueillis par un humain auprès duquel ils apprennent la réalité du monde où ils se trouvent. Toutefois, les avertissements n’auront pas suffis : Alan et Peter sont vite capturés par les gorilles du féroce Urko (Mark Lenard), alertés du crash et envoyés par l’orang-outan Zaius, président du Conseil simiesque, désireux de les interroger avant leur exécution. Leur sauveteur est quant à lui tué, mais il laisse un livre ancien dont s’empare discrètement le chimpanzé Galen (Roddy McDowall), assistant de Zaius et chargé de surveiller l’impulsif Urko. Dans cet ouvrage, Galen y découvre que les hommes ont naguère dirigé la planète, et qu’ils possèdent une intelligence tenue secrète par le conseil. C’est pourquoi il déjoue le plan de Urko visant à exécuter Virdon et Burke sans attendre. S’ouvrant de son point de vue sur les humains à Zaius, Galen est taxé d’hérésie et emprisonné. Il sera libéré par les deux hommes au cours de leur évasion. Voilà donc notre trio en vadrouille, traqué par Zaius et Urko. Sans trop y croire, Alan et Peter espèrent trouver un ordinateur ayant survécu à la chute de la civilisation humaine, seul engin susceptible de leur donner un indice quant à un éventuel retour à leur époque.

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Bien vague est cet espoir de salut : si ce n’est dans le premier épisode où les deux hommes se démènent pour récupérer le disque de vol de leur navette écrasée, et éventuellement un autre où ils tentent de faire fonctionner un message holographique laissé par des scientifiques humains peu avant l’apocalypse, strictement rien n’est entrepris par les deux hommes pour retrouver ce très hypothétique ordinateur auquel Burke, avec son sens de l’humour particulier, ne semble même pas croire. Pas plus que les différents scénaristes ayant travaillé sur la série : les épisodes de cette Planète des singes sont totalement dépourvus de continuité. Aucun lien n’existe entre les 14 épisodes, pas même pour les deux exemples cités plus haut. Le disque qu’ils ont eu tant de mal à récupérer ne sera plus évoqué, pas plus que les instructions du scientifique en hologramme. Quant aux aventures en elles-mêmes, aux personnes rencontrées, aux blessures reçues, elles sont oubliées sitôt l’épisode du jour terminé, et les psychologies des personnages n’évoluent jamais, les fins d’épisodes remettant les compteurs à zéro si besoin est, ce qui arrive rarement. Une fois passé le pilote, l’ordre de diffusion de chaque épisode importe peu. La Planète des singes n’est définitivement pas de cette sorte de séries incitant à une attention religieuse. Ce qui a très certainement contribué à son manque de popularité : là où le cinéma a réussi à faire cinq films liés par leurs tenants et aboutissants, la série ne va pas au delà de ses aventures de la semaine (45 minutes chacune), ce qui est d’autant plus frustrant pour les spectateurs que ce redémarrage à zéro a pourtant recours à certains personnages importants de la saga cinéma. On retrouve donc Zaius, toujours obnubilé par la nécessité de taire le rôle passé des humains sur la planète, de même que Ursus, rebaptisé Urko, le gorille qui fonce dans le tas. Galen renvoie pour sa part à Cornelius, Roddy McDowall à l’appui, et se fait l’allié des humains remettant en question la version “officielle” de Zaius. On apprend qu’il fut fiancé à une médecin / vétérinaire nommée Kira (Zira dans les films), laquelle est ici réduite au rang de personnage d’un épisode. Et tout ce petit monde pour pas grand chose…

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Il est donc assez irritant de voir que les potentialités de l’ouvrage de Pierre Boulle ne sont pas exploitées. Et pourtant, cette irritation ne doit pas masquer le fait qu’a son niveau globalement dépourvu d’ambition, La Planète des singes n’est pas un spectacle déplaisant, loin de là. Ses qualités proviennent même en un sens de sa grande simplicité et du refus de s’égarer dans des considérations épiques. Il en résulte une certaine humilité qui sied particulièrement bien aux messages de tolérance et de pacifisme repris par la série, s’inspirant comme les films de certains évènements et pensées du vingtième siècle. La subtilité de la métaphore n’est guère de mise (je pense notamment à cet épisode où un groupe de singes a créé leur Klu Klux Klan à eux), mais le refus de toute prétention formelle permet d’éviter l’écueil de ces grosses machineries hollywoodiennes fabriquées à coup de dollars sonnants et trébuchants qui débouchent sur l’enfoncement de portes ouvertes, souvent à grand renfort de sentimentalisme exacerbé. Ici, où la simplicité est le maître mot, chaque épisode montre un exemple précis de discrimination raciste, d’exploitation, de mépris social, et / ou de la nécessité de la tolérance, du partage et de l’entraide. Très chrétien, certes, gentillet sans aucun doute, mais la série ne tombe par dans la prosélytisme et sait malgré tout se renouveler en touchant à de nombreux domaines de la vie quotidienne. La politique, le sport, le monde du travail (par l’agriculture et la pêche), la corruption, la médecine, la technologie, autant de sujets intelligemment abordés. Intelligemment car les scénaristes ne se sont jamais contentés du simplisme binaire montrant de méchants singes et de gentils hommes. Dans chaque catégorie il existe différents niveaux. Entre la bienveillance de Galen et la haine institutionnalisée d’Urko (ce dernier étant même dépassé par le Klu Klux Klan, hors institution) il existe de nombreuses conceptions dans la société simiesque au sujet des hommes. De même, chez ces derniers, les comportements sont partagés de la collaboration pure et simple à la lutte pour l’émancipation en passant par la soumission plus ou moins désabusée. Sans oublier qu’au sein de leurs propres communautés, singes et humains peuvent s’entredéchirer. On pourra toujours reprocher l’abus qui est fait des connaissances scientifiques de Virdon et Burke, qui sont souvent à l’origine des dénouements en happy end et qui leur donnent un certain air de supériorité tant envers leurs semblables qu’envers les singes, mais les piliers de chaque épisode résident bien dans ces illustrations de la discrimination ou de l’entraide. Et de toute façon, Virdon et Burke, s’ils se comportent effectivement parfois en messies (tendre l’autre joue et autres signes de moralité), restent des personnages sympathiques. Essentiellement parce qu’ils ne se lancent jamais dans de grands discours explicatifs de leur morale, leurs actes se suffisant à eux-mêmes, mais aussi parce qu’ils restent toujours maîtres de leurs émotions et ne s’épanchent jamais plus que de raisons sur les quelques sentiments qu’ils peuvent connaître en chemin (mal du pays, amourettes, compassion…). Burke affiche même un certain humour cynique et absurde qui n’est pas sans faire de lui une sorte de Danny Wilde, tandis que son plus chevaleresque camarade se rapprocherait d’un Brett Sinclair. Et Galen, dans tout cela ? Et bien il n’est pas que le singe permettant de s’attirer quelques alliés dans le monde simiesque, ce qui ne constitue qu’un rôle purement utilitaire dans le cadre d’un récit d’aventures. Sa présence concrétise surtout la moralité de la série en démontrant que l’amitié et la coopération entre les peuples de cultures différentes sont possibles. Cette amitié naturelle (là encore, pas de grosses ficelles et même quelques petites piques humoristiques pour signifier qu’il n’y a rien de diplomatique dans cette alliance) unissant les trois personnages pour un idéal commun, qu’ils essaient de faire partager par l’action, forme le centre d’intérêt de la série, très loin avant la quasi inexistence d’un échappatoire à la planète des singes.

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Bien qu’il soit assez douteux qu’elle ait pu survivre quelques années de plus (le risque d’être répétitive aurait été trop grand), rien de sérieux n’empêchait la série au moins de finir la saison sans être lâchement annulée. C’est au minimum ce qu’elle aurait mérité, compte tenu de sa valeur et de son homogénéité facilitée par la sympathie inspirée de ses personnages principaux (et pas seulement eux, d’ailleurs, même un Zaius est en un sens honorable -son ambition est de ne pas reproduire les erreurs humaines-). D’autant plus qu’elle a connu une série de déclinaisons en bandes dessinées, en romans, en feuilleton radiophonique, et même en 1981 d’un recyclage de plusieurs épisodes en cinq téléfilms censés évoquer les souvenirs d’un Galen devenu âgé (Roddy McDowall ayant reprit son rôle pour l’occasion, introduisant et concluant chaque épisode, non sans ajouter que tout cela s’est terminé lorsque ses deux amis ont finalement trouvé leur ordinateur qu’ils avaient si peu recherché).

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