CinémaGuerreScience-Fiction

L’Aube rouge – John Milius

Red Dawn. 1984.

Origine : États-Unis
Genre : Guerre-fiction
Réalisation : John Milius
Avec : Patrick Swayze, Charlie Sheen, C. Thomas Howell, Lea Thompson, Harry Dean Stanton.

Il est amusant de constater à quel point le communisme a pu susciter l’effroi chez les américains. Une peur qui a nourri des années durant tout un pan de la cinématographie américaine à base d’invasions extraterrestres symbolisant la menace communiste. Pourtant, depuis 1962 et la fameuse crise des missiles, le “péril rouge” n’a jamais réellement menacé les États-Unis. Dès son premier mandat, Ronald Reagan a réchauffé la Guerre Froide en augmentant considérablement le budget de la défense et en se retirant des politiques de détente à la faveur de l’intervention soviétique en Afghanistan. Très populaire dans son pays, sa politique a fini par infuser au sein de l’industrie hollywoodienne donnant naissance à des films au propos belliqueux dont le plus fier représentant est incontestablement Invasion USA. Le héros “reaganien” était né ! Un an avant ce fleuron du cinéma d’action bas du front, John Milius illustre à sa manière l’éventuelle invasion du pays par des hordes de soldats communistes, s’inspirant du passé pour imaginer un futur redouté.

Une nouvelle journée commence dans la petite ville de Calumet. Chaque habitant vaque à ses occupations habituelles. Il fait beau, les oiseaux chantent et l’équipe de France de football des Platini, Giresse et autre Tigana est en passe d’être sacrée championne d’Europe. Jed accompagne son jeune frère Matt et quelques uns de ses amis à l’école. Jusque là, rien d’extraordinaire. Le cours d’histoire se déroule calmement lorsque soudain, le ciel se met à déverser des centaines de parachutistes lourdement armés et qui atterrissent sur le terrain de football jouxtant l’école. Et c’est la panique. Lesdits parachutistes font rapidement parler la poudre, l’infortuné professeur étant le premier à succomber aux balles communistes. Grâce à Jed, revenu en catastrophe, Matt et ses amis parviennent à prendre la fuite. Après une courte halte pour s’équiper dans un drugstore, ils prennent le maquis non sans se faire un sang d’encre pour leur famille respective. Une fois les pleurs d’usage passés, la petite bande s’aguerrira suffisamment pour constituer un rempart de fortune, mais néanmoins efficace, contre le fléau communiste.

A l’origine, John Milius demeure étranger au projet. Le scénario, alors intitulé Ten Soldiers, est l’oeuvre de Kevin Reynolds et répond à son désir de montrer au public américain ce que les Européens ont eu à subir lors des deux guerres mondiales. Et surtout de décrire l’attitude des adolescents plongés dans un tel contexte. Très attaché au projet, il ambitionne de le mettre en scène mais aucun studio n’envisage un novice à sa réalisation. C’est là que John Milius entre en scène. Particulièrement intéressé par le postulat de départ, il met son nez dans le travail de Kevin Reynolds et réarrange l’ensemble à sa sauce. Un travail de réécriture qui n’est guère du goût du scénariste, lequel n’apprécie pas l’orientation va-t-en-guerre du récit. Et pour marquer sa désapprobation, il demande à ce que son nom soit supprimé du générique. En vain.

John Milius n’a bien sûr pas tout supprimé du scénario original. Il subsiste notamment cette belle scène du parachutage des troupes communistes vu depuis une salle de classe. Le calme avant la tempête, en quelque sorte. Sans gager de ce que aurait pu être le film dans son traitement initial, L’Aube rouge à la sauce John Milius relève de l’anticommunisme attendu, sans une once d’ambiguité. A ce titre, les intentions de John Milius sont limpides. Il veut nous montrer à quel point le peuple américain est un peuple courageux et brave et que lui aussi est capable de tenir tête à un assaillant vil et lâche. Il utilise des éléments incontournables du régime soviétique dont le fameux goulag dans lequel périront nombre d’honnêtes citoyens. Cependant, il n’occulte pas la collaboration d’une partie de la population dont le maire en personne. John Milius reprend à son compte l’imagerie de l’occupation allemande en Europe durant la seconde Guerre Mondiale, à la grande différence qu’ici, les Américains ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Les autres pays ont d’autres chats à fouetter… rappelez-vous du championnat d’Europe de football. Plutôt que de glorifier un individu, il étend la posture héroïque à tout un groupe de jeunes gens. Ils représentent la nouvelle génération d’Américains, une génération qui ne frayera jamais avec l’ogre communiste et qui défendra son pays et ses valeurs jusqu’à la mort. On peut déplorer à leur propos un manque de diversité. C’est la jeunesse blanche qui prend les armes et s’élève bien haut contre l’envahisseur. Pour les interpréter, John Milius emploie toute une ribambelle de jeunes comédiens alors promis à une grande carrière tels Patrick Swayze (Ghost), Charlie Sheen (Platoon), C. Thomas Howell (Hitcher), Lea Thompson (Retour vers le futur) ou encore Jennifer Grey (Dirty Dancing). Ils sont loin d’y être tous parvenus.

Au-delà de son fond douteux, L’Aube rouge offre peu d’occasion de se réjouir. John Milius signe un film de guerre lambda jusque dans les rapports entre ses personnages (la relation fraternelle entre Jed et Matt), sans grandes fulgurances et finalement trop terre à terre. Dans le genre démarquage de la Seconde Guerre Mondiale, la série de Kenneth Johnson V s’avère autrement plus sympathique et inventive. Curieusement, L’Aube rouge semble être un film qui fascine puisque en 2012, Dan Bradley en signe un remake avec dans le rôle de l’envahisseur, les nord-coréens.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.